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Le pays qui dirige l’Union européenne depuis le 1er juillet est une énigme. Deux millions d’habitants, soit autant que Paris, situé à la lisière des Alpes, frontalier de la Croatie et ancien membre de la Yougoslavie, la Slovénie est l’un des inconnus de l’UE. La position « illibérale » de son Premier ministre Janez Jansa inquiète Bruxelles et témoigne de la fracture grandissante entre l’Ouest et l’Est. Méconnue il y a encore quelques mois, la Slovénie est entrée dans l’Europe par la grande porte : un doublé au Tour de France en septembre 2020, emporté par le jeune prodige Tadej Pogačar et de nouvelles victoires d’étape pour l’édition 2021, témoignant que le cyclisme slovène ne se limite pas à une personne. Pour atteindre un si haut niveau sportif, il faut pouvoir disposer de nombreuses infrastructures nationales. Ces victoires placent la Slovénie dans la cour des grands.
Mais son Premier ministre gêne. Il est présenté comme étant proche de Viktor Orban et populiste, ce qui permet certes de le discréditer, mais empêche de comprendre sa pensée et les raisons de son engagement politique. Né en Yougoslavie en 1958, il a connu le régime de Tito et la terreur communiste. Lui-même journaliste indépendant, il a payé cette liberté en prison. Comme les hommes politiques de sa génération, c’est une personne qui a été façonnée dans le combat contre le totalitarisme communiste et, cas particulier de la Yougoslavie, pour l’indépendance de son pays face à Belgrade. La répression communiste d’une part et la très violente guerre de Yougoslavie d’autre part ont façonné sa façon de sentir la politique et de comprendre la place de son pays en Europe. Comme de nombreux autres dirigeants d’Europe de l’Est, il ne supporte pas le mépris dont il estime être victime de la part de Bruxelles et de l’Ouest.
Compte tenu de la complexité de l’Union européenne, la présidence de l’UE est un poste honorifique sans réel pouvoir. Janez Jansa ne pourra donc rien y faire, d’autant plus que son influence face à l’Allemagne ou à la France est nulle. Pousser de hauts cris ou manifester à Bruxelles lors de sa prise de poste sert donc surtout à jouer à se faire peur. Mais cela témoigne d’un dialogue impossible et d’une incompréhension grave entre les deux parties de l’Europe, situation très bien mise à jour par Chantal Delsol dans son dictionnaire La Vie de l’esprit en Europe centrale et orientale (Le Cerf, 2021).
L’Ouest ne comprend pas que l’Est a vécu près de cinquante ans de terreur communiste, que leur indépendance a été chèrement acquise.
L’Ouest ne comprend pas que l’Est a vécu près de cinquante ans de terreur communiste, que leur indépendance a été chèrement acquise et que les peuples ont dû développer des anticorps culturels pour ne pas sombrer dans le marxisme triomphant. L’attachement à sa culture, à la nation, à la subsidiarité est devenu incompréhensible à l’Europe de l’Ouest, qui n’a toujours pas compris non plus pourquoi le Royaume-Uni a demandé à partir. À l’Est, l’incompréhension est aussi de mise à l’égard de l’Ouest. On ne comprend pas l’individualisme, le soutien aux minorités, le peu de cas accordé à l’histoire. Ce qui est désormais visible aux yeux de tous, c’est que s’il y a une même Union, un même Parlement et des institutions identiques, il y a deux visions complètement différentes et antinomiques de l’Union. Berlin et Paris l’ont construite pour éviter les drames des guerres mondiales et s’en prémunir en sortant de l’histoire. Les pays d’Europe de l’Est au contraire, refusent cette sortie et acceptent le tragique de l’histoire. Ils veulent bien les subsides de l’UE pour bâtir des infrastructures et pour se moderniser, mais ils ne veulent pas les idées de l’UE.
S’il est impossible de se comprendre et de se parler, le divorce est-il inéluctable ? Si l’UE exclut la Hongrie, puis la Pologne et pourquoi pas la Slovénie, ce sont toutes les promesses de la fin du communisme qui seront évaporées et l’impossibilité de construire une unité européenne qui sera actée. Pour l’instant, Bruxelles ne cherche pas tant à exclure qu’à réduire au silence et à faire émerger des oppositions à ces régimes illibéraux, pourtant arrivés au pouvoir de façon démocratique. La présidence de Janez Jansa ne servira pas à grand-chose pour l’UE, sauf à mettre une nouvelle fois à jour les failles intellectuelles du continent et la difficulté à concilier les histoires et les rapports au politique. Reste peut-être le Tour de France qui, dans la coloration des drapeaux nationaux agités le long des routes et la ferveur populaire suscitée par les coureurs cyclistes, témoigne qu’il est possible d’être uni dans la diversité. Un message pour Bruxelles ?