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La capitalisation du constructeur Tesla, 1.000 milliards de dollars, cent fois plus que le groupe Renault qui, lui, produit avec son partenaire Nissan presque huit fois plus de voitures a quelque chose d’injuste. Un écart qui rappelle, en bien pire, la parabole de l’ouvrier de la dernière heure…
Cette « injustice » vaut d’ailleurs pour toute l’industrie automobile et en particulier pour Toyota, leader de l’industrie, inventeur du véhicule hybride, qui capitalise « seulement » 200 milliards d’euros en produisant annuellement douze fois plus de voitures que Tesla pour un parc total de véhicules vendus au moins centuple du sien. Ces écarts ne viennent pas du hasard mais sont la conséquence du bouleversement créé par l’arrivée du véhicule électrique dont Tesla est le brillant promoteur.
Deviner le futur
L’écart est moins choquant qu’il y a quelques années puisque Tesla, pour la première année, fait de réels résultats, alors que depuis le début de son parcours, l’entreprise affichait de fortes pertes. Dans cette affaire, il faut bien comprendre que la logique d’un marché financier n’est pas de récompenser le passé mais de deviner le futur. Si on se projette, Tesla a une chance d’écraser ses concurrents. La montée de l’électrique déprimera en effet les marchés thermiques et tout le monde sait que quand la demande tombe vite, il est difficile, même pour des leaders, de faire beaucoup d’argent à cause d’une dépression des prix. Les liquidités que les concurrents traditionnels pourront tirer de leurs voitures thermiques peuvent s’avérer moins élevées que prévu, ce qui augmentera les chances de Tesla d’échapper à leur prise.
Il ne faut pas pour autant sous-estimer les risques que court Tesla : une partie de son résultat vient des « bonus carbone » gigantesques que lui payent ses concurrents et qui vont disparaître rapidement. Sans parler des producteurs de batterie indépendants (notamment chinois) qui peuvent réussir à vendre à tous les concurrents de Tesla en lui volant sa position actuelle de leader en batterie grâce à sa production intégrée. Enfin les poids lourds de l’industrie : Mercedes, Volkswagen, Toyota et BMW se convertissent extrêmement rapidement. Ils sont loin d’avoir dit leur dernier mot.
Autre problème de taille qui peut toucher Tesla : le service après-vente. Tesla a choisi de vendre en direct sans passer par des concessionnaires, économie de coût à court terme, mais gigantesque problème potentiel, le jour où les voitures viendront à vieillir et où l'entreprise se trouvera confrontée à des problèmes de service survenant partout en même temps. Cela étant dit, Elon Musk est un vrai génie qui a probablement anticipé ces sujets et dispose d’autres tours dans son sac !
Les règles du marché financier
Le prix de l’action est-il fou ? Pas forcément. Il est fait par le marché financier qui, quoi qu’on raconte, est une organisation très sérieuse avec une gouvernance ferme et des régulateurs attentifs. Les comptes des entreprises sont sévèrement audités par des grands cabinets dont c’est le métier et qui appliquent des règles strictes. Les 35.000 sociétés cotées sont scrutées quotidiennement par 50.000 analystes de très haut niveau sans compter les brokers, les banques et les caisses de retraite qui ont dans leur bilan la majorité des actions… Les prix sont donc loin d’être le fruit du hasard.
La Bourse a permis le financement de l’économie qui a certes créé des inégalités mais a aussi réduit la pauvreté dans le monde en servant de carburant à l’économie.
La vérité est qu’aujourd’hui le prix d’une action a exactement autant de chances de monter que de descendre demain et, après tout, si vous pensez que la capitalisation est trop élevée personne ne vous oblige à l’acheter ! Vous pouvez même tout à fait légalement gagner de l’argent en pariant à la chute… Cela s’appelle le short selling. Il faut aussi relativiser les 1.000 milliards de Tesla, une somme certes colossale, mais qui ne représente qu’un pour cent de la capitalisation mondiale totale.
Le rôle des banques centrales
La vraie question que se posent beaucoup est d’un autre ordre, qui elle est liée aux politiques des banques centrales qui depuis une dizaine d’années arrosent l’économie de liquidités : avant la crise Covid, pour compenser la dépression des prix mondiaux, depuis, pour éviter que l’économie s’effondre. Avec le recul, il est clair que l’excès de liquidités a été se loger dans les actifs et non pas dans l’activité elle-même. Et parmi les actifs, il est tout aussi clair que le net a raflé la mise donnant une force colossale à des entreprises comme Tesla qui, en diluant seulement 10% de son capital, peut mobiliser 10 fois la valeur de Renault !
Cette réflexion sur la valeur de Tesla est une occasion de prendre conscience de la puissance des marchés financiers. Il y a et il y aura des tricheurs mais il y a aussi une structure extrêmement solide et des gens sérieux. Ce qui s’est construit au fil du temps est une des plus belles inventions de l’esprit humain et une manifestation de son génie. La Bourse a 500 ans ; ceux qui la connaissent bien savent qu’elle accompagne la croissance mondiale de l’économie avec certes des soubresauts mais une constance remarquable. Les plus anciens indices que nous avons, notamment le Dow Jones, montrent une croissance moyenne de 6% sur 250 ans. La Bourse a permis le financement de l’économie qui a certes créé des inégalités mais a aussi réduit la pauvreté dans le monde en servant de carburant à l’économie. Il faut que les autorités restent vigilantes pour la protéger d’elle-même, mais il ne faut surtout pas lui jeter la pierre à chaque occasion et n’écouter que ceux qui lui veulent du mal. Mieux vaut l’étudier et, plus généralement renforcer ses connaissances en économie !