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Le pass sanitaire annonce-t-il une dérive autoritaire de l’État ?

PASS SANITAIRE
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Xavier Patier - published on 15/07/21
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Le pass sanitaire est devenu une « querelle » qui divise les Français, avec des arguments rationnels mais aussi irrationnels. Pour notre chroniqueur, le système politique, par définition imparfait, a des limites qu’il faut savoir accepter.

S’il est une conséquence de la pandémie sur laquelle tout le monde sera d’accord, c’est que le coronavirus est une formidable machine à fabriquer des querelles. Nous avons eu la guerre des masques, puis la guerre des tests, puis la guerre du confinement, et enfin la guerre des vaccins. Voici maintenant la guerre du pass, menaçant de devenir une sorte de nouvelle affaire Dreyfus capable de ravager la plus paisibles des harmonies familiales. Le pass sanitaire vient grossir la liste des sujets qu’il convient d’éviter à table. 

Cette affaire, il est tout de même permis de s’interroger sur ce qu’elle révèle de l’évolution de la politique. Qu'attendons nous du politique ? Le pass sanitaire marque-il une rupture avec ce que nous sommes en droit d'attendre de l'Etat ? Les uns y voient tout simplement la manifestation d’un gouvernement responsable qui fait son devoir de protection de la population. Les autres croient y discerner une rupture de civilisation, le début d’un nouveau totalitarisme. Les mettre d’accord relève de l’ambition impossible, car une sourde envie d’en découdre, profondément irrationnelle, jette les premiers contre les seconds. Les premiers jouent le jeu du système ; le seconds refusent le système. 

Tout ce qui nous arrive est-il la faute du gouvernement ou la faute du virus ?

La querelle est aggravée par le fait que désormais, surinformés par les médias en ligne, nous avons pris l’habitude de professer à haute voix des avis autorisés sur des sujets dont nous ignorions tout la veille : les médecins se font économistes, les politiques se font médecins, les économistes se font juristes ; et ce qui ne sont rien de tout cela, comme moi, se font à la fois médecins, politiques et juristes. De surcroît, les réseaux sociaux, avec leur immédiateté et leurs simplifications, électrisent le débat. Le résultat de tout cela s’appelle : crise de confiance dans la démocratie. En tout cas il est vain de débattre, car la rationalité qu’on s’envoie à la figure ne peut que manquer sa cible dans un combat irrationnel. On n'émeut pas un rationnel. On ne raisonne pas un complotiste. Il convient donc de s’en tenir à des repères simples. 

Une première question à nous poser, c’est celle de la responsabilité. Tout ce qui nous arrive est-il la faute du gouvernement ou la faute du virus ? La faute du virus, tout le monde doit pouvoir l'admettre. L’épidémie n’est pas le résultat d’une action politique maladroite ou maléfique, mais bien la conséquence d’un virus. Face à ce virus, qui aura fait son chemin à peu près partout dans le monde, et sous tous les régimes politiques, tous les gouvernements ont réagi avec les moyens du bord, en fait toujours les mêmes. Comme nous avons la chance de disposer d’une industrie pharmaceutique efficace, nous avons pu disposer, dans un délai incroyablement court, de vaccins. Un virus, un vaccin : la politique commence après cela, qui est tout de même un luxe. 

Beaucoup de questions que nous nous posons sur les limites de la politique seraient sans objet si les vaccins n'existaient pas. Une deuxième question est celle de la liberté. Nos libertés sont-elles en danger avec le pass sanitaire ? Ceux qui, pour des raisons respectables, ne veulent pas se faire vacciner, le pensent. Ils poussent à son extrême le principe du noli me tangere et en appellent aux principes constitutionnels. Ceux qui estiment que la vaccination est un acte civique sont évidemment d’un avis opposé. Faute de les mettre d’accord, nous pouvons par exemple nous référer à l’histoire récente : jusqu’à la suppression du service militaire par une loi d’octobre 1997, tous les appelés du contingent commençaient leur vie sous les drapeaux par une séance de vaccination gratuite, systématique et obligatoire, à quatre doses qui plus est, le fameux TABDT (typhoïde A et B, diphtérie, tétanos) qui n’a jamais donné lieu à une contestation au titre des libertés publiques. Un sondage récent BVA indique que 66% des Français se disent favorables au rétablissement du service militaire obligatoire. 

Une troisième question est d’ordre apparemment pratique : le pass sanitaire ne crée-t-il pas des contraintes disproportionnées ? On pourrait répondre que notre vie tout entière crée des contraintes disproportionnées, surtout quand il s’agit de notre vie en société. Prendre le train, par exemple, exige déjà de se munir d’un billet. Avec le pass, il en faudra deux. Ces dernières décennies, des libertés ont disparu, d’autres sont nées. Autrefois, par exemple, il n’y avait pas de péages d’autoroute, faute d’autoroutes et de voitures pour y rouler, mais on payait un octroi à l’entrée des villes. Le péage autoroutier marque-t-il, au prétexte que l'autoroute est un espace public, une atteinte aux fondamentaux de notre démocratie ? La plupart des libertés qu’on accuse l’État de rogner sont des libertés qui n’existaient pas il y a trente ans, car la technologie ne les avait pas inventées. On hurle à bon droit contre la censure d’Internet : du temps des courriers sous enveloppe, on ne censurait pas l’Internet. Si le vaccin n’existait pas, nul n'aurait l’occasion le dénoncer cette atteinte aux libertés qu’est le pass sanitaire. Querelle de riches ! 

« Si l’État est fort, il nous écrase. S’il est faible, nous périssons », disait Valéry qui n’a pas connu le pass sanitaire, faute de vaccin, car du temps de la grippe espagnole, les réponses médicales n’étaient pas prêtes et les gouvernements ne faisaient pas grand-chose. On le leur reprochait, d'ailleurs. La querelle du pass sanitaire met en relief la fracture entre ceux qui acceptent le système et ceux qui le refusent. Et nous, qui ne sommes pas « du monde », mais bien « dans le monde », nous sommes appelés à vivre dans le système, et à aimer cet État tantôt faible et tantôt fort qui nous a été donné. En temps de pandémie, aimer sans être dupe est la vocation du chrétien.

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