Le pape François entame ce vendredi 5 mars son voyage en Irak. Pendant trois jours, il va aller à la rencontre d’un pays durement éprouvé, d’’une communauté chrétienne en souffrance mais aussi d’une société en quête d’espérance.
“Je voudrais vous apporter la caresse affectueuse de toute l’Église, qui est proche de vous et du Moyen-Orient martyrisé”. C’est avec ces mots et son langage tout à la fois chaleureux et universel que le pape François s’est adressé aux Irakiens à quelques heures du début de son voyage en Irak. Il s’est ensuite rendu à la basilique pontificale Sainte-Marie-Majeure de Rome pour prier devant la fameuse icône de la Vierge Salus Populi Romani (Sauvegarde du peuple romain,ndlr). Car en se rendant en Irak du 5 au 8 mars, le pape François réalise un voyage historique et symbolique à plus d’un titre. Au fil des ans, l’idée de ce déplacement était devenue un serpent de mer. Il y a vingt ans, le pape Jean Paul II avait souhaité débuter son pèlerinage jubilaire de l’an 2000 dans la région d’Ur, au sud de Bagdad. Mais pour des raisons sécuritaires et politiques, son vœu n’avait pas pu se réaliser.
Alors lorsque l’annonce officielle est arrivée, une onde de joie, d’allégresse et de fébrilité a traversé l’Irak. C’est peut-être au patriarche des chaldéens, Mgr Sako, que l’on doit le juste mot. “Prophétique”. En se rendant sur cette terre, le successeur de Pierre inscrit ses pas dans ceux d’Abraham, père des croyants, originaire de Ur, mais aussi de Jonas, le prédicateur de Ninive qui n’a cessé d’appeler à la conversion et à la victoire de la paix.
Une communauté chrétienne exsangue
L’enjeu de ce voyage est d’abord de venir consoler une communauté chrétienne exsangue après deux décennies marquées par la peur, la violence et l’humiliation. L’archevêque syriaque catholique de Mossoul et Qaraqosh, Mgr Petros Mouché, perçoit ainsi cette visite comme une “bénédiction” accordée à “une communauté très blessée”. Les violences, les discriminations et la conjoncture économique ont conduit des centaines de milliers d’Irakiens à quitter leur pays. Alors qu’on comptait près d’un million et demi de chrétiens en 2000, ils seraient aujourd’hui moins de 300.000. Certains affirment même qu’il n’en resterait plus que 150.000. Cependant, il existe quelques raisons d’espérer avec le retour de certaines familles chrétiennes. Symbole fort, le pape François va célébrer sa première messe en rite chaldéen samedi 6 mars dans la cathédrale chaldéenne Saint-Joseph de Bagdad.
Le christianisme fait partie intégrante de l’ADN de l’Irak. Outre les racines bibliques de cette terre – Abraham était originaire d’Ur – l’évangélisation de la Mésopotamie, actuelle terre d’Irak, date du 1er siècle après Jésus-Christ. Malgré les souffrances de cette communauté, il est essentiel qu’elle ait une place dans la société irakienne. “Les chrétiens ne sont pas une bulle isolée : leur avenir est lié à celui de tout l’Irak et, répétons-le, une grande partie des Irakiens musulmans souhaite cette évolution”, expliquait sur Aleteia Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’orient. La crédibilité de leur présence dans leur propre pays ne passe pas tant par une sauvegarde confessionnelle, comme s’il fallait préserver des réserves d’indiens, mais par le sens que leur présence a, au service de l’ensemble du pays dans lequel ils se trouvent.
François et al-Sistani partagent des visions et perspectives très proches.
Lors de ce voyage, le souverain pontife va également envoyer un signal fort sur la fraternité humaine. Dans le sillage de sa dernière encyclique Fratelli tutti, il devrait marteler que la paix n’est pas possible sans le respect dû à chaque communauté, à chaque personne. C’est dans ce contexte que s’inscrit samedi 6 mars sa rencontre avec l’une des plus grandes autorités chiites au monde, l’ayatollah al-Sistani. “Il a joué un rôle très important en tant qu’artisan de paix et de négociateur de traités dans les affaires religieuses et politiques après l’invasion américaine en 2003”, détaille ainsi le père Christopher Clohessy, docteur à l’Institut Pontifical d’Études Arabes et d’Islamologie (PISAI). “François et al-Sistani partagent des visions et perspectives très proches. Tous deux veulent dire qu’ils connaissent la valeur de la paix et qu’ils sont prêts à travailler dur pour cela”.
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Si ce voyage s’inscrit dans un contexte sanitaire et sécuritaire incertain, il est incontestablement porteur d’espérance. Le patriarcat de Babylone des Chaldéens a ainsi rédigé une prière pour confier ce déplacement à l’Esprit saint. “Que l’Esprit saint inspire les gestes et les paroles du pape François afin que le cœur de ceux qui le rencontreront et l’écouteront soit rempli de courage et de consolation”, est-il écrit. “Que l’Église en Irak reçoive le réconfort, la lumière et la force afin de ne jamais cesser de tisser des liens de fraternité et de paix.”
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