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La vigne véritable et l’Évangile du vigneron

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"Christ vrai cep", icône grecque du XVIe siècle.

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Marc Paitier - publié le 06/09/21
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Fruit de la vigne et du travail des hommes, le vin occupe une place importante dans la Bible. Plus de 440 passages mettent ainsi en scène le vigneron, la vigne et le vin. Alors que les vendanges commencent, le général Marc Paitier nous emmènent pendant plusieurs semaines à travers les Saintes Écritures afin de découvrir toute la richesse de cette image, symbole de l'amour de Dieu pour son peuple, qui s'accomplit ultimement dans le sacrifice de son Fils. Découvrez aujourd’hui la vigne véritable. (12/17)

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Ces paroles ont été prononcées par le Christ lui-même après l’institution de l’Eucharistie. Certains exégètes la situent dans le Cénacle ; d’autres, comme Bossuet, sur le chemin qui mène au mont des Oliviers. Celui-ci était bordé de vignes, ce qui aurait amené Jésus à se servir de cette image. Jusqu’alors, la vigne était le peuple de Dieu, mais celui-ci est devenu improductif. Dieu a arraché cette vigne et son Fils a pris la place. Il est devenu la vraie vigne en s’incarnant. Le cep est à la fois, enraciné très profondément dans le sol et épanoui dans la lumière de l’atmosphère. On peut retrouver dans cette métaphore la double nature du Christ : humaine donc terrestre, et divine donc céleste. Aucun homme ne peut prétendre au salut sans y puiser sa sève, d’où la comparaison avec le sarment.

Les branches fécondes, le Père les taille pour qu’elles produisent davantage encore.

"La racine n’aime pas moins à communiquer sa vie, que les branches à la recevoir." Celui qui prend soin de cette vigne et en recueille les fruits, c’est Dieu le Père. Toute branche qui ne porte pas de fruit, Il ne la laisse pas s’alimenter à une sève dont elle ne profite pas. Il la retranche du cep. Les branches fécondes, le Père les taille pour qu’elles produisent davantage encore. Plus Il reçoit d’elles, plus elles reçoivent de Lui. En commentant ce passage de l’Évangile de saint Jean, saint Augustin fait remarquer que le bois de la vigne est impropre à tout usage. Le prophète Ézéchiel l’avait dit avant lui (Ez 15 3-6):

Le sarment n’a d’autre destin que de rester uni au cep s’il porte de beaux raisins, ou de finir dans les flammes s’il est devenu stérile. L’hiver quand la vigne a perdu ses feuilles et entre en dormance, le vigneron effectue la taille. Il ne conserve généralement que deux rameaux fructifères : la baguette et le courson. Toute le reste est séparé du cep et brulé dans des brouettes-brasero. Le vin commence à se faire quand on pose la lame de la serpe sur le bois de la vigne. Le moine-vigneron effectue ce geste avec gravité, humilité et espérance. Gravité, parce qu’il tient la place du Père céleste. Humilité car ce travail qui n’a rien de spectaculaire, est répétitif et long. Espérance car les sarments conservés sont porteurs des promesses de la future récolte. Notre moine, qui établit d’instinct la relation entre son travail et l’Évangile de la vraie vigne, est animé par un sentiment d’amour qui s’inspire de celui que le Père porte à son Fils. 

Le Bourguignon Pierre Poupon qui a voué toute sa vie à la vigne et au vin comme négociant tout d’abord, puis comme écrivain, a consacré à cette parabole de la vraie vigne, une merveilleuse nouvelle, joliment intitulée : "L’Évangile du vigneron". Le récit met en scène un vieux vigneron de la Côte bourguignonne. Il porte un nom prédestiné, Jean Pinot : le nom de l’évangéliste accouplé à celui du célèbre cépage bourguignon. Il est veuf et ses enfants ont quitté depuis longtemps le giron familial. Travaillant seul dans sa vigne au moment de la taille, il se laisse aller à rêver et à prier. "Je suis un vigneron qui prie en travaillant" dit-il. Soudain, une phrase sortie de sa mémoire frappe son esprit : "Je suis la vigne véritable." Il est dès lors taraudé par une question qui va l’obséder : "S’il en est ainsi, cette vigne qui est là, qui m’entoure, que je touche de mes mains, que je soigne avec amour depuis tant d’années, ce n’est pas une vigne véritable ?" Il est paralysé par l’émotion.

Rentré chez lui, il ouvre sa bible et relit lentement les versets que nous venons de citer. Il est porté vers la méditation. "Ce matin, aux Perrières,  j’étais Dieu le Père. J’avais créé le monde…je taillais sans pitié tous les sarments qui ne produiraient pas de raisin à la récolte prochaine et je les brulais dans ma brouette-brasero, ce petit enfer ambulant. Au printemps, je pratiquerais l’émondage qui canalise la sève vers la seule baguette fructifère. La sève ? Allons plus loin que la parabole : la sève, c’est la montée du Saint-Esprit dans les sarments que nous sommes. La revoilà ma Sainte-Trinité ! Le père en vigneron, le Fils en vigne et le Saint-Esprit en sève. Quant à nous, les hommes, nous sommes ou pécheurs et mortels, donc sarments inutiles ; ou fidèles et aptes aux fruits, donc laissés sur le cep." Saint Jean est le seul évangéliste à rapporter le miracle de l’eau changé en vin et cette parabole de la vraie vigne. "Ainsi, pourrait-il, dit Pierre Poupon, être un bien meilleur patron des vignerons que saint Vincent dont personne ne sait pourquoi il bénéficie de cet honneur." La nouvelle se termine par une lettre de Jean Pinot à ses enfants et petits-enfants :

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