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Méditant sur le mariage qui unit un homme et une femme, saint Paul écrit : « La femme ne dispose pas de son corps, mais le mari. Pareillement, le mari ne dispose pas de son corps, mais la femme » (1 Co 7, 4). Or le même Paul nous révèle que sur la Croix, Jésus a scellé dans son sang ses noces avec l’Église (Eph 5, 25-27). Le Christ est l’Époux ; l’Église — c’est-à-dire la communauté de tous les baptisés — est son Épouse qu’il aime jusqu’à lui donner sa vie. Si l’Église est l’Épouse du Christ, il est donc normal qu’elle dispose du corps de son Époux.
C’est ce qui culmine dans le sacrement de l’Eucharistie, mystère nuptial selon les Pères de l’Eglise et de nombreux mystiques dans la Tradition, où s’accomplit la parole de Jésus : « Demeurez en moi, comme je demeure en vous » (Jn 15, 4). À travers chacun des baptisés qui reçoit la communion, le corps du Christ-Époux s’unit au corps de l’Église-Épouse. Alors l’union des corps manifeste et produit tout à la fois l’union des cœurs, et cette union porte un fruit de vie.
La communion eucharistique est un mystère nuptial. Or l’union conjugale, déjà au plan naturel, exige d’être préparée par une vie commune, une tendresse mutuelle, et une réconciliation préalable si quelque dispute est venue altérer la complicité et l’amour mutuel des époux. Sans cela, l’étreinte n’est qu’un mensonge, la sexualité est ravalée au rang d’exténuation des pulsions. Or les mêmes exigences valent pour la communion eucharistique : vie de prière fervente, actes de foi, d’espérance et de charité, confession sacramentelle en cas de péché grave sont les dispositions nécessaires pour que l’union nuptiale qu’est la communion eucharistique ne soit pas un mensonge, et qu’elle puisse porter tout son fruit.
Sur l’autel, sous les apparences du pain et du vin, c’est Jésus lui-même, en son humanité et sa divinité, en son corps et en son âme, qui se tient au milieu de son peuple, pour se donner en union intime à tous les baptisés.
Mais pour qu’il y ait véritable union nuptiale entre le Christ et l’Église dans le sacrement de l’eucharistie, il faut qu’il s’agisse vraiment du corps du Christ. La communion eucharistique nous donne-t-elle réellement accès au corps du Christ ? Mais si nous mangeons réellement le corps du Christ, n’est-ce pas de l’anthropophagie ? C’est ici qu’il faut un peu de finesse.
Lorsque le prêtre, à la Messe, étend les mains sur le pain et le vin et prononce les paroles de Jésus lui-même : « Ceci est mon Corps » puis « Ceci est mon Sang », que se passe-t-il ? C’est Jésus ressuscité qui, en personne, réalise ce qu’il vient de proclamer par la bouche du prêtre qui n’est alors qu’un instrument pour son action souveraine. Sur l’autel, sous les apparences du pain et du vin, c’est Jésus lui-même, en son humanité et sa divinité, en son corps et en son âme, qui se tient au milieu de son peuple, pour se donner en union intime à tous les baptisés.
Que faut-il comprendre lorsque le Concile de Trente parle, au sujet de l’eucharistie, d’une présence vraie, réelle et substantielle de Jésus sous les espèces du pain et du vin consacrés ? Jésus est vraiment présent sur l’autel, non pas à la manière d’une image, d’un symbole ou d’un souvenir, comme le serait la photographie de l’oncle Alfred sur le guéridon de la tante Adélaïde, qu’elle embrasse pourtant dévotement le soir avant de se coucher. Jésus est réellement présent sur l’autel, car sa présence y est totalement indépendante des dispositions personnelles des fidèles, qui peuvent y croire ou non, y penser intensément ou non sans que ça change le fait qu’il soit là, un peu comme il est indifférent à l’existence réelle du soleil ou de la lune qu’il y ait des hommes pour y croire. Jésus est substantiellement présent sur l’autel, non pas seulement à la manière dont le radiateur dans l’appartement du voisin d’en-dessous se manifeste jusqu’à chez moi par la douce chaleur qu’il répand, mais en personne, selon ce qu’il a de plus vrai, de plus intime.
L’Eucharistie est donc un miracle, ou plutôt un prodige. Car le miracle excède les capacités humaines et défie les lois de la nature, mais avec une dimension d’imprévisibilité et d’inattendu. Le prodige a les mêmes caractéristiques que le miracle, mais il peut être prévu et attendu, et c’est le cas de l’eucharistie : si le prêtre fait ce que l’Église lui demande en célébrant la Messe, Jésus se rend à coup sûr présent sous les espèces du pain et du vin consacrés.
Dans chaque être — humain, animal, végétal, minéral, etc. —, on peut distinguer deux niveaux. Il y a ce que tel être est au plus profond, son identité intime, ce qu’il a d’unique, et qui demeure en dépit des changements : c’est la substance.
L’Église parle de « transsubstantiation » pour décrire ce qui se passe à la messe. Il ne faut pas avoir peur du mot, qu’on peut comprendre sans peine. Dans chaque être — humain, animal, végétal, minéral, etc. —, on peut distinguer deux niveaux. Il y a ce que tel être est au plus profond, son identité intime, ce qu’il a d’unique, et qui demeure en dépit des changements : c’est la substance. Il y a ensuite ce qui caractérise cet être à un niveau plus superficiel, son apparence extérieure, qui affecte son identité à la marge mais ne la change pas dans ce qu’elle a de plus profond : ce sont les accidents. C’est ainsi que Gontran peut être observé du point de vue de sa substance ou de ses accidents. La science nous apprend qu’entre la naissance de Gontran et son arrivée à l’âge adulte, l’intégralité des cellules qui composent le corps de Gontran a été remplacée plusieurs fois. De plus, Gontran est passé du stade de bébé mignon incapable de parler au stade de solide gaillard poilu et spécialiste en ingénierie financière, et il a troqué ses cheveux blonds pour une teinture violette du plus bel effet. Pourtant, c’est bien l’unique, vrai et même Gontran qui subsiste, dans sa personnalité profonde et son identité intime, à travers tous ces changements. La substance demeure, alors que les accidents ont changé.
Or à la messe se produit ce phénomène unique et proprement prodigieux, qui inverse le cours des choses : les accidents demeurent, mais la substance change. Les accidents demeurent, car les apparences du pain et du vin sont toujours là, et même avec une telle consistance que celui qui mange le Corps du Christ peut en être physiquement rassasié, et celui qui boit du Sang du Christ à l’excès – en terminant les calices – peut se trouver saoul. Mais la substance a changé, puisque c’est vraiment, réellement, substantiellement, le Corps et le Sang du Christ, toute la personne du Christ, qui se trouve désormais présent sous les apparences du pain et du vin. Et c’est ainsi que nous mangeons et buvons réellement le Corps et le Sang du Christ.
Mais l’eucharistie n’est pas un prodige à regarder en spectateur. C’est une union nuptiale qu’il s’agit de consommer, dans tous les sens du terme. Et alors se produit un nouveau prodige que saint Augustin synthétise génialement :
Et c’est doublement vrai. Non seulement chaque baptisé devient spirituellement ce qu’il a reçu dans la communion, c’est-à-dire le Christ lui-même. Mais encore l’assemblée de ceux qui ont communié devient le Corps mystique du Christ, c’est-à-dire l’Église unie à son Seigneur. En s’unissant personnellement au Christ dans l’eucharistie, les baptisés s’unissent les uns aux autres et forment ensemble avec Lui le Christ-Total. L’eucharistie ne s’achève que lorsque l’Église y est constituée dans et par l’amour. Et c’est ainsi que l’eucharistie est un avant-goût du Ciel, le Royaume déjà advenu sur la terre.