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Les textes liturgiques de ce 31e dimanche ordinaire nous emmènent au cœur du message du Christ. Jésus est venu du Ciel sur terre pour annoncer la bonne nouvelle que le Royaume de Dieu est tout proche. Et cette vie en Dieu, c’est une vie d’amour. Et, à moins d’avoir dormi pendant toute la liturgie de la Parole, il ne peut nous avoir échappé que le grand thème de ce dimanche, c’est l’amour. Avec cette double dimension : aimer Dieu « de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force » — cette précision revient deux fois, dans la première lecture (Dt 6, 2-6) et dans le passage de l’Évangile (Mc 12, 28b-34) — et aimer son prochain.
Aimer ou savourer ?
Très bien mais aimer, concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Quand je dis « j’aime le chocolat noir, la course à pied, le saucisson ou le whisky tourbé », ou alors « j’aime ma femme, mon mari, mes enfants » ou encore « j’aime Harry Potter ou Johnny Halliday », évidemment, ce n’est pas la même chose du tout ! C’est le problème de notre langue française, si belle et si variée soit-elle, qui, par facilité, utilise le même verbe aimer pour désigner tant de choses différentes !
L’amour est un choix, une décision.
À la place, je pourrai dire : « Je chéris, j’affectionne, j’apprécie, je tiens à, j’estime, je me délecte, je suis amateur, j’écoute avec plaisir, je suis féru de, j’admire, j’ai du goût pour, je savoure, je raffole, je me passionne pour, j’en pince pour, j’ai dans la peau, je kiffe. » Et m’est avis qu’en cherchant bien, nous pourrions en trouver d’autres. En revanche, je mets à part « adorer » qui est trop souvent utilisé dans le même sens et qui est pourtant destiné uniquement à définir cet amour que nous avons pour Dieu.
Qui dit amour, dit liberté
Alors l’amour, c’est quoi ? L’amour, c’est cet élan du cœur, cette attirance, qui nous pousse vers l’autre. Au début, ce n’est pas toujours rationnel : c’est le coup de cœur, le coup de foudre, la passion… Pourtant, qui dit amour dit liberté : je suis libre d’aimer, je fais le choix d’aimer, je décide d’aimer. Au début d’une relation amoureuse, il y a souvent une passion, une pulsion — je parlais il y a un instant d’attirance ou d’élan. C’est, pardonnez-moi l’expression, la période bisounours où l’on se noie dans les yeux de l’autre, ce temps où un simple sourire ou regard de sa part fait chavirer le cœur, où le cœur bat la chamade et les émotions sont à leur paroxysme. Puis, une fois que les choses sont posées, que l’on a pris le temps de mieux se connaître, que l’on a cerné les qualités et les défauts de l’autre, ce qui me plaît chez lui mais aussi ses limites, c’est alors que l’on choisit d’aimer, d’attacher son cœur à l’autre. L’amour est un choix, une décision. Les prêtres, les diacres ou les couples qui préparent des fiancés au mariage insistent souvent sur cet aspect des choses : « On ne se marie pas parce que l’on s’aime ; on se marie pour s’aimer. »
Aimer Dieu, aimer son prochain procède du choix, de la décision. Tout comme la place que je leur donne dans ma vie. C’est là la question de ce scribe féru d’Écritures : parmi les très nombreux commandements, quel est le premier, quel est le plus important ? Jésus sait qu’il a devant Lui un homme qui s’y connaît, qui lit et relit les Écritures, qui en est comme imprégné et qui a le désir d’aller plus avant : « Tous les commandements, je les connais, je les chéris — les petits comme les grands — mais je veux plaire à Dieu, lequel dois-je appliquer et faire appliquer ? » Il n’est pas sans nous rappeler ce jeune homme riche qui, avec enthousiasme, affirme : « Ces commandements, je les applique depuis ma jeunesse. » Ce scribe connaît particulièrement bien la Torah et les prophètes ; c’est donc là que Jésus va puiser : Il cite d’abord ce passage du Livre du Deutéronome que nous avons entendu en première lecture puis y ajoute un verset du Lévitique enseignant l’amour du prochain. Et, comme Il est « Maître » — c’est le titre que va Lui donner dans un instant le scribe — Il enseigne avec autorité : « Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. »
C’est l’amour offert qui prime
Tout est dit. Le scribe va s’incliner et sans doute jubiler intérieurement : homme de prières, sans doute intègre, loin des diatribes et polémiques stériles dont raffolent les docteurs de la Loi, il avait pressenti que l’essentiel se trouvait dans cette adoration due à Dieu et cet amour exigeant du prochain. Le voici conforté dans son choix et, dès lors, il va afficher ses convictions les plus profondes : « Et cela vaut mieux que tous les holocaustes et sacrifices. » Reconnaissons que cela était gonflé de sa part devant les grands-prêtres et les lévites qui se pressent autour de Jésus pour épier Ses paroles et Le prendre en défaut. Le scribe sait très bien que les gestes rituels, liturgiques ont leur importance, leur valeur — n’ont-ils pas été institués par Dieu ? Mais c’est avant tout l’amour qui est mis dans ces actes qui en fait le prix. Notre homme a compris que c’est l’amour donné, offert, qui prime : l’obéissance amoureuse à la règle divine. La prière, ce cœur-à-cœur avec Dieu, le service de Dieu et du prochain — les deux intrinsèquement mêlés — par amour. Cet homme est parti conforté dans ses convictions, dans ses choix. Puissent-ils en être ainsi pour nous, plus encore en cette veille de Toussaint où nous allons fêter, célébrer, cet amour de Dieu répandu dans les âmes et dans les cœurs. Recevons cet amour qui se déploie dans la célébration des saints mystères, vivons de cet amour et propageons-le tout autour de nous à profusion !