Lourdes, 25 mars 1858. La fête de l’Annonciation se doit d’être réjouissante pour tout chrétien. Pourtant, l’abbé Peyramale soupire pour la énième fois en regardant le ciel gris par sa fenêtre. Cela fait plusieurs semaines que la petite Bernadette Soubirous n’est pas venue le voir. D’après les murmures, elle se rend toujours à la grotte de Massabielle. Mais Aquero, l’entité qu’elle prétend voir depuis février dernier, ne se montre plus.
Folle ou menteuse ?
Mais cela ne rassure pas l’abbé. Il se souvient de la dernière fois où Bernadette est venue le trouver pour lui demander une procession pour cette “belle dame”. Furieux, il l’avait renvoyé avec des mots peu charitables.
- Une procession pour un être inconnu qui refuse de donner son nom ? Et puis quoi encore ?
Pour beaucoup du village, il n’y a pas de doute qu’il s’agisse de la mère de Dieu. Mais lui n’est pas naïf. N’importe quel esprit malveillant peut se jouer des paysans illettrés de Lourdes. Bernadette elle-même insiste sur le fait que la dame n’a jamais donné son nom. En supposant qu’elle ne soit ni folle, ni menteuse, cela ne dit rien sur cette entité qui se montre à elle.
L’abbé lui-même a tenté de vérifier l’identité de la dame en demandant à ce qu’elle fasse fleurir le rosier de la grotte. Un acte que la sainte mère de Dieu a réalisé lors d'autres apparitions dans le monde. Selon Bernadette, Aquero a seulement demandé à nouveau la construction d’une chapelle en réponse.
- Et bien qu’elle te donne elle-même l’argent pour sa chapelle, a-t-il répondu, frustré. Moi je n’en ai pas.
Mais s’il y a une chose que l’abbé Peyramale a du mal à rejeter, c’est la ferveur de Bernadette. Il est réputé pour son imposante carrure et son caractère coléreux. La petite paysanne tremble à chaque fois qu’elle vient le voir. Mais elle vient quand même. Et elle ne délaisse pas la messe pour la grotte non plus.
Immaculée conception
Soudain, on frappe à la porte avec insistance. De l’autre côté, se trouve une Bernadette essoufflée mais le visage radieux.
- Je suis l’Immaculée Conception ! s’écrit-elle. C’est ce que m’a dit la dame aujourd’hui.
L’abbé se fige en entendant ces mots. Il serait tombé à la renverse s’il ne s’était tenu à la poignée. Impossible ! Aucune dame ne peut porter ce nom.
- Sais-tu au moins ce que cela veut dire ? demande-t-il.
- Non, mon père. Je l’ai répété tout le chemin pour ne pas l’oublier. Oh, et elle demande toujours sa chapelle.
Comment Bernadette connaît-elle ce terme ? Elle ne parle que le patois et n’a aucune formation en théologie. Il voit dans les yeux de l’enfant l’incompréhension et l’attente d’une explication. Mais Peyramale ne peut que balbutier.
- Rentre chez toi. Je te verrai une autre fois.
Sans attendre de réponse, il ferme la porte et se précipite vers la bibliothèque de sa chambre. Il en tire un petit livre intitulé “Ineffabilis Deus”. À l'intérieur se trouve les mots du pape Pie IX, faisant l’éloge de la parfaite pureté de la Vierge Marie. Il y a à peine quatre ans que le dogme de l’Immaculée Conception a été déclaré.
Les grandes mains de l’abbé tremblent. Serait-ce donc vraiment possible que Dieu lui fasse l’honneur de se présenter ici ? Par le biais de Sa très sainte mère ? Et pour messager, Il a choisi la plus petite d’entre tous. La peur et la joie l'envahissent en même temps.
Vite, il rédige une lettre à l’évêque pour relater les dires de Bernadette avant de se hâter vers l’église.