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Ce travail des mains qui nous apaise

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Jeanne Larghero - publié le 10/09/21
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Renouer avec la matière par le travail manuel fait du bien à l’âme. Il permet de se reposer sur un ordre qui nous précède et qui a quelque chose à nous apprendre.

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On ne compte plus les jeunes adultes qui optent pour des reconversions professionnelles déroutant souvent leur entourage. Boulanger, paysagiste, charpentier, il semblerait que l’appel à faire quelque chose de ses mains résonne aux oreilles de nombreux hommes et femmes, souvent plus habitués aux tableurs qu’au maniement de l’aiguille à tapisser ! Faire quelque chose de ses mains fait du bien à l’âme… notre âme si souvent inquiète ou soucieuse. L’homme est de toutes les créatures la plus inquiète, écrivait Charles Péguy dans un bel hymne à la nuit, cette nuit apaisante qui vient consoler l’inquiétude humaine. Mais ceux qui ne dorment pas, qui restent éveillés longtemps et malgré eux, la nuit, savent que celle-ci ne suffit pas à apaiser un esprit qui bat la campagne, une imagination qui se passe en boucle les films les plus noirs.

Ce sont alors nos mains qui nous apaisent. Faire quelque chose de ses mains, c’est renouer avec une matière qui nous impose son propre chemin. Repérer au doigt le fil de trame d’un tissu que l’on va couper, le fil du bois que l’on va poncer, peser le sucre et la farine, émietter la terre collante ou friable du jardin : le corps fait le plein de sensations, et l’intelligence se met au pas, suit les indications reçues, concentre son attention sur ce que les mains, les yeux, ont à dire. 

Ce que nous faisons de nos mains fait du bien à l’âme : nous entrons physiquement dans le livre de la Création.

Ce travail des mains fait du bien à l’âme pour une raison paradoxale : les lois de la matière nous contraignent. On ne plante pas les bulbes à l’envers si on veut voir la fleur arriver, on est obligé d’attendre car les plantes ne poussent pas plus vite quand on tire dessus, on est forcé de suivre des processus que la nature, les lois de la pesanteur, le climat imposent. Tout ceci repose : on peut se reposer sur un ordre qui nous précède et qui a quelque chose à nous apprendre. La Création se laisse découvrir non seulement à ceux qui l’étudient dans les livres de botanique, mais surtout à ceux qui entrent dans le geste même de Celui qui l’a fait surgir et ne cesse de la maintenir dans l’existence. Le travail des mains parle à notre âme, et d’ailleurs porte souvent à la méditation.

Et paradoxalement cette même matière, faite de lois et de rythmes qui lui sont propres, nous invite à l’ingéniosité, à l’inventivité : comment faire pour que cette étagère tienne à ce mur qui n’est pas droit, comment faire pour que cette tour de kapla atteigne des sommets himalayens ? Il faudra bien trouver des solutions ! Voilà pourquoi ce que nous faisons de nos mains fait du bien à l’âme : nous entrons physiquement dans le livre de la Création, nous marions le corps au monde de l’imaginaire, nous faisons l’expérience de l’ordre et de la liberté. Et nous pouvons admirer quelque chose de fini : ni parfait, ni définitif, mais présent, bien là. Et après on peut passer à autre chose !

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