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Plusieurs dizaines de millions de filles n’ont pas vu le jour en Inde. D’après une récente étude publiée dans The Lancet Global Health, le problème ne fait que s’aggraver. Selon cette étude, au cours des dix dernières années le nombre de « filles manquantes » en Inde a augmenté de 60 % par rapport aux décennies précédentes. La préférence pour les garçons est fortement ancrée dans la culture indienne. Elle s’est longtemps traduite par l’infanticide néonatal féminin. Si celui-ci disparaît doucement, il tend malheureusement à être remplacé par une banalisation de l’avortement des filles. En 1994, pourtant, la loi sur les techniques de diagnostic préconceptionnel et prénatal (PNDT Act) a formellement interdit la sélection du sexe. Mais cette loi n'a eu que peu d'impact. La médicalisation croissante de la grossesse, et le recours systématique aux échographies ont immédiatement été détournés pour faciliter la sélection garçon-fille trop ancrée dans les mœurs indiennes.
L’étude publiée dans The Lancet se penche sur la proportion homme-femme en Inde, qui ne cesse d’augmenter depuis 1987. Le ratio naturel se situe aux alentours de 950 filles pour 1000 garçons. En trois décennies (entre 1987 et 2016), les chercheurs ont constaté qu’il manquait 13,5 millions de naissances de filles : 3,5 millions entre 1987 et 1996, 4,5 millions entre 1997 et 2006 et 5,5 millions entre 2007 et 2016, une augmentation de 60 %.
La planification à tout prix de la naissance d’un enfant désiré passe progressivement à la recherche calculée d’un enfant parfaitement conforme au désir de ses parents.
Plusieurs facteurs influencent ces fœticides féminins, analysent les chercheurs. Tout d’abord, plus les familles sont riches et instruites, plus elles ont accès à des tests prénataux de plus en plus précis, et ont recours à l’avortement sélectif. Ensuite, certaines régions, comme le Pendjab, l’Haryana, le Gujarat et le Rajasthan affichent des sex-ratios particulièrement déséquilibrés, la pression sur les familles y étant plus forte. Enfin, et c’est sans doute le facteur le plus déterminant, la place dans la fratrie et le sexe des premiers enfants joue un rôle capital : en 2016, parmi les enfants nés en deuxième position après une fille, le sex-ratio n’était que de 885 pour 1000 (930 en 1981), et parmi ceux nés en troisième position après deux filles, il était de 788 pour 1000 (968 en 1981).
Que faire, si les lois, peu appliquées, ne suffisent pas à endiguer le problème ? En 2019 l’Assemblée générales des Nations-unies a condamné la sélection prénatale en fonction du sexe comme « néfaste », la jugeant directement liée à l’augmentation du trafic humain et de la violence envers les femmes. « En Inde et dans le monde entier, d'innombrables filles continuent d'être victimes de violences et de discriminations fatales avant même d'avoir la chance de naître, explique Giorgio Mazzoli, juriste de l'ONU pour ADF International (Alliance Defending Freedom). Quiconque croit que les femmes et les filles ont la même valeur et le même intérêt que les hommes et les garçons ne peut fermer les yeux sur ce qui se passe aujourd'hui. » Cette organisation a lancé une grande campagne de sensibilisation en Inde, intitulée Vanishing girls. L’objectif est de former des avocats locaux, de plaider pour la mise en œuvre de protections juridiques, d’influencer les perceptions culturelles, et enfin d’offrir un soutien aux femmes qui résistent à la pression d’avorter d’une fille. ADF a également appelé les Nations-unies à reconnaître officiellement la sélection prénatale parmi les actes de féminicides.
L’avortement sélectif des filles choque le monde occidental, la planification familiale, elle, n’est nullement remise en cause. Mais est-ce que le contrôle des naissances ne glisserait-il pas immanquablement vers l’eugénisme ? La planification à tout prix de la naissance d’un enfant désiré passe progressivement à la recherche calculée d’un enfant parfaitement conforme au désir de ses parents. Cela provoque une intrusion croissante de la médecine dans la réalisation du « projet parental ». Et c’est le diagnostic prénatal, qui ne sert pas à soigner mais à identifier les fœtus non conformes au projet parental, qui vient définir quelle vie future vaut la peine d’être vécue. Pas de maladies génétiques pour certains, pas de filles pour d’autres… La dérive eugénique semble bien là.
Pour en savoir plus : Gènéthique.