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L’Allemagne, toujours maître de l’Europe

Olaf Scholz, candidat du SPD comme chancelier et ministre des Finances, lors d'une conférence de presse aux côtés de Saskia Esken, présidente fédérale du SPD, le 6 octobre 2021.

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Jean-Baptiste Noé - published on 07/10/21
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En Allemagne, seul le chancelier change. Si Angela Merkel se retire après seize ans de gouvernement, c’est toujours une coalition qui dirige le pays, comme c’est le cas depuis 2005. La démonstration d’un équilibre politique ou la difficulté à trancher les sujets essentiels ?

Défaite de la CDU et victoire du SPD aux dernières élections fédérales ? Sur le papier oui, la CDU est arrivée deuxième avec 196 députés et le SPD premier avec 206 sièges. Mais aucun des deux partis qui se partagent la chancellerie depuis 1949 n’obtient la majorité des sièges (394) lui permettant de gouverner seul. Certes, la CDU a réalisé un très mauvais score, mais il est meilleur qu’annoncé par les sondages et elle est loin de se faire distancer par le SPD. Si Angela Merkel se retire après seize ans de mandat (2005-2021), la situation politique allemande demeure la même, centrée sur un gouvernement de coalition. 

En 2005, le chancelier sortant Gerhard Schröder est donné largement battu. Il n’en fut rien, la CDU/CSU gagne avec 35,2% contre 34,2% contre le SPD. Ce n’est qu’après d’intenses tractations que Schröder se retire pour laisser la place à Merkel et à une coalition CDU/SPD. Il fallut cinq semaines de négociations pour aboutir à cet accord.  

Scénario un peu différent en 2009. La CDU/CSU arrive toujours en tête, mais le SPD est cette fois-ci largement battu. Pas assez néanmoins pour la CDU/CSU de gouverner seule, Merkel doit réaliser une coalition avec les libéraux. En 2013, bien qu’elle réalise une victoire de prestige avec 41% des voix, elle manque la majorité absolue à 5 sièges. Les libéraux étant passés sous la barre des 5%, ils n’obtiennent aucun député et ne peuvent donc pas reconduire la coalition de 2005. Merkel doit donc s’allier de nouveau avec le SPD et pour cela introduire dans son programme certaines des mesures de la gauche, dont l’instauration d’un salaire minimum et l’abaissement de l’âge de départ à la retraite sous certaines conditions. 

La couleur politique du chancelier sera peut-être rouge au lieu d’être bleue, mais la politique suivie sera sur la même ligne. 

2017 marque l’élection la plus compliquée pour Angela Merkel. Très critiquée pour sa gestion de la crise migratoire, elle voit partir une partie de son électorat vers l’AfD. La CDU n’obtient que 32,9% des voix, soit son plus mauvais score depuis 1949. Après de longues semaines de négociations, Merkel parvient à signer un accord avec le SPD, qui obtient plusieurs ministères importants, dont celui des Finances. Alors que beaucoup de commentateurs annonçaient la fin d’Angela Merkel, celle-ci parvient à se maintenir au pouvoir, au prix d’entente avec le SPD.

C’est donc le ministre des Finances d’Angela Merkel, certes SPD, qui arrive en tête. Une forme de continuité donc et de victoire du gouvernement en place. Mais le SPD n’ayant pas la majorité, il devra négocier et établir une coalition avec la CDU/CSU. Une situation identique à celle de trois mandats de Merkel sur les quatre réalisés. Théoriquement, la CDU peut même obtenir la Chancellerie, surtout si elle s’allie avec les libéraux. Rien n’a donc fondamentalement changé. Les Allemands ont majoritairement choisi une coalition, comme cela est le cas depuis 2005. La couleur politique du chancelier sera peut-être rouge au lieu d’être bleue, mais la politique suivie sera sur la même ligne. 

Comment interpréter cette stabilité ? Faut-il y voir un désir allemand d’unité nationale ? Ou bien une difficulté à départager une véritable ligne politique ? Les réformes économiques de Gerhard Schröder ont été approuvées par la CDU et ont permis à l’Allemagne de sortir du marasme où elle était à la fin des années 1990. Le nationalisme et l’intérêt allemand priment sur le reste. L’Allemagne est aujourd'hui le véritable pays qui dirige l’Union européenne, surtout après le départ du Royaume-Uni. Ce sont des Allemands qui contrôlent les principales institutions et organismes de l’UE et c’est l’Allemagne qui impose sa politique énergétique au reste de l’Europe, notamment la sortie du nucléaire, le raccord au gaz russe et l’achat d’éoliennes fabriquées par des entreprises allemandes. Angela Merkel a remis l’Allemagne au centre de l’Europe, en position de pivot et de contrôle des autres pays, y compris l’Italie et la France. Cette politique-là est partagée tant par la CDU que par le SPD. Quel que soit le nouveau chancelier, rien ne changera pour l’Allemagne et pour l’Europe.  

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