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Enfant, il voulait devenir pape. Tombé dans la marmite de l’art, il a passé plus de cinquante ans à New York. À 79 ans, sa fondation dédiée à l’art conceptuel abrite sans doute la plus grande collection privée d’art moderne en France. Le couple Macron s’y est d’ailleurs rendu l’an dernier, le 14 août 2020. C’est fort d’une brillante carrière et d’une vie d’homme accomplie que Bernar Venet a décidé de rencontrer le souverain pontife pour lui demander de bénir la fresque destinée à décorer les murs de sa chapelle privée.
Adepte de l’acier et passionné de recherche conceptuelle, on lui doit l'arc immense installé sur l’Alexanderplatz de Berlin ou encore ses Lignes indéterminées placées à La Défense. L’art minimal prévaut donc au sein de sa fondation courant sur sept hectares. À l’image de tous les artistes qu’il a côtoyés, la collection est multiple et dense, fruit d’une vie consacrée à l’art conceptuel. Pourtant, l’aspiration spirituelle n’est pas absente de cette effervescence autour d’une quête d’épuration. Ses installations ont d’ailleurs tendance à s’élever haut vers le ciel. L’une des dernières en date, dans la province de Namur en Belgique, est la plus haute d’Europe. Situé au sommet d’une côte, cet "Arc Majeur" installé en 2019 atteint 61 mètres de hauteur.
Mais en ce mois d’août particulièrement propice à la solitude et au retour à l’essentiel, l’artiste s’est consacré à l’inauguration de sa chapelle du XVIIe siècle dédiée à saint Jean-Baptiste, qui devait avoir lieu l’été dernier. Entièrement meublée et décorée en 2010, il ne manquait plus que la fresque enfin accrochée au mur depuis le 21 août dernier. Une autre chapelle, conçue par l’artiste Frank Stella, mais laïque, compose déjà sa collection. Pour l’occasion, il a créé un mobilier minimaliste, placé contre l’autel un crucifix immense, en acier et imaginé des vitraux en noir et blanc.
"La chapelle était terminée, mais il me semblait qu’il y manquait quelque chose, une peinture", confie Bernar Venet dans une interview au sujet de la raison de son voyage au Vatican. "Ma première idée a été de demander, à l’époque, à Jean Paul II de réaliser cet ouvrage avec une inscription. Mais le pape était trop âgé. J’ai dû attendre vingt ans pour exposer à mon ami Paolo Celi, qui est proche du pape, mon idée avec la phrase tirée de la Bible. Il m’a dit que le fait d’envisager que le Pape réalise l’inscription avec son doigt était trop lui demander." Mais il obtient un rendez-vous avec le Pape.
Sur ce, il se rend en Israël, sur les bords du Jourdain, pour emporter un peu de terre et d’eau. Ensuite, direction place Saint-Pierre pour sa rencontre avec le Pape prévue le 11 décembre 2019, lors d’une réception suivie d’une bénédiction. "Vous êtes un artiste, priez pour moi", lui glisse alors le Pape, tout en bénissant l’eau et la terre de Terre sainte. Sa femme, présence ce jour là aussi, l’assure alors de leurs prières. Ce à quoi le Pape répond : "S’il vous plaît, j’en ai vraiment besoin." Ce souvenir émeut encore l’artiste, qui se rappelle des "dix secondes pendant lesquelles le Pape a prié avec beaucoup de concentration sur son travail". La terre et l'eau des bords du Jourdain, bénis par le Pape, sont aujourd'hui inscrits dans la pierre. C'est grâce à elles qu'il a tracé la fameuse inscription soigneusement choisie dans la Bible pour honorer la figure de saint Jean-Baptiste : "Jean n’était pas la lumière mais le témoin de la lumière."