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Il remue ciel et terre pour que les familles puissent rendre visite à leurs proches hospitalisés

Laurent Frémont, secrétaire général du collectif Tenir ta main.

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Mathilde de Robien - published on 07/05/21
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Avec la comédienne Stéphanie Bataille, Laurent Frémont, 29 ans, a créé le collectif « Tenir ta main » et engagé plusieurs actions pour améliorer l'accompagnement des malades et des proches des défunts, et inscrire dans la loi un droit de visite aux patients dans tous les établissements de santé. Entretien.

Conseiller en affaires publiques et doctorant en droit, Laurent Frémont se bat à temps plein depuis février dernier afin de sensibiliser l’opinion sur les dérives concernant le droit de visites aux malades et faire évoluer la législation. Un combat initié après une expérience personnelle douloureuse : il n’a pas pu rendre visite ni faire ses derniers adieux à son père hospitalisé durant 17 jours dans une clinique aixoise. Il est aujourd'hui soutenu et écouté non seulement par des responsables politiques de la majorité et de l'opposition mais aussi par des artistes célèbres, comme Louis Chedid, André Dussolier, Catherine Frot ou François-Xavier Demaison, qui prêtent leur voix pour lire des témoignages parmi les 8.000 envoyés au collectif. « Le temps presse, confie-t-il à Aleteia, car tous les jours, je reçois encore des dizaines d’appels de proches bloqués aux portes des EHPAD ou des établissements de santé ». Entretien avec un des artisans d'une pétition signée par plus de 45.000 personnes.

Aleteia : Pourquoi avoir créé ce collectif, « Tenir ta main » ?
Laurent Frémont : J’ai perdu mon père en novembre dernier. Il a été hospitalisé dans une clinique à Aix-en-Provence, et pendant les trois semaines qu’a duré de son hospitalisation, il a été maintenu dans un isolement total. Il a passé les derniers jours de sa vie seul. Il est mort seul. Et nous n’avons même pas pu lui faire nos derniers adieux car le médecin a demandé sa mise en bière immédiate. J’ai d’abord cru que cette situation était un cas isolé mais au bout de quelques mois, je me suis malheureusement rendu compte que depuis plus d’un an, ce genre de situation est assez courant. En janvier, avec le témoignage de Stéphanie Bataille, j’ai pris conscience qu’il s’agissait d’un vrai sujet de société. Un sujet qui soulève notamment un problème juridique : aujourd’hui, les restrictions de visites dans les établissements de santé et les EHPAD dépendent du bon vouloir des directeurs d’établissement. Mais depuis le début de la pandémie, leur pouvoir est devenu arbitraire et cela donne lieu à des situations inhumaines. Nous sommes également témoins de violations de la liberté de conscience et de religion : les personnes qui souhaitent recevoir les derniers sacrements en sont privées, les rites mortuaires ne sont pas respectés. La loi doit pouvoir s'opposer à l'arbitraire des directeurs d'établissement qui ont fermé les portes de leurs services de manière illégale. C’est pourquoi nous avons créé le collectif Tenir ta main le 17 mars dernier, pour les un an du confinement.

Quels sont les missions du collectif ?
Notre but est de remettre l’humain au cœur du système de santé et de la fin de vie. C’est le message de notre chanson « Tenir ta main », chantée par Louis Chedid.

Pour cela, nous cherchons d’abord à sensibiliser l’opinion et les pouvoirs publics. Nous avons déjà récolté plus de 8.000 témoignages de personnes ayant vécu la même situation. Certains témoignages sont lus par des acteurs qui nous soutiennent, porte-paroles des sans voix, comme Catherine Frot, André Dussolier, Lambert Wilson, François-Xavier Demaison…

Nous œuvrons aussi pour faire évoluer la législation sur le droit de visite et la fin de vie, pour que les personnes puissent être accompagnées jusqu’au bout et mourir dans des conditions dignes. Enfin, nous apportons un soutien psychologique, juridique et spirituel aux proches. Nous voulons faire reconnaître un droit opposable aux visites des patients. Nous avons inauguré dernièrement un mémorial pour les victimes du Covid-19 à l’église Saint-Sulpice. Un lieu de recueillement et de rassemblement pour les proches des disparus ou les visiteurs, croyants ou non, qui souhaitent se recueillir, déposer des photos, des fleurs, des bougies…

Qu’attendez-vous ou tout du moins qu’espérez-vous de la part du gouvernement ?
Concernant déjà le volet parlementaire, notre proposition de loi a été reprise par Bruno Retailleau. J’ai été auditionné il y a quelques jours par la commission des affaires sociales du Sénat. Concernant l’Assemblée nationale, nous sommes en discussion avec des députés pour déposer la même loi. Du coté des ministères, nous avons été reçus par la conseillère santé d’Emmanuel Macron, par Marlène Schiappa, par le ministre délégué en charge de l'Autonomie Brigitte Bourguignon, et nous rencontrons prochainement le cabinet d’Olivier Véran.

Nous comprenons qu’il puisse y avoir des restrictions, mais il faut que ces restrictions soient justifiées, encadrées, sans quoi cela crée les abus que nous connaissons.

Nous espérons que le gouvernement prenne dès que possible au moins une circulaire au sujet du droit de visites aux patients. Depuis le début de la pandémie, il n’y a jamais eu de textes officiels, contraignants, sur le droit de visites, seulement des recommandations des autorités de santé. Il demeure donc un flou juridique sur cette question. Nous souhaitons que notre proposition de loi s’insère dans le cadre de la loi « grand âge » qui sera examinée à l’automne, afin d’inscrire dans la loi le droit de visites aux patients et aux personnes âgées et que celles-ci se déroulent dans les meilleures conditions possible. Nous comprenons qu’il puisse y avoir des restrictions pour des motifs d’ordre public ou des motifs sanitaires, mais il faut que ces restrictions soient justifiées, encadrées, sans quoi cela crée les abus que nous connaissons.

Avez-vous une idée de la mesure dans laquelle ces abus se sont généralisés ?
Il est compliqué d’avoir des statistiques. Cependant, nous avons récolté 8.000 témoignages dénonçant ce genre d’abus. 45.000 personnes ont signé notre pétition. Et même s’il n’y avait eu qu’un seul cas, cela suffit pour réagir car cela démontre un recul de civilisation. Dans les pires pandémies de l’histoire, les hommes ont toujours respecté leurs mourants et leurs morts. Nous vivons une situation inédite où la dignité des personnes n’est plus assurée, et la liberté de conscience est bafouée.

Nous cherchons à rencontrer le Pape. Nous avons besoin d’entendre une parole forte.

Le défenseur des droits a tiré la sonnette d’alarme, mardi dernier, concernant la situation dans les maisons de retraite, soulignant la recrudescence des atteintes aux droits et libertés des résidents, notamment « leur droit au maintien des liens familiaux », « leur liberté d’aller et venir » et « le respect de leur consentement ». Cela appuie-t-il votre action ?
Nous nous réjouissons de ce rapport, et en appelons aux autorités pour qu’elles en tirent les conséquences. Il faut éviter que ces atteintes ne se reproduisent en dehors du contexte pandémique. On constate en effet que des habitudes se sont installées. Par commodité, des établissements laissent les familles à la porte. Cette crise révèle beaucoup de choses et entre autres, que la société a tendance à abandonner ses anciens et à réduire la médecine à une conception biologique ou technicienne, qui néglige l’aspect social et spirituel de l’homme. Il est important de réaffirmer ce principe du lien avec les proches, d’interroger la société sur son rapport à la vieillesse et à la fin de vie.

C’est exactement dans les préoccupations actuelles du pape François, développées dans le texte « La vieillesse, notre avenir », publié en février par l’Académie pontificale pour la Vie !
Justement, nous cherchons à rencontrer le Pape. Nous avons besoin d’entendre une parole forte. Ce n’est pas possible que des personnes soient privées des derniers sacrements aujourd’hui, que les aumôniers ne puissent pas entrer dans les services. Il nous semble nécessaire qu’il s’exprime à ce sujet.

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