Algérie, 21 décembre 1916. Un silence de mort règne sur le plateau de l’Assekrem alors que le capitaine de La Roche et ses hommes arrivent. Un vent hivernal sinistre siffle sur le refuge construit pour le père de Foucauld. Il n'y a pas de corps visible, mais les soldats reconnaissent déjà l’odeur de la mort.
Après trois semaines sans nouvelles, le commandant Laperrine a demandé à ce qu’on aille prendre des nouvelles de son ami Foucauld. Même à cette distance, le capitaine de La Roche sait qu’il ne trouvera sans doute pas le marabout, surnom que lui ont donné les Touaregs, vivant. Il inspire longuement avant d’ordonner à ses hommes de fouiller les lieux.
Le bien le plus précieux de Charles de Foucauld
Certains soldats vont interroger les Touaregs. D’autres cherchent corps et survivants. Mais ils savent que les pillards ont l'habitude de jeter les corps dans des fossés loin du lieu d'exécution. Ou encore, de les abandonner dans le désert pour que les chiens sauvages les dévorent sans laisser de trace.
Le capitaine ne laisse rien paraître, mais un sentiment amer le pince au cœur. Charles de Foucauld était une figure importante pour l’entente avec les Touaregs. Amoureux du Christ et plein de savoir, sa présence seule suffisait à calmer les désaccords entre les peuples du désert et l’armée française.
Le capitaine se rend alors à la chapelle de l’ermitage du père de Foucauld. Sa gorge se sert à la vue du tabernacle brisé. Où sont donc les saintes espèces ? Les pilleurs les auraient-ils aussi profanées ? Mais en baissant les yeux, il aperçoit un objet scintillant, recouvert de terre et de sable.
L’objet est une lunule d’ostensoir. Un poids le quitte lorsqu’il s’assure que l’hostie est bien présente. Les mains du capitaine tremblent. Il ne sait que faire de ce bien si précieux. Mais le laisser aux sables du désert est impensable.
Après une brève prière, le capitaine décide de l’emmener à quelques kilomètres de là, au fort Motylinski. Un des sous-officiers est un ancien séminariste. La Roche décide de la lui remettre à son retour. Il enveloppe la lunule dans un mouchoir et la range précieusement.
L’héritage laissé au désert
Les soldats retrouvent sur les lieux du crime les derniers écrits du marabout. Il y a beaucoup de lettres adressées à ses amis à l’approche de Noël. Une à sa chère cousine Marie qu’il appelle affectueusement sa "chère mère". La Roche se permet de lire quelques lignes. Et dire que le père tentait de rassurer ses proches à propos de sa sécurité en ces temps troublés...
Le capitaine trouve alors le dictionnaire français-touareg du marabout. Cette œuvre lui a demandé de longues heures de travail. C’est une preuve irréfutable du dévouement de Foucauld à la bonne entente entre les touaregs et les français. Chaque phrase est une apologie de l’unité, de la charité et du Christ.
Quelques heures avant sa mort, comme s’il l’avait prédite, Charles de Foucauld écrivait ceci :
Quand les touaregs apprennent la mort du père Foucauld, ils pleurent le triste sort de leur ami. Moussa, leur chef, écrira à Marie pour faire l’éloge de Charles et de sa piété. Le marabout chrétien laisse derrière lui une empreinte indélébile. Le capitaine de La Roche emporte ce qu’il peut des écrits du marabout avant de partir rejoindre ses hommes.
La dépouille de Charles de Foucauld ne sera retrouvée qu'un an plus tard, en décembre 1917. Il sera béatifié par le pape Benoît XVI en 2005 et canonisé le 15 mai 2022. Il est fêté le 1er décembre.