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Xavier Dufour enseigne les mathématiques, la philosophie et la culture religieuse chez les Maristes à Lyon. Il anime des sessions d’été de professeurs et vient de publier Enseignant et chrétien : une vocation (Éditions de l’Emmanuel, 2021), un livre qui s’adresse à tous les professeurs soucieux d’unifier leur foi et leur pratique professionnelle. Pour lui, "l’enseignant chrétien a une véritable liberté s’il veut bien l’assumer".
Aleteia : Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Xavier Dufour : Dans le prolongement de mes engagements chez les Maristes et dans le mouvement de la Communion des Éducateurs chrétiens, j’ai voulu rassembler mes réflexions pour encourager de nouvelles vocations d’enseignants chrétiens. Mon livre offre les principaux repères anthropologiques et spirituels pour éclairer cette mission, à travers les enjeux de l’éducation, la relation d’autorité, le souci pédagogique, le sens spirituel des études, la culture religieuse, la vertu d’espérance... ainsi que les situations particulières du chrétien dans le public et dans le privé confessionnel. Mais ce livre vise aussi à sensibiliser les prêtres, les évêques, et les responsables de communautés, à ce terrain de mission essentiel et sous-estimé qu’est l’école.
Comment le professeur peut-il unifier vie chrétienne et devoir professionnel ?
Avant tout, en réalisant l’immense dignité de son métier, qui consiste selon Édith Stein en une "participation à l’œuvre de création". Il s’agit d’acheminer chaque élève au seuil de sa vie intérieure, ce lieu source à partir duquel il pourra grandir en liberté, trouver le sens de sa vie et peut-être rencontrer Dieu. L’enjeu est de nouer en un seul engagement les trois modalités de cette mission : enseigner, éduquer, évangéliser. Cette interpénétration n’est possible que si elle est vécue par le professeur lui-même, dans l’unité de sa vie spirituelle, intellectuelle et morale. Enseigner, c’est avant tout travailler sur soi-même ! C’est en enseignant que le professeur éduque. Toute discipline, par ses apprentissages, ses exigences, sa méthode, contribue à forger la volonté. Cette formation morale est d’autant plus féconde qu’elle est portée par l’exemple même du maître, dans une juste relation d’autorité, exigeante et bienveillante. L’enseignant chrétien, lui, voit en chaque élève une créature unique et aimée de Dieu et cela renouvelle sans cesse son regard éducatif. C’est aussi par son enseignement que le professeur peut ouvrir l’élève au questionnement spirituel.
Chaque discipline porte une interrogation sur le monde et sur l’homme. Un enseignement de physique n’est rien s’il ne procède pas d’un émerveillement devant une nature pétrie d’intelligibilité et face à l’esprit humain capable d’en déchiffrer les secrets.
Chaque discipline porte d’une manière ou d’une autre une interrogation sur le monde et sur l’homme. Un enseignement de physique n’est rien s’il ne procède pas d’un émerveillement devant une nature pétrie d’intelligibilité et face à l’esprit humain capable d’en déchiffrer les secrets. Le professeur chrétien suggère ainsi qu’il y a un ordre des choses et que cet ordre est bon. Ce faisant, il pose les bases d’un questionnement plus haut sur le sens de la création et sur la destinée humaine… même dans un contexte laïque.
Pourquoi parlez-vous d’une vocation de sainteté ordinaire ?
Parce que le professeur chrétien à la chance de pouvoir incarner sa vocation à la sainteté dans l’ordinaire des conditions de son métier. Cet ordinaire, c’est tout d’abord dans un lieu particulier : pour cela il faut habiter résolument ce lieu, y passer du temps, écouter ses élèves et ses collègues, être force de propositions, etc. C’est ensuite dans une durée : ce qui se joue dans l’enseignement ne relève pas de l’immédiateté ou du spectaculaire. Il faut tenir bon, s’enraciner dans l’espérance, car l’éducation relève des germinations lentes, de la fécondité et non de l’efficacité. C’est enfin à travers la personnalité concrète de l’enseignant, ses ressources et ses limites : la relation éducative nous renvoie sans cesse à nous-mêmes, notre équilibre intérieur, notre capacité de patience, notre goût pour la culture, notre faculté à transmettre et à aimer nos élèves. Cela reste toujours un combat et un appel à la conversion !
Beaucoup de jeunes chrétiens ont une mauvaise image de l’Éducation nationale et parfois des écoles catholiques sous-contrat. Ils craignent de n’y pouvoir enseigner avec assez de liberté. Que leur répondre ?
Il est vrai que bien des contraintes semblent ligoter l’enseignant. Pourtant, la vraie liberté naît de la vie intérieure. Un adulte cohérent et enthousiaste peut être un éveilleur pour sa classe, quel que soit le contexte. Le professeur a une véritable liberté s’il veut bien l’assumer. Dans mon livre, trois professeurs du public témoignent de leur engagement comme chrétiens. Quant aux écoles catholiques, il est vain d’en déplorer le peu d’ardeur missionnaire : il faut retrousser ses manches et monter au front. Les jeunes enseignants chrétiens y sont clairement attendus !
Les élèves n’attendent qu’une chose : rencontrer des adultes attentionnés qui les prennent au sérieux et leur ouvre une véritable espérance.
En fait, les élèves n’attendent qu’une chose : rencontrer des adultes attentionnés qui les prennent au sérieux et leur ouvre une véritable espérance. La culture qui s’impose à eux est foncièrement nihiliste, hédoniste en surface, désespérée en profondeur. Il s’agit de réintroduire dans cette culture l’inquiétude du sens, l’affrontement aux grandes questions de l’humanité : peut-on aimer ? Pourquoi le mal ? D’où vient le monde ? Quel est le but de la vie ? Nous chrétiens nous savons que l’homme est fait pour la vie en plénitude. Implicitement ou explicitement, à travers les enseignements disciplinaires comme dans tous les actes de notre métier, c’est de cette espérance que nous sommes appelés à témoigner au quotidien !
Propos recueillis par Philippe de Saint-Germain.
Enseignant et chrétien : une vocation, Xavier Dufour, Éditions de l’Emmanuel, juin 2021, 17 euros.