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Xi Jinping n’a pas abandonné le projet de réunification. Après la réintégration de Hong Kong et la fin de fait de la situation « un pays, deux systèmes », Pékin regarde désormais vers Taïwan. Plusieurs forces poussent à une réunification, qui serait une invasion annexion de l’ancienne Formose. Une raison de fierté nationale d’une part : ce serait mettre un terme à la fracture de 1949 et achever l’unification de la Chine. Une raison économique et technologique : Taïwan dispose de nombreuses entreprises très en pointe sur les semi-conducteurs, qui vont être essentiels dans les années à venir, or Pékin ne maîtrise pas cette technologie. Une raison géopolitique enfin : prendre Taïwan, c’est s’assurer le contrôle de la mer de Chine et donc s’imposer, face aux États-Unis et face aux voisins coréens et japonais. Ce triple enjeu explique la persévérance de Pékin.
Avec une certaine forme d’ingénuité, Xi Jiping avait annoncé en 2016 la construction d’un tunnel sous le détroit, afin de relier Taïwan à la ligne de chemin de fer conduisant à Pékin. Le projet avait été intégré dans le plan quinquennal et plusieurs études de viabilité technique avaient été dévoilées. Pour les ingénieurs, rien ne s’opposait à la construction du tunnel, le point d’achoppement étant politique et du côté de Taïpeh. Le développement économique était mis au service de l’annexion politique. Le projet s’est quelque peu dissipé depuis, mais il montre que Pékin a un vrai projet d’annexion et d’aménagement de la zone.
À la place du tunnel, ce sont des navires de guerre que Pékin aligne. En nombre de bateaux, la marine chinoise a dépassé la marine américaine. Même si plusieurs navires sont de conception ancienne, certains ayant été rachetés à la défunte URSS, le nombre pallie la performance. D’autant qu’aujourd'hui, la qualité est également au rendez-vous, que ce soit pour les porte-avions en projet que pour les destroyers. Pékin est en train de devenir une grande puissance maritime, ce qui ne peut qu’inquiéter les États-Unis.
D’autant que les forces chinoises sont concentrées en mer de Chine, quand la flotte américaine est dispersée sur plusieurs mers du monde. En cas d’attaque de Taïwan, les États-Unis ne pourront plus, en l’état actuel de leurs forces, repousser le choc chinois. Même si les Américains aiment se faire peur et ont besoin d’avoir peur et d’avoir un ennemi, la menace est réelle. Entre les tensions en Méditerranée orientale avec la Turquie et celles en mer de Chine autour de Taïwan, le combat naval et l’affrontement en mer redeviennent des enjeux de puissance.
S’il faut montrer ses armes à l’adversaire, il faut aussi se montrer au grand public. Chose rare, le commandant du destroyer américain USS Mustin a posté sur Twitter des photos d’un navire chinois qu’il surveille au large de Taïwan. Dans le détruit de Luzon, au sud de Taïwan, le navire américain suit l’un des deux porte-avions chinois, le Liaoning, le photographie et le fait savoir sur Twitter :
Il ne s’agit pas uniquement de s’exercer, mais de montrer aussi à l’adversaire que la marine américaine est présente et de rassurer Taïwan, la Corée et le Japon sur la sécurité de la pax americana. La guerre de l’information passe désormais par des messages postés sur les réseaux sociaux, ce qui est une nouvelle façon de faire la guerre aujourd'hui.
La France n’est pas en reste, elle qui dispose de l’une des meilleures flottes du monde occidental, certes très loin derrière les États-Unis. La frégate Surcouf et le porte-hélicoptère Tonnerre sont en mission en Indonésie et dans le détroit de Malacca. Il est prévu un passage en mer de Chine méridionale, organisé dans le cadre de la mission Jeanne 2021 qui forme les élèves officiers de la Marine. Le 7 avril dernier, ce sont deux bâtiments de la Marine nationale qui sont rentrés à Toulon après une mission de six mois en mer : le sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Émeraude et le bâtiment de soutien et d’assistance métropolitain (BSAM) Seine. C’est la première fois depuis vingt ans qu’une telle mission était menée dans les mers d’Asie et en Indopacifique, preuve de l’intérêt stratégique retrouvé pour ces mers.
À leur retour, les bâtiments ont été accueillis par l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine, qui a ainsi témoigné de l’importance accordée à la mission. Une mission stratégique qui vise à entraîner la marine française, à occuper le terrain et à assurer les alliés de la capacité d’intervention des Occidentaux. Comme le note le journal Mer et Marine : « Mais il y avait aussi, évidemment, un message politique, dans le sillage de la volonté affichée par la France de défendre la liberté de naviguer sur toutes les mers du globe, notamment en Asie du sud-est, et de se positionner comme un acteur de la stabilité aux côtés de ses grands alliés régionaux. Ce qui a conduit ces dernières années à un renforcement de la présence militaire française en Indopacifique. »
La défense de la libre circulation sur les mers est le principal argument invoqué par les Occidentaux pour contrer l’influence grandissante de la Chine, un argument qui était déjà celui des Américains au début du XXe siècle et qui a justifié leur entrée en guerre dans les deux conflits mondiaux. L’argument de la stabilité régionale est celui du camp occidental qui se voit comme le stabilisateur quand la Chine serait le perturbateur. Côté chinois, c’est exactement l’inverse : Pékin se présente comme le faiseur de paix et le garant de l’ordre et de la stabilité en Asie, quand les Américains sont au contraire les fauteurs de trouble. L’ascension en mer de Chine se joue non seulement sur le terrain militaire et celui de la flotte, mais aussi sur celui de la communication et de la création d’une perception. Il faut se montrer aux autres et il faut montrer aux autres une image respectable, en se présentant comme le faiseur de paix quand l’autre est celui qui apporte le désordre. La guerre n’est pas qu’affaire d’armes, mais aussi de représentation et de perception.