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Alexandre Khmelnitsky, journaliste soviétique devenu artisan de l’œcuménisme

Père Alexandre Khmelnitsky

Le père Alexandre Khmelnitsky/.

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Denis Lensel - publié le 02/06/21
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Avec le rappel à Dieu du père Alexandre Khmelnitsky le 9 mai dernier, c’est une page de l’histoire des chrétiens de Moscou qui se tourne après l’aventure œcuménique de la revue "Istina i Jizn - Vérité et Vie" que ce converti de l’ex-URSS a fondée en 1990 et a fait vivre pendant vingt ans.

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Alexandre Khmelnitsky est né en 1942 dans une famille d’intellectuels soviétiques, d’un père scientifique juif. Dans le contexte de l’athéisme, il étudie les langues, de l’Inde à Moscou, puis supervise les traductions de Marx et Lénine en dialecte indien. En 1979, il rencontre des croyants formés à l’école du père Alexandre Men : ce prêtre orthodoxe russe fut un pédagogue extraordinaire de la foi chrétienne pour une génération de Moscovites, jusqu’à son assassinat en 1990. Khmelnitsky traduit alors en russe un catéchisme anglophone, et se nourrit d’ouvrages de spiritualité.

En 1980, il est baptisé clandestinement dans l’Église catholique. Après avoir rencontré une vieille dominicaine russe rescapée de la persécution, il est invité en 1988 par des dominicains polonais à faire son noviciat à Cracovie puis à Poznan. Devenu prêtre à 47 ans, rentré en Russie, il célèbre la messe dans l’appartement d’une amie traductrice, Natalia Trauberg : responsable d’une petite communauté chrétienne de Moscou qui regroupe artistes et intellectuels, elle est la veuve d’un collaborateur du célèbre cinéaste Eisenstein. Au printemps 1989, le père Khmelnitsky rencontre le cardinal Lustiger lors de son voyage en Russie. L’été 1990, responsable de la paroisse Notre-Dame de Fatima, il fonde un club ouvert aux incroyants comme aux croyants, « Dialogue spirituel », dans les locaux de l’usine « Marteau et faucille » où le père Men vient parler à une assistance captivée.

D’un simple fascicule, le père Khmelnitsky fait une « revue mensuelle chrétienne » de 64 pages diffusée à 2.500 exemplaires à travers l’ex-URSS. Ce bulletin de formation religieuse, d’abord destiné au public catholique, devient une publication œcuménique d’un niveau culturel et spirituel élevé. Vérité et Vie s’adresse aussi bien à des orthodoxes, à des protestants qu’à des catholiques. Le nouveau dominicain a pour but déclaré de favoriser une meilleure connaissance réciproque des héritiers des traditions chrétiennes d’Orient et d’Occident : il veut permettre « une découverte mutuelle » aux diverses confessions juxtaposées sans communication dans la Russie postsoviétique.

La revue initie aussi ses lecteurs aux sources du christianisme du premier millénaire, où le père Khmelnitsky voyait un puissant trait d’union entre toutes les confessions.

La revue initie aussi ses lecteurs aux sources du christianisme du premier millénaire, où le père Khmelnitsky voyait un puissant trait d’union entre toutes les confessions. Ce prêtre entrepreneur crée aussi une petite imprimerie qui éditera plusieurs ouvrages religieux : il publie la deuxième édition en russe du Catéchisme de l’Église catholique.

Il parvient à attirer des collaborateurs aux origines et aux compétences variées, théologiens, philosophes, exégètes, écrivains, historiens de l’art ou de la littérature. Parmi eux, plusieurs signatures de renom : une femme de lettres connue en Russie pour son talent et son courage, Zoïa Krakhmalnikova, chassée de l’université après son baptême en 1971 et passée par un an de prison et cinq ans de relégation en Asie centrale dans les années quatre-vingt pour avoir publié un journal chrétien clandestin… Le théologien orthodoxe Vladimir Ziélinsky, lui aussi un converti, et un prêtre de la grande paroisse moscovite Côme et Damien, spécialiste des langues anciennes, le père Georges Tchistiakov, qui publie régulièrement un commentaire de la Bible. Mais l’équipe du père Khmelnitsky subit deux pertes cruelles : en 2008, la mort de Zoïa Krakhmalnikova après celle du père Tchistiakov, emporté l’année précédente par un cancer.

Vérité et Vie évoque les grandes figures des « deux poumons de l’Église », Orient et Occident. Du côté russe, Soloviev, le penseur de l’unité des chrétiens ; Serge Averintsev, écrivain, philologue et professeur à l’Université de Moscou, hardi pédagogue de la foi qui réussit à publier des articles de culture religieuse dans l’Encyclopédie soviétique dès les années soixante ; Alexandre Ogorodnikov et les autres pionniers du renouveau chrétien des années soixante-dix ; le cinéaste Andréi Tarkovski, auteur du film Andréi Roublev, un chef-d’œuvre qui fut, dès 1965, un signe avant-coureur de ce réveil chrétien. Et les acteurs du film de 2006 l’Île, évocation d’un destin monastique singulier.

Du côté occidental, Chesterton, Charles de Foucauld, le pasteur Dietrich Bonhoeffer, martyr de la résistance chrétienne au nazisme, Bernanos, le roi Baudouin, et Jean Paul II à l’heure des JMJ. Le père Khmelnitsky a rarement de quoi assurer le financement du numéro en cours. En France, une association du même nom que la revue, « Vérité et Vie », s’était constituée pour soutenir cette initiative ecclésiale d’une audace et d’une qualité exceptionnelles.

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