L’attente était à la mesure de l’appréhension, ce mardi 5 octobre, lors de la publication du rapport de la Commission chargée de faire la lumière sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase) depuis 1950. Un tableau effroyable. 216.000 personnes, avec une marge de plus ou moins 50.000 personnes, ont été agressées sexuellement lorsqu’elles étaient mineures par un clerc ou un religieux, d’après l’enquête menée par l’Inserm. La Ciase, avec son appel à témoignages et les archives de l’Eglise, a pu en identifier 7.500. "Cela ne représente que 1,25% des personnes concernées", a précisé Jean-Marc Sauvé, le président de la Ciase. "Et il ne tient pas compte des personnes décédées." En tenant compte des victimes de laïcs en mission d’Eglise, dans l’enseignement catholique, les mouvements de jeunesse ou encore les aumôneries, le nombre de victimes atteint 330.000.
5,5 millions de personnes majeures ont subi, en France, des abus sexuels avant 18 ans. Cela représente 10,7% du total des personnes majeures. 7,5% ont été agressés dans les familles ou les cercles amicaux. Les agressions sexuelles sur mineurs dans l'Église représentent 4% du total des agressions en France si on ne tient compte que de ceux perpétrés par des clercs et des religieux et 6% en ajoutant les laïcs en mission dans l’ Église. L'Église est par ailleurs le milieu où la prévalence des agressions est la plus forte après le cercle familial et amical. Il est de 0,82% et se place devant devant les écoles, les accueils collectifs de mineurs etc.
Le croisement entre différentes sources permet également d’évaluer le nombre de prêtres et religieux prédateurs entre 2.900 et 3.200, sur soixante-dix ans d’études. Cela représente entre 2,5 et 2,8% des clercs et religieux hommes. "Il s’agit d’un taux plancher", a souligné Jean-Marc Sauvé.
Il apparaît aussi que dans l'Église 80% des victimes sont des garçons et 20% sont des filles. Alors que dans la société dans son ensemble, 75% des victimes sont des filles et 25% sont des garçons. "Il est probable que les prêtres étant davantage au contact des garçons, notamment dans le milieu scolaire, cela peut en partie expliquer cela", a détaillé le président de la Ciase. A noter également que les violences sexuelles commises par des clercs et des religieux sont beaucoup moins occasionnelles, ponctuelles, mais nettement plus durables que ces actes commis par d’autres personnes.
Quelle a été la politique ecclésiale face à ce drame ? "Elle a bien évidemment évolué au cours des soixante-dix dernières années", indique Jean-Marc Sauvé. "Mais un point majeur est que, jusqu’au début des années 2000, elle a témoigné d’une indifférence profonde, totale et même cruelle à l’égard des victimes. Un changement de cap a été amorcé dans les années 2000 avec "une tolérance zéro, la condamnation d’actes de pédocriminalité etc mais la politique annoncée a tardé à se mettre en place", a souligné le président de la commission. "En raison des liens de fraternité, de confraternité, cela a eu du mal à se mettre en place." Et ceci à la différence de l' Éducation nationale qui l’a mis en place en quatre ans sans aucun affect. Une autre difficulté a été, pour l’ Église, d'articuler l’ordre "entre miséricorde divine, pardon des péchés et sanction des fautes". Ce n’est véritablement qu’à compter de la dénonciation des actes du père Preynat que les cellules d’écoute, d'accueil ont été vraiment mises en place.