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Annoncer Jésus-Christ, qu’est-ce que cela veut dire ?

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Jean-Thomas de Beauregard, op - published on 10/07/21
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Jésus ne propose pour l’évangélisation ni recette infaillible, ni technique de pointe. Mais il donne quelques indications précieuses.

Jésus aurait-il fondé les Témoins de Jéhovah ou les Mormons ? Quand vous marchez dans les rues d’une grande ville, ou que vous sortez d’un métro, si deux hommes vous abordent avec un grand sourire en vous parlant de Dieu, il y a de bonnes chances pour que ce soient des Témoins de Jéhovah ou des Mormons. Dans le meilleur des cas, ce sont des protestants évangéliques. Le problème, dans cette histoire, ce ne sont pas les Témoins de Jéhovah, les Mormons ou les protestants évangéliques, qu’il ne faut d’ailleurs pas situer exactement sur le même plan. Non, le problème vient de nous. Comment se fait-il que la description d’un disciple missionnaire par Jésus soit associée dans les mentalités contemporaines à tout sauf aux catholiques ? C’est la même honte qui devrait nous étreindre lorsque nos contemporains associent presque exclusivement la prière ou le jeûne aux musulmans.

Il ne s’agit pas ici de faire dans la compétition interreligieuse, qui n’aurait guère de sens. Entre la plénitude de vérité qui subsiste dans l’Église catholique et les vérités partielles ou les mensonges qui ont élu domicile ailleurs, il ne saurait y avoir de compétition. Mais il faut tout de même se laisser interpeller par ce constat : pour nos contemporains, pour l’homme de la rue, le catholique est celui qui ne prie pas, qui ne jeûne pas, qui ne sort pas à la rencontre des autres pour annoncer le Christ. De même, en Europe en tout cas et en France en particulier, la sociologie du catholicisme est telle que le catholique n’est pas spontanément associé à un mendiant de l’Évangile vivant la pauvreté volontaire ou, à tout le moins, la sobriété de celui qui est comblé par Dieu seul.

Et parce qu’il s’est tu trop longtemps, les rares fois où le catholique intervient dans le débat public sont perçue, au mieux comme des incongruités, au pire comme une scandaleuse agression.

Le catholique est un muet, puisqu’il ne parle pas de sa foi : c’est pour ça qu’il ne gêne plus et que l’anticléricalisme d’autrefois disparaît. Et parce qu’il s’est tu trop longtemps, les rares fois où le catholique intervient dans le débat public sont perçue, au mieux comme des incongruités, au pire comme une scandaleuse agression. Il faut des catholiques qui parlent, et qui aient quelque chose à dire. Cela suppose une vie de prière importante, et le souci d’un approfondissement doctrinal au-delà du catéchisme élémentaire.

Le catholique est un aveugle, puisqu’il ne voit pas la misère de ses voisins : c’est pour cela que sa foi en un Dieu d’amour n’est pas crédible. Et parce qu’il a trop souvent eu des œillères l’empêchant de voir la pauvreté matérielle de ses contemporains, le discours du catholique sur le respect de la vie tombe à plat et se fait taxer d’hypocrisie ou d’hémiplégie, l’œil droit aux aguets face aux dérives sociétales mais l’œil gauche aveugle aux misères économiques et sociales (ou parfois l’inverse). Il faut des catholiques qui regardent le réel, tout le réel, avec leurs deux yeux illuminés par l’Esprit saint et débarrassés de préjugés hérités sans être examinés à l’aune de l’Évangile.

Le verdict est cruel, peut-être excessif. Si le catholique est à la fois muet et aveugle, c’est un mauvais point de départ pour être prophète et évangélisateur. Mais il ne faut pas oublier que Moïse était bègue, et que Saul fut aveugle un temps avant de retrouver la vue pour devenir Paul, l’apôtre des nations. Que nous soyons collectivement des muets et des aveugles, ou que nous soyons seulement perçus comme tels par nos contemporains, ce qui importe est que nous entendions l’appel de Jésus-Christ à évangéliser. Alors, ne rejoignons pas les Témoins de Jéhovah, mais soyons des témoins du Christ, de grâce ! Ne soyons pas des Mormons, mais soyons un peu plus morts au monde, amoureux de la pauvreté ! Et s’il ne s’agit pas de devenir des protestants évangéliques, il faudrait, et cela devrait être un pléonasme, devenir des catholiques évangéliques ! Les gens ont déserté les églises ? Peut-être… Mais si l’Église déserte d’auprès des gens, il n’y a pas à s’en étonner. Jésus, le semeur céleste, est sorti pour semer. À sa suite, sortons !

Jésus ne propose pour l’évangélisation ni recette infaillible, ni technique de pointe. Mais il donne quelques indications précieuses. Et tout d’abord, la proclamation du Royaume va de pair avec l’expulsion des démons et la guérison des malades. Il n’est pas certain que tous les baptisés aient l’occasion de pratiquer des exorcismes et de faire des miracles de guérison. Cela relève peut-être de notre manque de foi. Mais nous avons tous l’occasion de combattre le démon, en nous et chez nos frères, et de libérer les uns et les autres de l’esclavage du péché.

Avant de porter un discours moral nécessaire ou une aide sociale indispensable, il s’agit d’annoncer le Christ, l’amour de Jésus manifesté jusqu’à la mort sur la Croix.

Il y a ici une question de regard. Trop souvent, le catholique est celui qui, ou bien condamne, ou bien se tait. Le jugement surplombant qui irrite tout le monde, ou bien la lâcheté d’un silence qui achète la tranquillité. Or la proclamation du Royaume, c’est une Bonne Nouvelle : Dieu existe, il est Père, il nous aime et veut nous sauver, la mort n’a pas le dernier mot. Et parce que Dieu est tout cela, il vient nous libérer de l’esclavage du péché, de la solitude moderne, etc. La foi chrétienne apporte une libération. Avant de porter un discours moral nécessaire ou une aide sociale indispensable, il s’agit d’annoncer le Christ, l’amour de Jésus manifesté jusqu’à la mort sur la Croix. Il s’agit de rappeler sans cesse que l’homme est appelé au bonheur et à la vie éternelle. Si cela est acquis, le reste viendra par surcroît.

Ensuite, l’apôtre tel que Jésus nous le décrit est pauvre : ni or ni argent, ni sac pour la route, ni ceinture, à peine un bâton, etc. Le véritable apôtre se présente les mains vides, mais le cœur plein. Pauvre de tout, mais riche de Dieu. Et parce que nos mains sont vides, nous pourrons prendre notre prochain dans nos bras, tout contre notre cœur. Enfin, l’apôtre sait qu’il n’est que l’envoyé. Je sonne à la porte et on m’accueille ? Je rends grâce et je transmets la paix de Jésus à cette maison. Je sonne à la porte et on ne m’accueille pas, ou mal ? Je rends grâce, je sors de cette maison et je secoue la poussière de mes sandales. Je passe à autre chose. Ce n’est pas grave. Dieu trouvera un autre jour, un autre lieu, un autre moyen, une autre personne, pour toucher le cœur des habitants de cette maison.

Il n’est pas interdit, parfois, d’insister et de faire preuve de persévérance, mais attention à ce que la persévérance ne tourne pas à l’obstination, qui ne va pas sans orgueil.Pour le dire autrement, en matière d’évangélisation chacun d’entre nous a une obligation de moyens, pas une obligation de résultats. Comme baptisés, nous avons le devoir impérieux de témoigner, de chercher à annoncer l’Évangile, de déployer toute notre intelligence et notre volonté pour faire connaître et aimer Jésus. C’est une obligation : si vraiment Jésus est l’unique Sauveur des hommes, si vraiment l’amitié avec Dieu est ce qu’il y a de plus précieux sur la terre, alors ne pas l’annoncer, ne pas témoigner, serait une faute grave. Obligation de moyens, donc. Mais quant au résultat, il est entre les mains de Dieu.

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