Le diagnostic prénatal, lorsqu’il révèle des anomalies chez le fœtus, conduit le plus souvent à l’avortement. Un médecin s’interroge : le plus petit des patients ne vaut-il pas plus que toutes les statistiques ?
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Dans les colonnes d’USA Today, le dr Christina Francis, gynécologue obstétricien en Floride, témoigne d’un des côtés les plus difficiles de sa profession de médecin : annoncer des mauvaises nouvelles. « En tant que gynécologue obstétricien, dit-elle, il s’agit généralement de dire à une mère que son enfant à naître ne survivra probablement pas. » Pour annoncer ce terrible pronostic, les termes utilisés sont froids, dénués d’humanité : « Anomalie incompatible avec la vie », « anomalie fœtale sévère », « diagnostic prénatal défavorable »… des expressions qui précèdent généralement l’avortement.
Toutefois certaines femmes, « malgré les difficultés et la peine inimaginable auxquelles elles sont confrontées, choisissent de porter leur enfant jusqu’au terme ». Des situations dans lesquelles le dr Christina Francis a trouvé « certaines de ses plus grandes joies en tant que médecin », et l’opportunité d’employer pleinement ses compétences pour accompagner ses patientes, leurs familles, et « faire tout ce qu’elle pouvait pour sauver la vie de son autre patient ».
0% de chances de survie
Au cours de l’année 2013, elle rencontre pour la première fois, « à travers l’écran sombre d’une échographie », celle qui deviendra sa filleule. « L’enfant n’avait que douze semaines. Elle était un petit corps gris avec un rythme cardiaque clignotant et une découverte physique inquiétante en début de grossesse : un hygroma kystique, autrement dit une poche de liquide visible à l’échographie au niveau du cou du bébé, souvent associée à la trisomie 21 ou à une malformation cardiaque. »
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À l’examen suivant, le diagnostic s’aggrave d’une accumulation excessive de liquide amniotique, sous la forme d’un hydrops fetalis. « Le pronostic de cette petite fille était sombre […] moins de 5% de chances de vivre jusqu’à la naissance, et 0% de chances de survie après la naissance ». Un spécialiste lui suggère alors d’avorter, mais « sa mère a pris la seule décision envisageable pour elle : poursuivre sa grossesse et donner à sa fille toutes les chances possibles de vivre ». Contre toute attente, et selon ce que le dr Christina Francis décrit comme un « miracle sur le plan médical », à 24 semaines de grossesse les hydrops avaient disparu. Cette petite fille, Grace, a désormais 8 ans.
Laisser sa chance à chaque enfant
Un épilogue qui lui inspire ces réflexions : « En tant que gynécologue obstétricien qui a personnellement soigné d’innombrables femmes faisant face aux pires des diagnostics pour leurs enfants à naître, je peux dire que nous n’avons jamais une certitude absolue sur les résultats de ces diagnostics. Tout ce que nous avons, ce sont des statistiques. » Or ces chiffres sont « plaqués sur le sort des plus petits des patients, qui malgré leur fragilité et leur taille, méritent tout autant les meilleurs soins médicaux que nous puissions offrir. Qu’ils soient nés ou non, ni leur taille, ni leur handicap ne doivent les empêcher de défier toute attente et de rejoindre les rangs des innombrables miracles médicaux qui maintiennent la profession sur pied, toujours à la recherche de réponses et de meilleurs soins ».
Environ 9% des diagnostics fœtaux défavorables à l’échographie se révèlent erronés, rien que parmi les bébés à qui on laisse une chance de vivre.
Ceci est d’autant plus vrai que, d’après son expérience, notamment en Afrique où le recours à l’avortement est moins systématique, « donner les meilleurs soins aux enfants à naître dont le diagnostic est sombre, au lieu d’une condamnation à mort, conduit à de meilleurs résultats en matière de santé mentale maternelle ». Car « lorsque la mère prend la décision de porter à terme un bébé avec un diagnostic limité sur son espérance de vie, la conversation se reporte sur la relation humaine entre la mère et l’enfant, sur la façon dont ils peuvent passer ce temps particulier ensemble, comment ses proches pourront l’aider à porter le deuil à venir. Au lieu d’en rester à des statistiques catastrophiques, la relation consiste à accompagner la mère et à l’aider à faire de son mieux pour son enfant ».
La médecine fœtale, discipline des humbles
Même si cette tribune d’USA Today démontre que la réalité fait fi des statistiques, le dr Christina Francis souligne quelques chiffres : « Environ 9% des diagnostics fœtaux défavorables à l’échographie se révèlent erronés, rien que parmi les bébés à qui on laisse une chance de vivre. Dans certains cas, selon la méthode, les faux positifs pour les anomalies fœtales peuvent atteindre 50%. » Des marges d’erreur « incroyablement élevées compte tenu des enjeux ». « Combien de fois nous trompons nous encore et qu’avons-nous encore à découvrir qui pourrait sauver encore plus de vies dans le domaine en développement constant de la médecine fœtale ? », interroge-t-elle.
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