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D’abord pleurer. Pleurer avec les victimes dont le nombre accable, quelles que puissent être les réserves de détail sur le rapport de la Ciase. Pleurer d’autant plus que ce n’est pas le nombre d’abuseurs — assez prévisible pour qui avait suivi les enquêtes dans d’autres pays — qui frappe, mais la capacité de trop d’entre eux à agir impunément si longtemps et à briser tant de vies. Pleurer comme Benoît XVI avec une victime chilienne, qui fut bouleversée par ce saint Père qui méritait son nom.
Pleurer encore sur les coupables, cette fois, ou plutôt à leur place, comme y invitait saint Pierre-Damien au XIe siècle, devant l’ampleur, déjà, des vices du clergé : « Si je me désole sur toi avec tant de larmes, c’est parce que je ne te vois pas pleurer. » Pleurs de honte et de dégoût devant des tueurs de corps et d’âmes, capables de célébrer pendant des années le sacrement de l’Alliance, tout en crucifiant Dieu sous les espèces de leurs jeunes fidèles.
Oui, la vérité libère, tandis que le mensonge aliène : s’il y a bien une chose que les crimes et plus encore leur dissimulation doit nous rappeler, c’est celle-là.
Oser rendre grâce, ensuite, pour la lumière faite sur tant de ténèbres, dans la certitude que la Vérité libère, même si elle doit nous brûler comme un fer rouge avant de nous guérir. Benoît XVI fut un guide sûr, lorsqu’il écrivait dès 2010 que même au milieu d’un concert anticlérical, la boussole du chrétien ne pouvait quitter le cap de la gratitude paradoxale : « Dans la mesure où c’est la vérité, nous devons être reconnaissant de tout éclaircissement. » Mgr Aupetit lui avait emboîté le pas en déclarant : « Puisque nous avons caché nos fautes, le Seigneur a permis que tout cela soit révélé par les médias et la parole des victimes. » Après les pleurs, le premier lieu de conversion se trouve là : la reconnaissance pour ceux dont la parole a empêché la maladie de continuer à se propager. Il est plus que temps d’admettre, comme l’a fait Mgr Ravel, que la pression des victimes a plus fait que les atermoiements cléricaux et les plaquettes épiscopales. Oui, la vérité libère, tandis que le mensonge aliène : s’il y a bien une chose que les crimes et plus encore leur dissimulation doit nous rappeler, c’est celle-là.
Comment prétendre éduquer, tout simplement, si on ne croit pas que la sanction peut être un acte d’amour, tant pour la victime qu’on protège que pour le bourreau qu’on met face à l’horreur de son geste ?
Sortir, aussi, d’une pastorale du « On ira tous au paradis », qui a transformé pendant des décennies la Miséricorde en déni de justice et la gravité du péché en simple faiblesse. Comment regarder le Mal en face, si on atténue sans cesse sa portée ? Comment annoncer la bonne nouvelle d’un Rédempteur, si on se convainc à peu de frais que l’homme n’a pas vraiment besoin d’être sauvé ? Comment prétendre éduquer, tout simplement, si on ne croit pas que la sanction peut être un acte d’amour, tant pour la victime qu’on protège que pour le bourreau qu’on met face à l’horreur de son geste ?
Croire, enfin, que Dieu, qui a fait la folie de confier son Église aux hommes, continue à la vouloir sainte et immaculée, comme osait aussi le dire Benoît XVI devant le mystère insondable du Mal : « Quand on voit tout ce que des hommes, tout ce que des ecclésiastiques ont fait dans l’Église, c’est précisément une preuve que le Christ soutient l’Église et l’a fondée. Si elle ne dépendait que des hommes, elle aurait péri depuis longtemps. » Alors l’enjeu de ce jour de Vérité pourra être que les victimes puissent dire un jour, comme Mauriac à la fin de sa vie : « J’appartiens à une Église qui m’aura consolé de tous les coups qu’elle m’avait portés. » Cela, ce n’est pas le travail de la Ciase mais de tous ceux qui croient que là où le péché abonde, la grâce est appelée à surabonder. Cela suppose évidemment de ne pas fermer les yeux sur le péché, mais de ne pas non plus nier la grâce. Car l’Église, comme le note le frère dominicain Augustin Laffay, « n’est à la hauteur de sa vocation que lorsqu’elle la considère à hauteur d’éternité ».