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Pour se préparer à voter au printemps prochain

FRANCE ELECTIONS
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Jean Duchesne - publié le 23/11/21
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Tous les mercredis, l’essayiste Jean Duchesne commente l’actualité de l’Église et du monde. Alors que les enjeux de la prochaine élection présidentielle se précisent, l’essayiste explique pourquoi il est sage de ne pas s’exciter ni de s’en désintéresser.

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La campagne déjà commencée pour l’élection présidentielle de 2022 va s’intensifier après les fêtes de Noël et du Jour de l’An, en occupant de plus en plus d’espace dans les médias, dans les conversations et même en famille. Il y aura des discussions passionnées : il faut absolument, diront les uns, qu’untel ou unetelle l’emporte, car personne d’autre n’est capable de nous sortir de la décadence et du chaos ; ce serait au contraire un désastre, rétorqueront les autres, si le (ou la) même était (ré)élu(e). Est-ce esquiver ses responsabilités de citoyen (et de chrétien) que de refuser par avance de s’emballer ?

Un bras moins long qu’on imagine

Il est incontestable qu’un président de la République n’a pas un rôle négligeable. Le fonctionnement de nos institutions en fait quasiment un monarque. Mais ne lui prête-t-on pas un bras bien plus long qu’il n’est en réalité ? Ses prérogatives sont conditionnées par les moyens dont il dispose. La marge de manœuvre que lui laisse le budget de l’État est minime : les besoins permanents, reconnus comme des acquis intouchables, ne permettent que des inflexions quantitativement mineures. Celles-ci ne sont pas dictées uniquement par des desseins préconçus (pour autant qu’il y en ait par-delà la conquête et la conservation du pouvoir), mais aussi (voire surtout) par les circonstances, que leur origine soit interne (comme la crise des Gilets jaunes, peut-être trop vite oubliée), ou transnationale (comme le terrorisme, les approvisionnements en énergie, le réchauffement climatique, les mutations technologiques ou une pandémie comme celle qui sévit ces temps-ci).

Le souverain élu a cependant aussi un pouvoir immatériel, symbolique, qui s’exerce par l’image et le verbe.

Le souverain élu a cependant aussi un pouvoir immatériel, symbolique, qui s’exerce par l’image et le verbe. En régime de sécularisation et de démocratie, la sacralité du chef d’État ne disparaît pas totalement. Mais elle est entamée par le fait qu’il n’est là que comme chef d’un parti et que les partisans de ses concurrents se sont simplement avérés moins nombreux que les siens. Son autorité est tributaire d’une pléiade d’experts et battue en brèche par les critiques de ses divers opposants. Sa domination est encore limitée par la durée de son mandat. Après l’« état de grâce » des premiers mois, le crédit obtenu par sa victoire au printemps, et confirmé par le parlement docile élu dans la foulée, s’épuise vite dès la rentrée de septembre suivant. S’il veut être réélu, il doit prendre soin de ne pas trop déplaire à ceux qui ne l’ont soutenu que faute de mieux. 

Non pas trois, mais quatre pouvoirs

Tout ceci invite à quelques réflexions. Pour commencer, la démocratie change un peu de nature si l’on n’attend pas le verdict des urnes et si la légitimité de celui qui incarne l’État dépend de sa popularité, mesurée par les sondages et façonnée non seulement par sa gestion et ses décisions, mais encore par son style personnel et sa vie privée. On passe insensiblement du principe de délégation pour un temps déterminé à un système de contrôle direct et immédiat, où fait loi l’opinion qui prend toute la place dans les médias sur des bases souvent émotionnelles. 

Si la pratique actuelle de notre république donne au président de domestiquer le législatif en plus de l’exécutif tandis que l’indépendance du judiciaire est parfois mise en doute, surtout lorsque des politiques sont visés, le « quatrième pouvoir » est un contrepoids décisif. C’était autrefois celui de la presse (d’abord écrite, puis audiovisuelle). C’est désormais aussi celui des réseaux sociaux, dont la logique est encore moins maîtrisable, puisqu’elle n’a pas de but ouvertement commercial ou idéologique.

L’idéal et la réalité de la démocratie

On peut, en deuxième lieu, s’interroger sur ce que signifie la démocratie. On voit s’affronter deux conceptions. D’un côté, c’est le droit d’imposer, au nom de la majorité du moment, la volonté de l’exécutif aux minorités qui la désapprouvent. De l’autre, c’est le respect par la majorité des droits des minorités, y compris celui de manifester leur désaccord. Ces deux approches sont censément complémentaires et inséparables. Or on s’aperçoit que ce n’est pas le cas, par exemple lorsque le (ou les) sortant(s) présente(nt) une possible alternance au pouvoir comme une catastrophe assurée, ou lorsqu’on veut interdire aux soignants l’objection de conscience quand il s’agit d’éliminer une vie commencée ou qui tarde à finir.

En théorie, tout est régi par la législation qui définit les droits et les devoirs. En fait, aucun idéal ou « philosophie » ne sous-tend le dispositif. Il n’y a pas (ou plus) de consensus, même implicite. Car la morale qui devrait en découler fluctue au gré des vents : aujourd’hui, ce qui était réprouvé (« amours libres », divorce, IVG, homosexualité, blasphème, bientôt euthanasie et suicide) entre dans les normes officielles et inviolables, tandis que les scandales autrefois refoulés (inceste, pédophilie, « droit de cuissage ») sont férocement dénoncés. Mais les nouveaux droits ne font pas l’unanimité et tout cela n’a de fondements qu’empiriques.

Le spectacle du sport et de la politique

Notre société fonctionne finalement d’une manière analogue au sport. Il y a des règles impératives, mais elles sont essentiellement formelles et ne se justifient que par l’agrément (voire l’excitation) que le jeu procure aux spectateurs aussi bien qu’aux participants. Il n’est peut-être pas un hasard que la démocratie moderne ait pris forme outre-Manche en même temps que la codification d’exercices athlétiques variés, dans une culture marquée par l’empirisme (Francis Bacon, Hobbes, Locke, Hume, Bentham, Adam Smith, James et John Stuart Mill…), qui ne tire de lois (toutes révisables) que de l’expérience (empeïria en grec).

Cet enracinement commun au sport-spectacle et à la politique peut à la fois expliquer et relativiser la dramatisation d’événements comme une élection présidentielle : la compétition soulève des passions, mais ce n’est pas une lutte à mort entre le bien et le mal ; chaque champion a ses supporters ; le public est émoustillé par le suspense médiatisé ; sondeurs et commentateurs s’activent à la façon des bookmakers. Mais croire que le résultat sera le paradis (ou l’enfer) sur terre, c’est s’illusionner gravement. D’ailleurs, on recommencera dans cinq ans (et quatre seulement pour le mondial de football ou les Jeux olympiques).

L’enjeu des affaires d’intendance

Le parallèle ne peut toutefois pas être poussé jusqu’à l’infini. Car l’État et le gouvernement fournissent, en plus de passions et même d’ivresses qui paraissent des besoins naturels en politique comme dans le sport, des services indispensables : éducation, solidarité, régulation de l’économie, infrastructures, justice et sécurité, gestion de crises, prévisions… Les citoyens, tous concernés, auraient tort de se désintéresser de choisir pour leur part à qui est confié l’ordonnancement de ces missions. Mais ce n’est, somme toute, que de l’intendance et cela ne peut guère mobiliser que sur le mode ludique du sport : sans horizon ni métaphysique.

Les Évangiles — notamment Luc (12, 41-46 ; 16, 1-13 et 19, 11-27) — incitent cependant à ne pas mépriser les affaires d’intendance, bien moins simples qu’on imagine. Comment faire pour qu’en soient perçus les enjeux par-delà l’immédiat ? C’est peut-être dans la culture, où la représentation des expériences en révèle la portée, que la vision peut s’approfondir. Et c’est là que le témoignage chrétien débouche le paysage, en rappelant à contre-courant que du « pain et des jeux » (panem et circenses), c’est-à-dire la subsistance et les exaltations passagères qu’offre la politique, calment les faims sans les rassasier et les angoisses en les étouffant.

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