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On connaît les Mays de Notre-Dame, ces grands tableaux offerts chaque année à la cathédrale Notre-Dame de Paris par la corporation des orfèvres de Paris en l’honneur de la Vierge Marie. On connaît moins les Puys de Notre-Dame, ces tableaux également réalisés en l’honneur de la Vierge Marie mais destinés à orner la cathédrale d’Amiens. Pourtant la confrérie d’Amiens est beaucoup plus ancienne ! C’est en effet en 1388 que la confrérie du Puy de Notre-Dame fait son apparition avec pour objectif de glorifier la Vierge Marie par des jeux poétiques.
Rassemblant des notables amiénois, clercs ou laïcs, cette association littéraire pieuse offrait à chacune des fêtes mariales des repas au cours desquels étaient organisés des concours de poésie. Le nom de "Puy" provient justement de ces concours car les poésies étaient récitées sur un podium appelé "puy" en français médiéval.
La principale fête célébrée par la confrérie se tenait tous les 2 février en l’honneur de la Purification de la Vierge. À cette occasion, le maître du concours, qui était élu chaque année, imposait un thème aux concouristes sous la forme d’une "devise". Ces derniers devaient alors réciter un "chant royal", une forme poétique très à la mode, sur le thème imposé en l’honneur de la Vierge. À l’issue de la joute oratoire, le grand gagnant était couronné et porté en triomphe. Un grand banquet réunissant tous les membres de la confrérie s'ensuivait.
À ce concours de poésie s’ajoute, à partir de 1452 et jusqu’en 1693, une obligation imposée aux maîtres : celle de commander un tableau en l’honneur de la Vierge Marie inspiré du thème imposé et destiné à orner la cathédrale d’Amiens. L’artiste devait ainsi traduire par l’image les allégories complexes imaginées en poésie. L'œuvre était ensuite exposée dans la cathédrale le soir de Noël, et ce durant un an, avant que le prochain tableau ne le remplace.
On évalue aujourd’hui entre 200 et 250 le nombre de tableaux produits durant presque deux cent ans. Œuvres de dévotion autant que prouesses artistiques, certains étaient d’une richesse exceptionnelle, comme en témoignent les grands cadres de chênes sculptés qui entouraient certaines toiles. Si les trois-quart des Puys ont aujourd’hui disparu, quelques témoignages très anciens, réalisés au début du XVe siècle, nous permettent d’apprécier l’évolution des ces chefs-d'œuvres sur plusieurs siècles.
Visuellement, les Puys d’Amiens partagent au début des caractéristiques communes avant de fortement évoluer au fil des modes. La partie inférieure est généralement destinée à représenter le commanditaire en prière entouré de sa famille ou des membres de la confrérie. Au-dessus, le spectateur pénètre dans la partie céleste destinée à la Vierge Marie, figure centrale que l’on retrouve dans tous les tableaux. Autour d’elle, les compositions, plus ou moins savantes, reflètent les poésies, bien sûr, mais aussi parfois le contexte religieux et politique de l’époque. Il n’est pas rare de voir ainsi évoquer, en arrière plan, les guerres de religions ou encore les révoltes de la Ligue catholique.
Si la majeure partie des Puys parvenus jusqu’à nous est aujourd’hui conservée au Musée de Picardie, la cathédrale renferme toujours quelques spécimens remarquables. Notamment une dizaine de tableaux dont les éléments décoratifs sont l'œuvre du grand sculpteur Nicolas Blasset, membre de la confrérie à partir de 1625. Depuis le XVe siècle, les statuts de la confrérie exigeaient que tous les Puys soient conservés dans la cathédrale. Au fil du temps, les piliers sont si envahis de peintures qu’en 1723 les chanoines décident qu’il est temps de vider la cathédrale pour faire de la place ! Une partie des Puys est ainsi envoyée dans différentes églises du diocèse. Quelqu’uns, jugés de meilleure qualité, sont conservés dans la cathédrale mais déplacés dans une chapelle à l’écart.
Aujourd’hui, seul une trentaine de Puys d'Amiens a été identifiée et conservée sur les centaines qui ont été produits depuis le XIVe siècle. 21 sont conservés dans des grands musées français dont dix-huit au musée national de Picardie, un au musée du Louvre et deux au musée de Cluny à Paris. Dans la cathédrale d'Amiens, onze Puys ont été conservés. À Versailles, l'église Notre-Dame est l'une des rares églises de France à en posséder un. Si beaucoup ont disparu au cours de la Révolution, d'autres Puys se cachent certainement dans d'autres églises ou même dans des collections privées sans qu'il soit possible, à l'heure actuelle, de pouvoir les identifier.
Exposition : Les Puys d'Amiens, chefs-d'œuvre de la cathédrale Notre-Dame, jusqu'au 10 octobre 2021, musée de Picardie.
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