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Spéciste ou antispéciste ? Ni l’un ni l’autre, bien au contraire…

SPECISTE
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Jeanne Larghero - published on 24/09/21
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C’est dans la différence et non la confusion avec les animaux que les hommes trouvent un motif de respect et d’admiration pour les merveilles du monde animal, estime notre chroniqueuse Jeanne Larghero.

"Vous n’êtes pas homophobe ? Vous n’êtes pas raciste ? Vous n’êtes pas sexiste ? Alors pourquoi seriez-vous spéciste ?" Ces autocollants sont tombés comme les feuilles d’automne sur tout ce que certains campus étudiants comptent d’abribus, bancs, plots ou poteaux indicateurs. Le pauvre gars qui entrait juste à la cafèt' pour se commander un jambon-beurre en ressort en se découvrant affligé d’une tare dont il ignorait l’existence. Comme monsieur Jourdain faisant de la prose sans le savoir, le voilà spéciste à l’insu de son plein de gré… tout sauf ça ! Évidemment, le slogan rimé fait mouche, mais si le petit gars est vraiment malin, il ne sera pas dupe longtemps de cette rhétorique réductrice. 

Pour une raison simple, que la convergence des luttes feint d’ignorer. La distinction n’est pas nécessairement synonyme de discrimination. Elle conditionne le respect plutôt qu’elle ne l’exclue. On peut par exemple reconnaître aux femmes une place de choix dans la société, au seul motif qu’elles sont femmes, sans pour autant être sexiste. On peut refuser de tracer une ligne de partage dans l’humanité entre homosexuels et hétérosexuels, et préférer reconnaître plutôt l’existence d’un monde fait d’hommes et de femmes, sans pour autant être homophobe. On peut constater la diversité sans pour autant être raciste. Par conséquent, on peut assumer que le monde animal ne se dissolve pas dans le genre humain et réciproquement sans pour autant être un Hitler en puissance, sans la barbe et la moustache. Les raccourcis moralisateurs sont contreproductifs, ils braquent les uns, et anesthésient les autres.

Le conflit entre spécisme et antispécisme est une invention récente, opposant ceux qui assument l’existence d’une frontière de nature entre les hommes et les bêtes, et ceux qui ne voient qu’une différence de degré, un continuum entre animaux humains et animaux non-humains, au motif notamment que tous ont en partage la capacité à souffrir. Cette logique est sectaire quand elle accuse implicitement les prétendus spécistes de tous les maux : maltraitance animale, complexe de supériorité, insensibilité notoire à la souffrance animale, pollueurs cyniques… tous ces vices étant considérés comme la suite logique du préjugé dit spéciste. Or on peut n’être ni spéciste, ni anti-spéciste. Cette opposition formelle, factice, créée pour les besoins de la cause animale ne recouvre rien de réel, car le continuum biologique n’implique pas nécessairement un continuum ontologique. Ce n’est pas insulter le monde animal, ce n’est pas insulter le monde des dauphins, des ours polaires, des antilopes, des huîtres ou des araignées de mer que de reconnaître à quel point ils nous sont étrangers.

Admettons humblement devant ces animaux que nous n’en finirons pas d’apprendre à connaître, qu’ils ne sont pas comme nous, ce qui est en soi un motif de respect. 

Avouons-le, la conscience animale est impénétrable, sauf à recourir à des raccourcis anthropomorphiques. Inclinons-nous devant cette énigme immense cachée derrière le regard impénétrable d’une vache ou l’œil d’un poisson… osons le reconnaître et plus encore, osons nous en réjouir. Nous sommes immergés dans une nature qui reste profondément mystérieuse, qui nous dépassera sans cesse, dont l’étrangeté ne cessera, espérons-le, de susciter notre admiration et notre soif de connaissance. Admettons humblement devant ces animaux que nous n’en finirons pas d’apprendre à connaître, qu’ils ne sont pas comme nous, ce qui est en soi un motif de respect. Protégeons-les, prenons en soin, ayons à cœur de comprendre leur rôle dans un écosystème, dans une chaîne alimentaire qui nous a précédée et qui participe à la survie de chaque espèce. Le monde animal et le monde humain sont totalement solidaires : l’innombrable diversité du monde animal, l’immensité vertigineuse, l’extension incroyable des espèces manifeste autant, par contraste, la vulnérabilité humaine que son originalité. Par ailleurs, la capacité spécifique des humains à intérioriser le monde, à ressentir un appel à la transcendance, à désirer la justice, à inventer au-delà de l’existant, cette expérience intime que chacun a de la richesse de sa vie intérieure et de son humanité, est ce par quoi nous pouvons déceler et protéger l’admirable et énigmatique originalité du monde animal. Nous devons par conséquent aux animaux une humanité digne de ce nom, une humanité qui assume d’être un animal qui n’en n’est pas un…

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