Dotés d’une profonde humilité et d’une foi en Dieu hors du commun, Pierre et Juliette Toussaint, anciens esclaves de la colonie française de Saint-Domingue (Haïti), ont œuvré toute leur vie au profit des plus pauvres, au point qu’à la mort de Pierre, en 1853, la presse new-yorkaise faisait déjà l’éloge de sa sainteté. Plus de 140 ans plus tard, en 1996, il a été reconnu vénérable par saint Jean Paul II.
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Les Américains l’appellent le « pieux coiffeur de Broadway ». En effet, fervent catholique, Pierre Toussaint était connu pour parler de Dieu à ses clientes de la jet set new yorkaise, pendant qu’il les coiffait. Mais il ne se contentait pas de parler. Avec sa jeune femme Juliette (elle avait vingt ans de moins que lui), née Noël (ce qui fait d’eux un couple très attaché aux fêtes catholiques !), ils ont vécu, en acte, la charité, en accueillant les plus pauvres chez eux et en contribuant à la construction de plusieurs établissements de bienfaisance.
Exil et affranchissement
Rien ne laissait présager un tel avenir pour ces deux esclaves de Saint-Domingue, chacun au service d’une riche famille de colons. Mais les troubles révolutionnaires qui agitent l’île à partir d’août 1791 poussent leurs maîtres à fuir la plus riche colonie des Antilles. C’est ainsi que Pierre Toussaint, esclave africain au service d’une famille française nommée Bérard, débarque à New-York en 1797. Quant à Juliette, esclave haïtienne, elle accompagne ses maîtres à Baltimore.
Pierre Toussaint apprend le métier de coiffeur, d’abord en tant qu’apprenti puis progressivement il fidélise une clientèle fortunée qu’il coiffe à domicile. Il est particulièrement apprécié de ces dames pour son talent, sa gentillesse et pour les fleurs fraîches qu’il aimait glisser, en guise de surprise, dans leurs cheveux. A la mort de son maître, c’est lui qui éponge les dettes, prend soin de la maison et apporte son soutien à la veuve qu’il considère comme sa famille. Il confiera ne pas avoir souffert de son statut d’esclave, dans la mesure où cela ne le coupait pas de l’amour de Dieu. Un de ses amis dira de lui plus tard : « Il savait qu’en dépit d’être un esclave, rien ne pouvait lui enlever la dignité que Dieu lui avait donnée. »
Peu de temps avant sa mort, Madame Bérard, en signe de gratitude, lui rend sa liberté. Il a économisé suffisamment pour racheter la liberté de sa sœur, Rosalie, ainsi que celle de Juliette Noël qu’il épouse quelques mois après, le 5 août 1811. Le couple adopte la petite Euphemia, la fille de Rosalie, emportée par la tuberculose, et l’éduque comme leur propre fille. Elle décèdera à son tour à l’âge de 14 ans de la même maladie.
Une vie tournée vers la charité
Même lorsqu’il devient un homme libre et aisé, Pierre Toussaint continue à travailler pour soutenir les plus démunis : « Je n’ai jamais senti que je suis l’esclave d’un homme ou d’une femme, mais je suis un serviteur du Dieu Tout-Puissant qui nous a tous faits. Lorsqu’un de ses enfants est dans le besoin, je suis heureux d’être son esclave », disait-il. C’est cette humilité qui amène le couple à accueillir sous leur propre toit des anciens esclaves, des malades, des sans-abris, des orphelins… Ils se mettent en quatre pour leur trouver des emplois, leur octroyer des prêts. Ils fréquentent sainte Elizabeth Seton, fondatrice d’un orphelinat en 1817, auquel Pierre contribue largement. Pierre et Juliette ont également joué un rôle important dans la fondation, avec les Sœurs Oblates de la Providence, de la première école catholique de New-York pour les enfants noirs. Il investit aussi une partie de ses économies dans la construction d’une nouvelle église, la Old St. Patrick’s Cathedral. Au-delà de contributions financières, il n’hésite pas à escalader les barricades pour se rendre auprès de malades en quarantaine, lors d’une épidémie de fièvre jaune.
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Une anecdote prouve qu’ils ne sont pas en reste pour aider aussi leurs amis blancs : alors qu’un vieux monsieur était ruiné mais trop fier pour accepter l’aide d’un couple noir, Pierre et Juliette cuisinent quelques plats et les déposent discrètement devant son domicile. Quelques jours plus tard, le vieux monsieur se met à vanter devant eux la générosité sans égale de ses amis blancs, « qui avaient sûrement embauché un cuisinier français très coûteux pour lui préparer de si délicieux repas ». Pierre et Juliette hochent simplement la tête, le sourire au coin des lèvres.
Une générosité nourrie par une vie de prière et par l’Eucharistie, – Pierre se rendait à la messe tous les matins, – qui fait d’eux des véritables bâtisseurs de la civilisation de l’amour à laquelle chaque chrétien est appelé. Lors de son voyage apostolique à New-York en avril 2008, le pape Benoît XVI s’était émerveillé devant ces six figures new-yorkaises : sainte Elizabeth Ann Seton, sainte Françoise-Xavière Cabrini, saint Jean Neumann, la bienheureuse Kateri Tekakwitha, le vénérable Pierre Toussaint et le Père Felix Varela. « Face à vous, avait-il déclaré, il y a les images de six hommes et femmes ordinaires, qui ont grandi et qui ont mené des vies extraordinaires. L’Eglise les honore en tant que vénérables, bienheureux ou saints : chacun a répondu à l’appel du Seigneur à une vie de charité et chacun l’a servi ici, dans les avenues, les rues, et les banlieues de New York. »
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