Nous sommes habitués à voir Jésus comme notre ami, notre frère, quelqu’un de proche, plein de compréhension et de miséricorde. Aussi sommes-nous quelque peu décontenancés par les textes du Nouveau Testament qui annoncent le retour du Christ en gloire et majesté comme Juge des vivants et des morts et Roi de l'univers. Notre image de Jésus aujourd’hui n’est-elle plutôt celle du compagnon que du Seigneur ?
Pourtant nous devons tenir les deux ensemble si nous voulons être fidèles à la révélation biblique. Jésus marche à nos côtés sur nos routes humaines, comme il l’a fait avec les deux disciples en chemin vers Emmaüs. Il est aussi celui qui se tient au bout du chemin, celui qui se dresse au terme de l’histoire — notre histoire individuelle comme celle de toute la création. Nous sommes en marche vers Jésus glorieux, et vers cet accomplissement de la création et de l’histoire où tout sera rassemblé en Lui.
Sa royauté n’est pas de ce monde
Nous n’en sommes pas encore là. Dans l'évangile de ce dimanche (Jn 18, 33b-37), Jésus subit un interrogatoire de la part de Pilate, gouverneur romain de la Judée. Le chef d’accusation ? Prétendre être le roi des juifs. Jésus est suspecté de vouloir soulever le peuple pour renverser le pouvoir en place. Sur la Croix, sera cloué le motif de sa condamnation : « Jésus de Nazareth, le roi des juifs ». Nos crucifix reproduisent les initiales des quatre mots qui composent cette inscription : INRI. La royauté de Jésus est affichée sur l’instrument de son supplice. Sur terre, Jésus n’a pas eu d’autre trône que la Croix.
Jésus règne chez ceux qui cherchent sincèrement à connaître et à faire la vérité.
Jésus répond à Pilate que sa royauté n’est pas de ce monde. Comprenons que Jésus n’est pas roi à la manière de ce monde. S’il l’avait été, il aurait eu autour de lui des gardes, des partisans, qui l’auraient défendu. Pierre a bien essayé... Tout ce qu’il a réussi à faire, c’est couper l’oreille du serviteur du Grand-Prêtre ! Acte dérisoire qui montre que les disciples à Gethsémani n’avaient encore rien compris. Jésus commande à Pierre de rengainer son épée. Ce n’est pas ainsi qu’il est roi. Il ne prétend pas prendre le pouvoir. Il ne cherche pas à imposer la loi de Dieu par la force des armes. Il l’inscrit dans les cœurs par la grâce de l’Esprit.
Le Royaume de la vérité
Pourtant, Jésus est venu dans le monde pour annoncer la venue du Royaume de Dieu. « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’évangile », tel est le résumé de sa prédication (Mc 1, 15). Les miracles qu’il accomplit sont les signes que Dieu a commencé à déloger le « Prince de ce monde » des positions qu’il occupait solidement. Le diable est menteur depuis l’origine. Il détourne l’humanité de Dieu en travestissant son visage, comme cela est raconté dans le récit du premier péché, en faisant croire à Adam et Ève que Dieu est plein de jalousie à leur égard, qu’il veut conserver pour lui seul le privilège de connaître le bien et le mal. Le diable est rusé, intriguant, manœuvrier. Par ses suggestions habiles, il transforme dans les esprits le Dieu de don en un Dieu d’interdits.
Jésus, lui, est venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, comme il le dit à Pilate. Jésus est sans détour. Il dit ce qu’il a entendu auprès de son Père, il accomplit parfaitement sa volonté. Quiconque appartient à la vérité écoute sa voix. Jésus règne chez ceux qui cherchent sincèrement à connaître et à faire la vérité.
Un règne qui s’étend progressivement
Le règne de Dieu ne s’identifie avec aucune société humaine. Il sera parfaitement réalisé à la fin des temps, lorsque Dieu sera tout en tous, lorsque sa lumière aura chassé toutes les zones d’ombres, tous les recoins obscurs de nos existences. Cependant, ne pensons pas que le Royaume de Dieu est seulement pour après, pour plus tard. Depuis la Pentecôte, il s’étend progressivement chez tous les peuples, dans toutes les sociétés, au moins à l’état de germe. Il s’établit chez tous ceux qui s’ouvrent à la grâce de Dieu, qui reçoivent et grandissent dans le don de l’Esprit. Ceux-ci, par leur action (car la foi agit par la charité), transforment les réalités sociales dans le sens de la justice et de la paix, de la réconciliation et de l’amour fraternel. Le Royaume de Dieu est une réalité spirituelle qui marque de son empreinte les réalités sociales.
En ce jour de fête, terme de l’année liturgique, nous reconnaissons humblement que le Christ est loin de régner pleinement dans nos vies. Il reste des secteurs qui résistent à sa parole, de nappes profondes que sa lumière n’atteint pas encore. Demandons la grâce de la conversion, pour que son règne progresse en chacun de nous, et, à travers nous, dans le monde.