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Saint Jean Eudes, la miséricorde et les prostituées

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Aliénor Goudet - publié le 18/08/21 - mis à jour le 04/08/22
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Fondateur de la Congrégation de Jésus et Marie, saint Jean Eudes (1601-1680), fêté le 19 août, est le contemporain oublié de saint Vincent de Paul. Sensible à la souffrances des rejetés de la société, il s’est donné pour mission d'offrir un espace de répit et de rédemption pour les prostituées.

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Argentan, 1634. Malgré le froid de novembre, le père Jean Eudes se sent étouffé dans sa soutane. Il retirerait volontiers le foulard qui lui couvre la bouche et le nez si le risque de contagion n’était pas dangereusement présent. Dans ses bras, enveloppé dans un drap sale, se trouve la dépouille d’une nouvelle victime de la peste. 

Voilà déjà quatre semaines que le jeune prêtre s’occupe des pestiférés d'Argentan. Il a dû grandement insister auprès de ses supérieurs afin d’être envoyé en service auprès des malades. La réticence de ces derniers à se rendre près des nécessiteux a beaucoup attristé Jean. Pour lui, rien ne semblait plus naturel que de se rendre au cœur de la peste pour assister les pauvres. 

L’avocat des oubliés 

Malgré l’épuisement physique et le risque d'infection, Jean prend à cœur sa mission. Transporter les malades, les laver, les nourrir, désinfecter les draps et vêtements, enterrer… Des aurores jusqu’à tard le soir, il n’en finit pas. 

Enfin, Jean arrive au cimetière. Dans une fosse commune où déjà plusieurs corps infectés reposent, il en dépose un énième. Puis, appuyant contre sa poitrine la petite boite en fer blanc contenant l’Eucharistie, il prie pour ses miséreux, morts sans noms et sans familles. 

La nuit est tombée depuis longtemps, mais Jean prend tout de même le chemin de l’église. Il lui faut déposer les dernières intentions de ses mourants. C’est alors qu’une silhouette s’extirpe d’une ruelle voisine pour se mettre sur son chemin. 

C’est une jeune femme aux épaules dénudées malgré le froid et à la chevelure lâchée. Depuis le début de l’épidémie, de nombreuses femmes ayant perdu leur mari ont dû se tourner vers la prostitutions pour subsister.  

Les yeux de la jeune femme s'écarquillent alors qu’elle prend en compte la soutane de Jean. En un instant, son visage devient livide. Puis, elle lui jette un regard plus noir que la nuit.

Elle disparaît alors dans l’ombre de sa ruelle. Ce regard brise le cœur de Jean. Il y voit toute la tristesse et le fardeau des filles rejetées par l’église pour leur profession.

L’ami des "filles perdues"

Le jansénisme grandissant dans l’église s’adonne à condamner plutôt qu'à sauver les pécheurs. Pour Jean, c’est un poison qui étouffe la charité du Christ que les hommes de Dieu se doivent d’enseigner au monde. Où est la miséricorde ? Où est le pardon que le cœur brûlant d’amour de Jésus accordait à tous ? Dépité et honteux, il se rend à l’église le cœur lourd. 

Pendant des années, Jean va croiser de nombreuses fois ce même regard. Il leur offre de la nourriture quand il le peut, mais lorsqu’il les invite à l’église, toutes refusent. Comment se sentir accueillis dans la maison de Dieu, lorsque les hommes vous accusent d’être le vice incarné ?

L’amour de Dieu pour l’humanité que Jean prêche sans cesse appartient autant à ces femmes qu’aux prêtres de l’Église. Il leur faut un lieu d’accueil. Un endroit ou rien d’autre que le cœur brûlant du Christ et les bras de Sa sainte Mère ne les attendra. Où elles pourront être convaincues de toute la miséricorde que Dieu a pour elles. 

Ainsi naît en 1641, Notre-Dame du Refuge à Caen. Des femmes laïques y accueillent les prostituées et leur apprennent divers métiers. Ce refuge devient rapidement l’ordre de Notre-Dame de Charité, et de véritables religieuses prennent le relais. Ce projet choque beaucoup de personnes influentes et connaît des hauts et des bas jusqu’à sa reconnaissance officielle en 1651. 

Jean Eudes fonde également la congrégation de Jésus et de Marie, plus connue sous le nom de "eudistes". Il s’éteint le 19 août 1680 et est canonisé par Pie XI en 1925. 

Outre avoir été l’avocat des miséreux, on se souvient de lui comme étant un amoureux du Christ et de la Vierge Marie. Il laisse de précieuses méditations sur l’amour miséricordieux de Dieu pour les hommes.

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