Dans un amalgame historique douteux, l’ancien président de l’Assemblée nationale défend le projet de loi « séparatisme » en opposant toutes les religions à la République émancipatrice.
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Samedi 23 janvier, le député François de Rugy, président de la commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée d’examiner le projet de loi sur le respect des principes de la République, s’est exprimé en commission à propos du projet de loi sur les principes républicains et la lutte contre les séparatismes : « Ce n’est pas nouveau que les religions veuillent prendre la main sur la vie des gens à travers l’école, les clubs sportifs, tout un tas d’organisations. Ça a existé à d’autres époques, en France massivement avec la religion catholique. On pouvait dire, c’est du berceau à la tombe. Et la République a aussi l’idée, non pas de s’occuper des citoyens du berceau à la tombe, mais d’offrir d’autres possibilités de s’émanciper. L’école est évidemment un pilier fondamental ; l’école, en tant que pilier de la République, pour transmettre les valeurs de la République et pour permettre aux citoyens de s’émanciper. »
Un parallèle éminemment contestable
Il est vrai que dans la doctrine politique des Frères musulmans, la conquête des esprits et des mœurs au sein des communautés musulmanes passe notamment par les œuvres sociales, charitables, culturelles et éducatives. Le but est de parvenir à un contrôle socioreligieux qui devient une arme politique. Le parallèle fait par M. de Rugy entre cette réalité contemporaine et le rôle historique joué par l’Église catholique dans notre pays, est éminemment contestable. Il est vrai que l’Église catholique, en France et dans tant d’autres pays, a créé des congrégations enseignantes, des écoles, des dispensaires, des hospices, des charités, des patronages, etc. ; et que ces œuvres ont contribué à imprégner la société de l’Évangile. Cela a participé, tout simplement, à la construction d’un pays. C’est pour le catholicisme un motif de fierté et non d’opprobre, et cela n’a, d’évidence, que peu de choses en commun avec ce que l’on appelle aujourd’hui le « séparatisme ».
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Au-delà de l’amalgame historique douteux, les propos de M. de Rugy sont politiquement significatifs. Très clairement, il fait le choix de positionner directement la République en concurrence avec les religions pour exercer sa propre influence sur les gens. Il y a ici une continuité avec notre histoire, puisque l’État a fait le choix, notamment sous la IIIe République, de substituer progressivement son propre ascendant à celui de l’Église en prenant en charge à son tour les politiques sociales, la santé, la culture et les sports, l’instruction, etc. Pour François de Rugy, la République n’est pas seulement entendue comme une forme de gouvernement, avec ses mécanismes institutionnels, mais comme une prédication de ce que l’on appelle aujourd’hui les « valeurs républicaines ». C’est une sorte de République religieuse qui se propose d’imprégner les esprits et les mœurs.
Un État qui tient tout dans sa main
C’est une République totale que promeut M. de Rugy quand il affirme : « La République a aussi l’idée, non pas de s’occuper des citoyens du berceau à la tombe, mais d’offrir d’autres possibilités de s’émanciper. L’école est évidemment un pilier fondamental […] pour transmettre les valeurs de la République. » Là où il y avait jadis un État qui s’occupait de politique et une Église qui s’occupait des œuvres sociales, il nous propose un État qui tient tout dans sa main pour accomplir le projet qui fut portée hier par Lepeletier de Saint-Fargeau, puis Ferdinand Buisson.
Quand le député de Loire-Atlantique précise qu’il ne s’agit pas « de s’occuper des citoyens du berceau à la tombe », cela reste à démontrer
Et quand le député de Loire-Atlantique précise qu’il ne s’agit pas « de s’occuper des citoyens du berceau à la tombe », cela reste à démontrer. En effet, M. Macron n’a-t-il pas créé une « Commission des 1.000 jours » qui s’intéresse à la vie des enfants sur une période couvrant la grossesse et les deux premières années de l’enfant ? En lançant cette commission, Monsieur Macron affirmait très sérieusement que ces mille premiers jours de l’enfant, depuis le sein de sa mère, sont « un espace que la société n’a pas organisé et a délégué à l’espace privé » ; comme si l’éducation des enfants dans les familles était une délégation de service public. C’est donc avant même le berceau que la République s’intéresse désormais à nos enfants pour, dit M. Macron, « lutter contre les inégalités causées par les déterminismes sociologiques et familiaux ».
OPA sur les consciences
Pour faire avancer cette République totale, le gouvernement et sa majorité prennent prétexte aujourd’hui du danger islamiste, jusqu’à attenter à la liberté d’instruction des parents, entendant par exemple supprimer l’école à la maison. Pour eux, la République ne sert pas seulement à gouverner, elle sert à « émanciper » : à émanciper en réalité de tout sauf d’elle-même. En confondant une forme de gouvernement et un pays — qui est toujours bien davantage que ses institutions politiques —, cette République totale opère une forme d’OPA sur la France, sur les citoyens et sur les consciences. Non seulement cela ne nous protègera en rien du terrorisme, mais cela finira par laisser le citoyen prétendument « émancipé » seul face à la toute-puissance de l’État.
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Chronique publiée en partenariat avec Radio Espérance, le 27 décembre 2021.