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“Haïti a besoin de pouvoir faire confiance à ses hommes d’Église et ses hommes politiques”

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Des officiers de police supervisent la distribution de vivres au rond-point des 4 Chemins dans la ville des Cayes à Haïti.

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Lauriane Vofo Kana - published on 24/08/21
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Dix jours après le tremblement de terre qui a frappé le sud-ouest de l'île et fait plus de 2.200 morts, frère Ernest, prieur haïtien au couvent des Dominicains de Port-au-Prince, revient pour Aleteia sur la situation et les initiatives ecclésiales qui se déploient.

Le séisme qui a secoué samedi 14 août le sud-ouest d'Haïti a fait au moins 2.207 morts. Dans les trois départements touchés (Sud, Grand'Anse et Nippes), la protection civile comptabilisait dimanche 22 août 344 disparus et 12.268 blessés. Des recherches ont permis de retrouver vivantes le même jour 24 personnes portées disparues. Signe que sur place, les effort se poursuivent. Le père Ernest Charlot, prieur au couvent de Port-au-Prince et administrateur de la quasi-paroisse Notre-Dame du Rosaire partage à Aleteia les dynamiques à l'œuvre sur l'île.

Aleteia : quel est le quotidien des Haïtiens depuis le tremblement de terre ?
Fère Ernet : Depuis le 14 août, les gens essayent de se débrouiller avec les moyens du bord. La situation est compliquée sur le plan politique, social, sanitaire et alimentaire. Vivre une nouvelle catastrophe naturelle est très dur. Mais une chose attire mon attention : après le séisme du 12 janvier 2010, l’aide venait essentiellement de l’étranger. Cette fois-ci, beaucoup de forces vives sont déjà sur place. Les Haïtiens essayent de se serrer les coudes. Ils ont vu qu’en 2011 il avait fallu marcher sur les cadavres pendant 72 heures avant que les secours étrangers n’arrivent. Aujourd’hui, ils se disent qu’il y a des choses que nous, Haïtiens, pouvons faire. Qu'ils doivent être les premières personnes opérationnelles. Autrefois, les proches, le voisinage formaient la famille puis l'individualisme a pris le pas. Après ce séisme, on perçoit une lueur d’espoir et le grand défi devant nous.

Vous parlez d'initiales locales, à quoi faites-vous référence ?
Ici, dans le diocèse de Port-au-Prince, l’archevêché a envoyé une note de l’évêque [Mgr Max Leroy Mésidor ndlr] demandant aux prêtres et aux communautés religieuses de prier pour les victimes du grand sud et de leur venir en aide. Durant la réunion pastorale, on a réfléchi à un moyen de mettre en œuvre cette demande. Depuis hier, des boîtes et des bénévoles sont à disposition pour recueillir les dons en nature ou en espèces jusqu’à samedi prochain.

On a aussi affiché sur le portail de l’église conventuelle cet appel pour que les gens qui ne sont pas catholiques et qui souhaitent participer puissent le faire. Tout sera remis à la Caritas de l’archidiocèse qui se chargera de l’acheminer dans le diocèse des Cayes et le diocèse de Jérémie. J’ai invité les fidèles à donner comme la veuve de Sarepta dans l’ancien Testament (1R 17). C’est-à-dire donner quelque chose qui leur tient à cœur alors qu’on a tendance à donner le surplus ou à se débarrasser de choses sans penser à la dignité de l’autre qui reçoit.

Et à l’échelle de votre communauté que pouvez-vous faire ?
Notre premier apostolat c’est la prière du rosaire. Sur un deuxième front, avec les membres de nos équipes du Rosaire présents à Gonaïves, Saint-Marc, Port-au-Prince et dans le diocèse de Port-de-Paix, nous avons décidé de collecter des fonds. Nous les enverrons par transfert aux membres touchés dans le diocèse des Cayes, dans le grand sud. Ce sera plus sécurisé sinon on enverrait de l’eau, des vivres. La quête de notre messe dominicale, dans la quasi-paroisse Notre-Dame du Rosaire, était pour les sinistrés.

Par le passé, on disait d’Haïti qu’elle était la Perle des Antilles. Dieu ne nous sauvera pas sans nous parce qu’il respecte notre liberté. Par son Fils Jésus, en trouvant la force dans la prière par l’Esprit, Haïti redeviendra ce qu’elle a pu être.

L’insécurité à Haïti continue donc de sévir malgré la catastrophe ?
L’insécurité bat son plein, les gangs commandent le pays. Pour aller dans le grand sud, de nombreux dons passent par le quartier de Martissant à Port-au-Prince mais il est contrôlé par les gangs. Le plus souvent, les dons n’arrivent pas aux destinataires, aux plus nécessiteux. Et lorsqu’ils partent, les personnes qui habitent le long des routes accaparent ce qui se trouve dans les camions car avant ce séisme elles avaient faim. Les dons venus des États-Unis, de Colombie ou de France, peuvent y échapper et arriver par la mer ou par voie aérienne.

Vous avez évoqué le séisme de 2010, certaines choses n’ont pas changé depuis ?
En 2010, je travaillais à la pastorale universitaire et de nombreuses habitations avaient été peintes en rouge pour être détruites. Mais qu’est-ce qui a été fait ? Après le 12 janvier 2010, rien n’a été fait à Port-au-Prince, les maisons ont été consolidées. La crise politique est un fléau. Le bien commun ne trouve pas sa place en Haïti aujourd’hui. Ce 14 août au matin, j’étais avec mon frère et nous avons senti la maison trembler sous nos pieds. Nous avons dû la quitter précipitamment. S’il y a un nouveau séisme à Port-au-Prince, la ville sera très vulnérable.

De quoi a besoin Haïti pour se relever ?
Haïti a besoin de pouvoir faire confiance à ses évêques, ses prêtres, ses sénateurs, son président. Il y aussi la conscientisation qui nous aidera à nous relever. Les personnalités politiques doivent se rendre compte qu’elles sont là au profit du peuple. Il n’y a pas qu’à Haïti qu’il y a de la corruption mais ici, il y a la méfiance partout, le mensonge. Chacun doit prendre conscience qu’il y a un bien commun, un pays à bâtir. Cette prise de conscience est capitale. Car la prise de conscience appelle l'intégrité. Il y a un amour du pays et un amour des frères à cultiver.

Quelle est votre espérance au regard de cette situation ?
Nous ne devons pas baisser les bras. Aujourd’hui, c’est la fête de sainte Rose de Lima, la première sainte des Amériques. Elle a quitté sa famille pour se consacrer à la prière dans l’ordre dominicain. Ce qui nous arrive est une catastrophe naturelle pas une punition. Le bon Dieu aime les Haïtiens comme tous les autres. Nous devons grandir dans le dialogue sincère, malgré nos faiblesses et croire que Dieu ne reprend pas ce qu’il a donné. Par le passé, on disait d’Haïti qu’elle était la Perle des Antilles. Dieu ne nous sauvera pas sans nous parce qu’il respecte notre liberté. Par son Fils Jésus, en trouvant la force dans la prière par l’Esprit, Haïti redeviendra ce qu’elle a pu être.

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