Sans elles, rien n’aurait été possible. Jean-Marc Sauvé, président de la Ciase, rend un hommage particulier à toutes les victimes qui, par leur parole, ont contribué à faire la lumière sur les abus sexuels perpétrés au sein de l’Eglise depuis 70 ans. Un hommage sous la forme d’un document de 200 pages, intitulé De victimes à témoins, annexé à l'accablant rapport de la Ciase. Il regroupe des témoignages extraits des centaines d’auditions recueillies par la commission et des milliers de lettres reçues. Des prises de paroles qui bien souvent soulagent : "C’est une page qui, dans ma vie, ne pèse plus aussi lourd qu’avant. Parce qu’une fois qu’il y a eu un verdict et qu’on est reconnu victime, il y a déjà une espèce de poids qui s’en va". Une démarche qui permet d'"arriver à une douleur complètement assumée", confie une autre victime.
Les styles des courriers sont très divers, "d’un bristol qui dit l’essentiel jusqu’à l’aide-mémoire apporté pour une audition, en passant par le poème ou le récit de vie rédigés entre deux moments de hantise", expliquent les auteurs du recueil. "La lecture de ces témoignages est terrible", préviennent-ils. "Elle requiert du temps tant la première lecture est magnétisée par les faits dramatiques."
Dans ces courriers, généralement rédigés des dizaines d’années après les faits, une vie toute entière se dit. Ils racontent une rupture, une cassure, un destin brisé.
Certains ont mis des années à se décider à parler.
Il ressort aussi que ces crimes ont affecté non pas une époque de leur vie, mais la totalité de leur existence. Des faits qui ont contribué à "semer la mort dans la vie" dit le pape François. Même lorsqu’il n’y a pas eu de symptômes ni de troubles psychologiques, toute la vie reste néanmoins marquée, bouleversée par ces violences.
La lecture de ces lettres révèle des abus de confiance commis par ceux qui détenaient une autorité spirituelle, et atteste d'un isolement des victimes, en raison de faits qui paraissaient improbables.
Demeure enfin la difficile question du pardon. Comment pardonner lorsque le crime n'est pas clairement nommé, reconnu?