Alors que le pape François doit se rendre en Irak du 5 au 8 mars prochain Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, revient sur l’enjeu essentiel de la pleine citoyenneté pour les chrétiens d’Irak.Au moment d’écrire ces lignes, nous sommes encore pleins d’incertitudes sur le bon déroulement du voyage du pape François en Irak. Mais nous avons la conviction de son importance. Importance pour les chrétiens d’Irak qui sont ainsi rejoints dans leurs souffrances de ces dernières années et dans la légitimité de leur présence en Irak. Il existe quatre communautés principales, les chaldéens et les syro-catholiques pour les catholiques, et les assyriens et les syro-orthodoxes pour les non-catholiques, ainsi qu’un petit diocèse latin, arménien, et des protestants et des coptes.
Mais, d’emblée, la perspective de ce voyage a été située par le patriarche chaldéen Louis Raphaël Sako, en résidence à Bagdad, dans une perspective plus large. Ce voyage est au service de la population irakienne dans son ensemble, invitée par le patriarche à un renouvellement intérieur personnel et social qu’exprimera la rencontre interreligieuse à Ur, d’où est parti Abraham : les enfants d’Abraham, représentant les trois monothéismes, auront à cœur de s’y retrouver, de redécouvrir ce qui devrait les unir, l’obéissance à la Parole et à l’appel de Dieu.
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L’Irak a souffert depuis de trop longues années : violences contre les kurdes et les chiites, terrible guerre entre l’Irak et l’Iran, qui a fait sans doute un million de morts, les deux interventions des coalitions emmenées par les États-Unis, séparées par une longue période de sanctions économiques, sans doute aussi un million de morts dont 500.000 enfants, l’effondrement de l’État de Saddam Hussein, les horribles exactions de Daech, les incertitudes présentes, les milices trop nombreuses, les difficultés de l’État, la dureté de la vie que la pandémie n’a pas épargnée.
Et pourtant le patriarche Sako n’a pas ménagé sa peine pour faire entendre sa voix, claire et ferme, pour indiquer un chemin d’avancée pour tous les Irakiens. C’est bien au service de toute la population, et en particulier des nouvelles générations que le patriarche s’est engagé, en invitant à un sursaut et à promouvoir une pleine citoyenneté pour tous, quelle que soit l’appartenance religieuse. Il ne s’agit pas d’ignorer le fait religieux mais de donner toute sa place à ce dernier, et cependant ne pas le laisser s’introduire dans les affaires de l’État.
La pleine citoyenneté pour tous est donc le chemin du vivre ensemble en Irak, souhaitée par les chrétiens mais aussi par de nombreux musulmans kurdes ou arabes, sunnites ou chiites. La pleine citoyenneté est le seul chemin pour faire progresser le “vivre ensemble” en Irak. Les chrétiens ne sont pas la seule minorité à y aspirer. La pleine citoyenneté permettra d’éviter la constitution de groupes instrumentalisés par des influences extérieures, occidentales ou non, au profit du seul État irakien. Dans ce combat, les chrétiens peuvent être des acteurs ; leur voix est écoutée. Et ils en seront aussi, avec tous leurs concitoyens irakiens, des bénéficiaires.
La crédibilité de leur présence dans leur propre pays ne passe pas par une sauvegarde confessionnelle, comme s’il fallait préserver des réserves d’indiens.
Nous sommes convaincus, après les drames de ces dernières années, qu’un avenir est possible pour les chrétiens d’Irak, en Irak. Mais les chrétiens ne sont pas une bulle isolée : leur avenir est lié à celui de tout l’Irak et, répétons-le, une grande partie des Irakiens musulmans souhaite cette évolution. La crédibilité de leur présence dans leur propre pays ne passe pas tant par une sauvegarde confessionnelle, comme s’il fallait préserver des réserves d’indiens, mais par le sens que leur présence a, au service de l’ensemble du pays dans lequel ils se trouvent.
Peu après la fin du pouvoir de Daech à Mossoul j’ai reçu de nombreux témoignages de jeunes adultes musulmans témoignant de ce qu’ils avaient souffert de Daech, exprimant leur désir d’un autre avenir, espérant un retour des chrétiens pour avancer sur de nouveaux chemins. D’ailleurs le patriarche Sako s’est rendu très vite à Mossoul. Il a acheminé des vivres pour la population épuisée et affamée par la guerre de libération. J’ai eu la grâce de l’accompagner. Il a visité sa maison familiale, et découvert qu’elle était occupée par une famille musulmane, apeurée, craignant d’être expulsée : le patriarche a su lui donner des paroles d’apaisement et lui dire de rester dans cette maison. Mais pour cette avancée positive de l’Irak il faut que la communauté internationale exprime son respect et sa confiance pour ce pays. Le Saint Père ne peut régler par lui-même les problèmes sécuritaires et économiques de l’Irak ; mais il peut contribuer à renforcer, chez chaque habitant, la fierté d’être irakien. Ainsi et avant tout, les Irakiens ont besoin d’espérance et de confiance, sachant qu’il y aurait tout pour faire du pays une Mésopotamie heureuse.
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