Littéralement massacrés. C'est ce que révèlent les dernières analyses scientifiques effectuées par une équipe de chercheurs internationaux sur 25 corps de croisés retrouvés en 2015 à Sidon, l’actuelle Saïda au sud de Beyrouth, au Liban. Ces corps avaient été enterrés après les batailles sanglantes de 1253 et 1260 dans deux fosses communes, près du château Saint-Louis. À cette époque, les soldats chrétiens, alors en possession de la ville de Sidon, site portuaire stratégique, avaient été attaqués successivement par le sultanat mamelouk et les Mongols d’Ilkhanate.
Des invasions d'une extrême violence comme en témoignent les blessures encore visibles sur les squelettes de ces soldats qui n'avaient pas eu la chance, faute de temps, de recevoir une sépulture chrétienne. Décapités, mutilés... les squelettes "montrent des blessures d’épée à l’arrière du corps, suggérant que les soldats ont été attaqués par derrière, fuyant probablement au moment où ils ont été abattus. D’autres ont des blessures d’épée à la nuque, indiquant qu’il s’agissait peut-être de captifs exécutés par décapitation après la bataille", a indiqué l’université britannique de Bournemouth.
"Tous les corps étaient des hommes adolescents ou adultes", ajoute le Dr Richard Mikulski de l'Université de Bournemouth, qui fouillé et analysé les restes. Les analyses d'ADN et d'isotopes de leurs dents ont, en outre, confirmé que certains des hommes étaient nés en Europe, tandis que d'autres étaient nés de colons croisés qui ont migré vers la "Terre Sainte" et se sont mariés avec des habitants de la région.
Si une grande partie des connaissances sur la vie des croisés provient des sources historiques, peu de découvertes archéologiques avaient été faites jusque-là. Cette mise à jour est donc une véritable aubaine pour tous les spécialistes des croisades qui, grâce à cette découverte rarissime, entendent enrichir leur connaissance sur les tactiques d'armes mais aussi le traitement des morts à l'époque.
Grand spécialiste des croisades, le Dr Piers Mitchell de l'Université de Cambridge, va même jusqu'à imaginer la possibilité que le roi saint Louis, lui-même, ait pu enterrer ces corps. "Les archives des croisés nous disent que le roi Louis IX de France était en croisade en Terre Sainte au moment de l'attaque de Sidon en 1253. Après la bataille, il a personnellement aidé à enterrer les cadavres en décomposition dans des fosses communes comme celles-ci. Ne serait-il pas étonnant que le roi Louis lui-même ait aidé à enterrer ces corps ?".
Historien au temps de saint Louis et témoin direct de la 7e croisade, Jean de Joinville, sénéchal de Champagne, écrivait en effet dans ses chroniques : "Il [saint Louis, ndlr] avait personnellement porté les corps, tous pourris et puants, pour les placer dans les tranchées dans le sol, et il ne s’est jamais couvert le nez, bien que d’autres l’ont fait". Une enluminure des Heures de Jeanne D'Evreux, réalisée des décennies plus tard, représente d'ailleurs saint Louis enterrant des cadavres.
Si cette découverte inédite permet de toucher, du bout du doigt, une partie de l'histoire du roi saint Louis, elle révèle également la violence et l'horreur des combats à l'époque médiévale.