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Camille de Soyecourt, l’intrépide carmélite de la Révolution

DEMOLITION DE L'EGLISE SAINT BARTHELEMY

L'église paroissiale Saint-Barthélemy, située sur l'île de la Cité, a été bâtie au Ve siècle. En 1138, elle est devenue paroisse royale. Elle a été vendue en 1791 et détruite pendant la Révolution française. Illustration : "Démolition de l'église Saint-Barthelemy, sur l’île de la Cité" par Pierre-Antoine Demachy, 1791, musée Carnavalet, Paris.

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Thérèse Puppinck - publié le 10/05/21
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La vie de la vénérable Camille de Soyecourt fut, à vue humaine, un véritable paradoxe. Carmélite, elle mena pendant plusieurs années une vie périlleuse, loin de tout monastère, presque entièrement livrée à elle-même. Puis, alors que sa situation religieuse semblait se normaliser, elle hérita – elle, la carmélite ayant fait vœu de pauvreté – d’une immense fortune. Retour sur une vie hors du commun.

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Malgré l’opposition formelle de ses parents, la jeune Camille de Soyecourt rentre au Carmel à Paris, rue de Grenelle, en 1784, à l’âge de 25 ans. Les premières années sont particulièrement éprouvantes pour elle : issue d’une famille noble très aisée, elle n’est pas préparée à l’austérité et à l’inconfort matériel du couvent ainsi qu’à la rigueur des tâches domestiques. Malgré ces difficultés, sœur Camille devient une religieuse exemplaire, à la spiritualité féconde.

Les années de paix au sein du monastère sont de courte durée. En 1790, l’Assemblée Nationale décrète la suppression des vœux et des ordres monastiques. Le climat devient de plus en plus oppressant à Paris pour les maisons religieuses, jusqu’au massacre des carmes au début du mois de septembre 1792. Le 11 septembre, sur ordre de l’Assemblée, les religieuses de la rue de Grenelle sont expulsées ; leur couvent est envahi et pillé par la population. Heureusement la prieure, Mère Nathalie, avait prévu et organisé une solution de repli pour les 31 carmélites. Vêtues d’habits civils, les sœurs se répartissent par petits groupes dans des logements dispersés où elles espèrent vivre incognito.

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Malgré la proposition de ses parents de revenir au domaine familial, Sœur Camille se rend avec trois compagnes dans la petite maison qui leur a été dévolue rue Mouffetard. Elles perpétuent l’esprit du carmel en continuant de vivre selon la règle, notamment par la récitation des offices. Elles reçoivent aussi clandestinement des prêtres réfractaires pour célébrer la messe. Malgré les précautions prises, elles sont rapidement repérées par des gardes révolutionnaires qui tentent de les surprendre en pleine messe, en vain, car le prêtre n’a pu se déplacer ce jour-là. Cependant, les quatre carmélites sont arrêtées et envoyées à la prison pour femmes. Situation terrible pour ces religieuses à qui il faut affecter un dortoir spécial afin de les soustraire à l’agressivité de leurs codétenues. Même dans cet endroit sordide, les sœurs organisent leur vie selon la règle de sainte Thérèse : les offices rythment la journée, les pénitences sont acceptées dans la joie. L’aumône peut également s’exercer en partageant avec certaines détenues les vivres que les parents de Camille lui font parvenir.

Au bout de quelques semaines, les carmélites sont libérées car le tribunal n’a pu retenir aucune charge précise contre elles. Sœur Camille se réfugie cette fois-ci chez ses parents, dans leur hôtel particulier parisien. Les retrouvailles sont de courtes durées car sa famille est à son tour arrêtée. Restée libre, Camille est obligée de s’enfuir, elle ne peut retrouver ses sœurs carmélites car son nom est une menace pour tous ceux qui la côtoient. Commence alors une période d’extrême misère. Elle se retrouve totalement isolée, obligée de se cacher et de mendier pour survivre. Ayant appris sa détresse, une sœur converse du couvent de la rue de Grenelle vient se joindre à elle. Logées dans une maisonnette abandonnée, elles peuvent, à deux, faire revivre la règle carmélitaine. Avec hardiesse, sœur Camille aménage une chapelle dans leur logement et accueille des prêtres et des évêques réfractaires. Un signe convenu, à l’extérieur de la maison, prévient les fidèles dès qu’une messe est célébrée.

La fin de la Terreur marque un ralentissement des persécutions. En 1795, sœur Camille loue une maison où elle reconstitue un petit couvent improvisé. Elle recueille de nombreuses religieuses sortant de prisons, et héberge aussi des prêtres en situation de détresse. Mère Nathalie et plusieurs carmélites la rejoignent. La petite communauté revient à une vie presque régulière grâce à l’énergie indomptable de sœur Camille qui sait toujours, partout où elle s’installe, insuffler l’esprit du carmel.

Monsieur et Madame de Soyecourt sont morts pendant la Terreur, Camille est donc censée hériter d’une partie de la fortune familiale. Réclamer sa part d’héritage lui semble contraire à son vœu de pauvreté. Cependant, plusieurs amis lui font remarquer combien l’Église de France aurait besoin de cet argent pour la restauration de tant de monastères détruits par la Révolution. L’affaire remonte jusqu’au Pape qui lui donne l’autorisation nécessaire pour hériter.

Camille, devenue entre-temps prieure, met alors toute cette fortune au service de son ordre, et plus largement de l’Église. Elle rachète l’ancien couvent des carmes et refonde un monastère, qui devient le véritable centre névralgique du Carmel de France. Toutes les carmélites dispersées pendant la Révolution se retrouvent sur place, puis mère Camille les renvoie partout en France pour refonder les communautés disparues. En parallèle, elle continue à héberger les prêtres en difficulté, rentrant d’exil ou sortant de prison. Elle remet en service les églises pillées en fournissant notamment le matériel et les vêtements liturgiques. Elle relève ainsi entièrement la paroisse Saint-Sulpice.

Cependant, pendant plusieurs années encore, la situation des ordres religieux n’est pas clarifiée et le couvent de mère Camille n’a pas d’existence officielle. Les religieuses sont donc toujours habillées en civil et vivent constamment sous la menace d’une fermeture administrative, avec dispersion de la communauté. Mais rien n’arrête la Vénérable Camille qui poursuit son action avec une ténacité exceptionnelle jusqu’à sa mort en 1849, à l’âge de 91 ans. Son corps repose dans la crypte de l’ancien couvent des carmes, aujourd’hui l’Institut catholique.

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