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Le conseil le plus important d’Amoris Laetitia ? Prendre soin de son couple

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La rédaction d'Aleteia - publié le 01/06/21
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L’année “Amoris lætitia” encourage l’évangélisation des couples mariés de multiples manières, et notamment en apprenant à « prendre soin » de son propre couple.

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Dans le cadre de l’année Amoris lætitia, le pape François a proposé aux diocèses, aux paroisses et aux mouvements de renforcer la pastorale de l'accompagnement des époux par des rencontres et des moments de spiritualité et de prière qui leur soient consacrés. Pour bien prendre conscience du don et de la grâce du sacrement de mariage, mais aussi pour affronter les petites et grandes épreuves de la vie lorsqu’elles se présentent, l’accompagnement humain, fraternel et spirituel est une expérience qu’ont vécu Alex et Maud Lauriot-Prévost, délégués épiscopaux de la Nouvelle Évangélisation pour le diocèse d’Avignon et fondateurs de la Communion Priscille et Aquila.

Aleteia : Au regard de votre engagement missionnaire avec et auprès des couples, comment accueillez-vous cette année « Amoris lætitia » décidée par le pape François ?
Alex Lauriot-Prévost : Lors de sa parution, Amoris lætitia a été une très grande grâce pour nous deux ; y revenir cinq ans après est une nouvelle et belle grâce. De nombreux passages de cette exhortation nous ont tout d’abord confortés dans notre appel de couple dans l’évangélisation : vivre, faire vivre et annoncer le kérygme [la proclamation de la foi en Jésus-Christ, Ndlr] appliqué au couple, mobiliser les couples en tant que couple dans la mission, donner la priorité missionnaire aux jeunes, à ceux qui se préparent au mariage ou vivent ensemble sans être mariés, aux couples blessés, en souffrance voire en danger. 

Maud Lauriot-Prévost : Amoris lætitia nous a aussi bousculé, aiguillonné  au plan de l’état d’esprit et de la manière d’être missionnaire de manière pertinente : prioriser le témoignage de l’expérience de la foi dans le couple, bannir des approches trop théoriques et désincarnées, donner plus de substance existentielle à notre prédication, se faire plus proche, chaleureux, bon et miséricordieux, tenter d’acquérir un discernement plus aiguisé et aimant sur la complexité des situations conjugales et familiales douloureuses, être plus créatifs au plan de la mission, savoir notamment utiliser davantage les réseaux sociaux et diverses plateformes… La liste serait trop longue ! 

Au regard d’Amoris lætitia et de votre expérience, existe-t-il aujourd’hui certains écueils en termes de pastorale conjugale ? Comment trouver la voie juste ?
M. L-P : Le pape François nous aide à nous prémunir de deux écueils majeurs en matière de pastorale conjugale : soit — sous prétexte de vérité — avoir une approche surtout intellectuelle, voire élitiste, pieuse et moralisante qui vise à cocher certaines cases, ce qui au final est assez pharisien, repoussoir au niveau missionnaire et peu porteur d’espérance ; soit — sous prétexte de miséricorde — avoir une approche démagogique par crainte de culpabiliser, quitte à remettre en cause la cohérence de la foi chrétienne, ou faire preuve de relativisme en omettant l’exigence de conversion et d’évangélisation liée à la foi. 

A. L-P : À l’exemple de Jésus devant la femme adultère, François propose la véritable attitude évangélique, celle où « amour et vérité s’embrassent » comme dit le psaume : Jésus n’a pas condamné cette femme, il ne l’a pas prise de haut, méprisée ou culpabilisée, il ne l’a pas réduite à sa faute mais il a pris soin d’elle, il l’a écoutée avec délicatesse, il l’a encouragée à repartir de l’avant, et en cela il l’a aimée, il l’a respectée. Jésus n’a pas non plus justifié son péché, minimisé sa gravité (ou même induit que son péché n’était plus un comme on l’observe parfois aujourd’hui). Il l’a clairement invitée à la conversion : “Va et ne pèche plus !” Avec exigence et bonté, Jésus l’a conduit sur un vrai chemin de libération.

Pour aider les couples à vivre un tel chemin à partir de leur « vraie vie » et de leurs difficultés, n’y a-t-il pas un besoin accru d’accompagnement des couples dans l’Église ?
A. L-P : C’est évident, et d’ailleurs bien des possibilités existent déjà, même si elles ne sont pas assez connues et surtout répandues dans nos diocèses : nous pensons par exemple aux conseils conjugaux ou aux Maisons de la famille, mais peut être que leur image, en partie erronée, est que ces services sont surtout adaptés aux couples à « problème », à la résolution de conflits conjugaux ou familiaux. Or, en tant que couple et qui que nous soyons, nous avons tous besoin d’être accompagnés humainement, fraternellement et spirituellement : au travers d’échanges personnels autour de ce que nous vivons, nous avons chacun besoin qu’au nom du Christ, un prêtre ou un couple prenne soin de nous et de nos difficultés… et que l’Esprit-Saint vienne ainsi nous éclairer, nous fasse grandir. Un grand ami missionnaire italien avait une formule très parlante : « L’évangélisation et la conversion portent un fruit concret quand elles passent par un vrai corps-à-corps, un échange régulier, personnel et en profondeur avec un ainé dans la foi. » Ce qui est vrai pour une personne est aussi vrai pour un couple.

M.  L-P : L’accompagnement spirituel en particulier est indispensable à la croissance, au déploiement et à la conversion de l’amour conjugal. Il est donc nécessaire que se développe bien plus dans nos paroisses ou nos mouvements ce service de l’accompagnement des couples, comme il s’est répandu et quasi généralisé pour les consacrés ou les prêtres. Ce qui est la norme pour eux, est pourtant l’exception pour les mariés, même si tel ou tel époux peut avoir un accompagnateur personnel : pourtant, si le mariage est une vocation, une réponse à l’appel de Dieu, un chemin de sainteté à deux, il est aussi chemin de sanctification et donc de conversion… à deux.

L’accompagnement spirituel est indispensable à la croissance, au déploiement et à la conversion de l’amour conjugal.

Notre chemin conjugal est loin d’être constamment un parterre de fleurs, il existe bien des épines voire des ronces : notre chemin doit être éclairé, discerné, clarifié, voir nettoyé avec l’aide d’un tiers, par un aîné formé à cette fin, qui prend le temps de nous écouter chacun et ensemble, de nous partager ce qu’il perçoit de notre cheminement, de nos questions, et de jouer un rôle de « miroir ». En couple, nous avons toujours été accompagnés par un prêtre, et, depuis dix ans, chaque année un couple prend soin de nous écouter et d’échanger avec nous sur notre chemin, le bilan de l’année et les perspectives pour la prochaine. C’est d’une richesse incomparable, et cet accompagnement doit pouvoir se développer, se « démocratiser » dans l’Église.

Une des recommandations du pape pour cette année Amoris lætitia est de « prendre soin des couples ».
M.  L-P : Malgré le déficit d’accompagnement évoqué plus haut, nous sommes frappés de constater que ces dernières années, l’Église (et les laïcs notamment) ont fait preuve d’une immense créativité en la matière, et dans toute une palette de domaines — conjugalité, parentalité, sexualité, famille, identité homme et femme — et sous de multiples formes — veillées, conférences, parcours, livres ou livrets, vidéos, consultations, lieux de rencontre et d’échange… — et avec des degrés d’intégration ou d’explicitation de la foi qui va du plus incarné ou profane au plus spirituel.

A.  L-P : Une des questions majeures qui se pose selon nous n’est pas tant le « quoi » mais le « comment » : pour beaucoup de familles, le temps presse et la disponibilité est réduite pour prendre vraiment du temps pour son couple, car on pare souvent au plus pressé. Quand on doit faire garder les enfants ou prendre une baby-sitter, c’est souvent compliqué, voire coûteux ; et, quand tous les deux travaillent, quitter encore les enfants n’est pas évident. Or, ce que cette période de Covid nous a appris, c’est que beaucoup de formations, parcours, réunions, partages peuvent se faire par le web ou en téléréunion le soir de chez soi, particulièrement pour des personnes qui ne fréquentent pas ou peu la paroisse et les chrétiens. Bien sûr, des rencontres de visu sont indispensables — notamment pour faire connaissance, sur le plan fraternel et spirituel — mais un équilibre est à trouver dans la durée. Il nous faut aussi être inventif à ce niveau-là.

Propos recueillis par Philippe de Saint-Germain.

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