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Neuf mois dans le ventre d’une mère porteuse en Oklahoma, presque un an en immersion dans la famille d’une nounou texane qu’il appelle « Maman », des « parents d’intention » en Écosse, qui prennent en charge tous ses frais matériels. Alexander, dix mois, est déjà une star sur TikTok. Mais il n’a pas de papiers et il est difficile d’identifier clairement qui est sa famille.
« Salut, peux-tu venir chercher un nouveau-né que sa mère porteuse ne veut pas ramener chez elle ? » Il y a bientôt un an, Kristie Baysinger, 42 ans, reçoit cette demande par téléphone de sa responsable d’agence. Une mission « temporaire », jusqu’à ce que ses parents d’intention viennent le chercher. Alexander est né par GPA en Oklahoma, sur commande d’un couple écossais, d’une mère porteuse américaine. Covid oblige, à la naissance, les « parents » n’ont pas pu venir chercher le « bébé rêvé ». Et après l’accouchement, la mère porteuse refuse de ramener le bébé chez elle.
Depuis, Kristie élève le petit garçon « comme son propre fils ». En acceptant, elle était loin de se douter qu’un an plus tard Alexander vivrait encore chez elle, avec ses trois enfants. La situation est difficile, car elle reconnaît s’être beaucoup attachée à Alexander. L’enfant s'est également lié à sa famille et appelle Kristie « maman ». « Nous avons ce bébé depuis dix mois, explique-t-elle. Bien sûr, il pense que je suis sa mère, que mon mari est son père et que mes enfants sont ses frères et sœurs ».
En allongeant les délais de remise de l’enfant, celle-ci a joué un rôle de révélateur, elle a mis en lumière les arrachements imposés aux bébés.
Kristie raconte régulièrement l’histoire d’Alexander sur TikTok. Des followers lui ont demandé si elle garderait l’enfant en cas de changement d’avis des Écossais. « Oui, bien sûr, je garderai leur bébé, répond-elle. J'ai élevé ce bébé depuis qu'il est né. » D’autres lui conseillent de garder Alexander « quoiqu’il arrive », ce qu’elle ne se résout pas à envisager car il reste le « le bébé de quelqu’un d’autre ».
Matériellement, c’est le couple écossais qui subvient aux besoins de l’enfant. « Ils paient ses vêtements, sa nourriture, ses couches, ses lingettes, tout ce dont un bébé a besoin. Je dois juste garder les reçus et les soumettre au père. » Mais affectivement, c’est Kristie qui endosse le rôle des parents. « Nous lui donnons tous les câlins, l'amour, l'attention et tout ce dont il a besoin pour grandir, raconte-t-elle. Nous ne nous retenons pas. Il est gâté, aimé, on joue avec lui et on lui chante des chansons, comme s'il était mon propre enfant. »
Depuis dix-huit mois, de nombreux bébés nés par GPA se sont retrouvés bloqués dans le pays de leur mère porteuse à cause de la pandémie. En allongeant les délais de remise de l’enfant, celle-ci a joué un rôle de révélateur, elle a mis en lumière les arrachements imposés aux bébés. Arrachement d’avec celles qui pendant neuf mois les ont portés, et bercés de leur voix et de leurs pas, doublé, pour Alexander, de l’arrachement d’avec la famille qui prend soin de lui depuis la naissance. À un jour ou à un an, cet arrachement est toujours violent. Mais plus l’enfant grandit, plus il s’exprime et à un an Alexander appelle « Maman » la femme qui l’élève, alors qu’il ne connaît pas le couple qui l’attend en Écosse.
Les followers sont nombreux et très émus de la situation. Certains disent avoir « le cœur brisé » à l’idée qu’il « devra finalement quitter la seule famille qu’il ait déjà connue ». « C'est tellement triste de savoir qu'il est sur le point de subir un tel traumatisme sans que ce soit sa faute », écrit un autre. « Je ne peux pas imaginer que vous devrez lui dire au revoir », écrit un troisième. Y a-t-il encore un bon sens possible face à une situation aberrante créée de toute pièce pour satisfaire aux caprices d’adultes ? Où est l’intérêt de l’enfant quand ce sont des arrangements entre adultes qui tentent de définir qui sont ses parents ?
Pour en savoir plus : Gènéthique.