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À la fin de sa vie, la lucidité du croyant Bernard Tapie

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Louis Daufresne - publié le 06/10/21
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Showman redoutable, liquidateur redouté, Bernard Tapie retrouva à la fin de sa vie le terrain de l’humilité et de la raison. Louis Daufresne retrace le parcours de ce bandit flamboyant et mystérieux dont les obsèques auront lieu ce vendredi à Marseille.

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Sous son règne à l’Élysée (1981-1995), François Mitterrand eut deux enfants, des faux jumeaux : Jean-Marie Le Pen et Bernard Tapie. L’un divisa la droite, l’autre la gauche. L’un torpilla Chirac en 1988, l’autre Rocard en 1994. L’un vit encore à 92 ans, l’autre vient de mourir à 78. Mais comme un mauvais père, Mitterrand en prit un pour taper sur l’autre : sans Tapie, la Mitterrandie et « la bande des quatre » honnie par le Front national n’avaient pas de carrure à opposer au menhir de la Trinité. L’idée était fine de la part de Mitterrand. En envoyant Tapie contre Le Pen, il escomptait envoyer Le Pen au tapis. Comme lui, l’homme d’affaires était « un personnage comme on n'en croise plus dans nos univers ouatés, amidonnés, naphtalinisés », observe Carole Lardot (L’Union de Reims). Très loin de l’énarchie et de ses usages compassés, leurs joutes télévisuelles faisaient de la politique un spectacle de foire. Les duels culminèrent en caricature lors du journal de 20h00 de France 2 (1994) où le journaliste Paul Amar offrit aux deux tribuns une paire de gants de boxe, ce qui lui valut d’être licencié. Mitterrand inventa ainsi le populisme et à ce jeu, il est notable que jamais le chef du FN ne mit KO son alter ego. La raison est simple : Tapie n’avait pas d’idée politique. 

Le personnage était « mû par un désir irrépressible de s'élever et un pouvoir de séduction peu commun », comme le note l’Équipe. « Nul ne pouvait lui dicter sa conduite. Cet homme d'instinct n'obéissait qu'à sa fureur de vivre », renchérit Yves Thréard (Le Figaro). Fringant quadragénaire, Tapie promettait de « réduire à moins de 10 % le score du Front national ». Le showman marchait au bluff et en ce sens, il avait compris la nature humaine. Sa réputation d’escroc et de baratineur aurait suffi à le discréditer. Il aurait dû périr enseveli sous ses dossiers : Manufrance, Testut, Terraillon, Adidas, tout montrait que son flair était moins celui d’un entrepreneur que d’un liquidateur « dont les coulisses nauséabondes et sans scrupules ont fait déchanter plus d'un », relève Bernard Meinnel (Le Courier Picard). Mais une autre facette prévalait, celle du rêve américain : sa chevelure abondante et sa mâchoire carnassière renvoyaient de l’autodidacte l’image du « bandit sympathique qui, à force de tout oser, a fait croire à la France qu'elle était plus forte qu'elle ne l'était », écrit Paul Quinio (Libération). En mai 1993, le patron de l’OM remporta la Ligue des Champions. Près de quarante plus tard, le PSG, arrosé de fonds qataris, ne la cherche-t-il pas encore désespérément ? Avec Tapie, l’improbable devenait possible. 

Là était son talent, peut-être aussi son mystère. De sa vie, flamboyante et sulfureuse, pouvait-on imaginer qu’elle se tournerait un jour vers Dieu ? En juin, après quatre ans de lutte contre le cancer, il livra ses Leçons de vie, de mort et d'amour dans un « dialogue complice » tissé avec Franz-Olivier Giesbert (Presses de la Cité). On y lit des phrases stupéfiantes : « Le matin, quand je me lève, c'est mon premier geste : je me mets à genoux », prenant « cinq minutes, parfois trente » pour prier. Et il confiait : « Souvent, j'ai été au fond du trou […]. À un moment donné, il y a toujours un fil qui apparaît, une main qui se tend, une porte qui s'ouvre et hop, j'échappe à mes persécuteurs. Ça ne peut pas être de la chance [...]. Il y a, au-dessus de nous, des choses qui nous dépassent. » Il aurait pu s’en tenir à une intuition mais en janvier 2020, invité de BFM-TV, il se plaça sur le terrain de la raison et de l’humilité : « Être croyant, c'est être lucide sur la limite de vos connaissances et de vos capacités à comprendre. Par conséquent, cessons de penser qu'on est au bout du bout de la connaissance. »

Après la raison vint la foi, et Tapie donna cette explication baignée par la lumière de la grâce : « Vous savez la foi, c'est comme l'amour. Essayer d'expliquer l'amour à quelqu'un qui n'a jamais été amoureux. Comment vous faites ? C'est compliqué. Moi ça ne m'est pas tombé dessus parce que mes parents me l'ont inculqué, mais parce que je jouais au violon le dimanche matin à l'église, et qu'un matin, je n'ai pas joué comme les autres matins. » Le soir venu, il s’en souvenait. Le Bon Dieu aussi, sans aucun doute.

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