Pour qu'Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l'avenir d'Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l'impôt sur le revenu
Ancienne secrétaire générale-adjointe du parti Europe Écologie Les Verts (EELV), candidate à la primaire écologiste pour la prochaine élection présidentielle, Sandrine Rousseau a le mérite d’appeler un chat un chat. Elle est féministe, décoloniale et intersectionnelle. Elle développe sur un ton bien à elle les thèses « woke » nées outre-Atlantique, thèses qui voudraient faire place nette ici-bas, en éradiquant les restes de notre civilisation blanche et machiste afin d’y substituer un monde meilleur. Quel monde ? Nous l’ignorons encore dans les détails, mais nous avons quelques raisons de penser qu’il ne se limitera pas à l’ambition de préserver les petits oiseaux et les trottinettes électriques.
Qu’on en juge : « Il faut s’émanciper des religions parce qu’elles sont toutes patriarcales » dit la candidate écologiste. Patriarcales, les religions ? C’est étrange : nous, catholiques, avions l’habitude d’entendre dire que notre religion était un peu trop une affaire de dames. Au Moyen Âge, l’Église avait inventé le consentement de la femme au mariage. Aujourd’hui, nous nous rassemblons volontiers dans le lieu catholique le plus fréquenté de France : nous y courons parce que, dans ce lieu loin de tout, une femme est apparue à une autre femme, dans une grotte.
Le féminisme, c’est encore ce que nous reprochait la gauche française quand dans l’entre-deux guerres il fut question de donner le droit de vote aux femmes, une idée qui venait de chez nous. Le vieux Parti radical mit toute son énergie à empêcher la réforme, car le vote des femmes aurait pu faire pencher la balance politique du côté des forces obscures. Le féminisme avait politiquement tort parce que les femmes étaient théologiquement trop fortes. Elles portaient une transcendance incompatible avec les combinaisons ministérielles de MM. Chautemps et Doumergue. Il a fallu la guerre, puis l’arrivée au pouvoir d’un général catholique et désinhibé pour balayer ces lubies et permettre aux françaises de participer enfin à la vie électorale. Elles ont d’ailleurs fini par voter à gauche, comme tout le monde.
Mais Sandrine Rousseau précise son point de vue : « Je préfère les femmes qui jettent des sorts plutôt que les hommes qui construisent des centrales nucléaires. » Préférence intuitive, sans doute. Où est l’écologie là-dedans ? Et le bilan carbone ? Nous y arrivons. L’écologie, ce ne sont pas « les hommes blancs à vélo dans les villes », ajoute encore la candidate. L’écologie, pour elle, c’est la mort du mâle blanc. « Notre système, dit-elle, est fondé sur un triptyque : nous prenons, nous utilisons et nous jetons. Le corps des femmes, le corps des plus précaires, le corps des racisés. » Tel est le système dont la candidate ne veut plus. Elle se place ainsi très au-delà de l’interdiction du glyphosate ou de la promotion des éoliennes. Sandrine Rousseau nous dit au fond : vous avez politiquement tort parce que vous êtes racialement ou sexuellement nés du mauvais côté. Vous avez tort non pas à cause de ce que vous pensez, mais à cause de ce que vous êtes. Sur ce point elle n’innove pas : Robespierre disait la même chose.
Il serait facile, trop sans doute, de tourner en dérision ces propos désespérés. On entend déjà les rires gras de la vieille garde. Mais ne rions pas. Ces paroles excessives pour changer le monde — où plutôt pour le refuser — sonnent comme la charge d’une humanité qui en refoulant Dieu, s’est condamnée à désespérer de tout. Sandrine Rousseau déraille, mais parce qu’elle avance. Elle croit encore à la politique. Elle ne se satisfait pas de ce monde-ci. Nous n’avons pas oublié les larmes qu’elle a versé un soir, sur un plateau de télévision, parce que Christine Angot et Yann Moix tenaient à son égard des propos odieux. Ce soir-là, l’humanité blessée était du côté de Sandrine Rousseau.