Le processus de paix enclenché depuis les années 2010 semble arriver à son terme avec l’annonce, par les autorités des FARC, au renoncement à la lutte armée et à sa transformation en parti politique. C’est une bonne nouvelle à la fois pour la Colombie et pour la stabilité régionale.
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Les Forces armées révolutionnaires de Colombie sont la plus ancienne guérilla marxiste encore en activité. Fondées en 1964, au plus fort des affrontements idéologiques et militaires en Amérique latine, elles ont survécu à la fin de la Guerre froide et au mythe communiste, se maintenant dans les hauts plateaux du pays. Organisant des prises d’otages, des attentats et des mouvements de guérillas, les FARC ont déstabilisé la Colombie durant une quarantaine d’années.
Alors que le mouvement avait refusé à ses débuts de faire usage du trafic de drogue, ce point fut abandonné en 1982 quand il autorisa les paysans établis dans ses zones sous contrôle à produire et à vendre la coca. La structure révolutionnaire marxiste a ainsi glissé de l’organisation terroriste à l’organisation mafieuse. Au fil des ans, la vente de drogue est passée du statut de moyen de subsistance à celui de raison du maintien de la guérilla. Il ne s’agissait plus de produire et de vendre de la drogue pour financer la révolte et acheter des armes, mais de maintenir la révolte pour contrôler les zones de production et s’enrichir par la drogue. Une imbrication du politique et du mafieux qui donna une hybridation de la criminalité, que l’on retrouve en d’autres points du globe.
Huit années de pourparlers
Face aux FARC, les gouvernements colombiens ont toujours oscillé entre répression et négociation, sans jamais trouver le bon dosage. La décennie 2010 a néanmoins permis une inflexion de la violence, due à une lassitude des populations et à un renouvellement des cadres des FARC. La neutralisation par l’armée colombienne, en septembre 2010, de Jorge Briceño Suarez, l’un des principaux chefs de la guérilla, porta un rude coup à l’organisation. Les opérations militaires réussies de l’armée colombienne, en dépit de lourdes pertes, permirent l’ouverture de négociations de paix à partir de 2012. Celles-ci se déroulèrent à La Havane et aboutirent à l’annonce par les FARC d’un cessez-le-feu unilatéral en 2014.
Ce dénouement heureux après plus de soixante ans de guerre et de conflit est une bonne nouvelle pour la Colombie et l’Amérique latine, démontrant que la paix est possible.
Le processus était loin d’être achevé, le référendum devant ratifier ce cessez-le-feu étant rejeté en octobre 2016, ce qui n’empêcha pas son application. Dès lors, les FARC organisèrent une démilitarisation constante de leurs effectifs, marquée notamment par la reddition de 7.000 combattants en février 2017. Puis le mouvement se mua en parti politique, adoptant un nouveau nom mais conservant leur acronyme : Force alternative révolutionnaire commune. En dépit d’une reprise des combats en 2019, le processus enclenché depuis 2012 n’a pas véritablement cessé. C’est ainsi que le 25 janvier dernier la direction des FARC a annoncé l’abandon du sigle et l’adoption d’un nouveau nom : Partido Comunes, le « parti des Communs », avec un nouveau logo : une rose où brille une étoile rose en son centre. Le parti compte présenter des candidats aux élections législatives et présidentielles à venir.
Un effet domino ?
Ce dénouement heureux après plus de soixante ans de guerre et de conflit est une bonne nouvelle pour la Colombie et l’Amérique latine, démontrant que la paix est possible. Ce n’est pas la première fois qu’un mouvement terroriste se normalise et se mue en parti politique, l’IRA ayant donné l’exemple en Irlande. Restent cependant de nombreuses interrogations. Les plus extrémistes des FARC refuseront cette intégration dans la vie politique du pays et risquent de continuer à mener les combats, même s’ils seront moins équipés et amputés d’une grande partie des membres. Des combats sporadiques risquent néanmoins de durer. L’autre enjeu est celui de l’intégration des mafieux. La drogue enrichit et corrompt. Ceux qui participent aux trafics et qui ont une vie exaltante et dangereuse de trafiquants et de revendeurs ne vont sûrement pas se rendre à une vie civile plus monotone. Les FARC refusant l’accord iront probablement rejoindre les mafias colombiennes de la drogue, qui vont encore longtemps irriguer et déstabiliser le pays. Toutefois, avec l’épine des FARC en moins, le gouvernement de Bogota pourra davantage se concentrer sur les problèmes de drogue, en lien avec les États-Unis.
La fin des FARC demeure une excellente nouvelle pour la Colombie et peut être un exemple pour les autres pays de la région
Reste à voir aussi ce que cette normalisation provoquera au Venezuela voisin. Le gouvernement de Caracas est un État mafieux et corrompu qui vit de l’argent de la drogue et du mythe de la guérilla. Il est l’exemple de ce que serait devenue la Colombie si les FARC avaient accédé au pouvoir. La reddition de celles-ci va peut-être conduire à des inflexions du Venezuela, et aussi couper le pays d’une base arrière et de connexion avec le monde de la drogue. Déjà, le 23 janvier, Nicola Maduro s’est adressé à Joe Biden en l’appelant à « tourner la page » et à « établir une nouvelle voie ». Certes, le marasme économique du pays joue un grand rôle dans ce revirement, mais l’évolution en Colombie voisine a aussi son effet. La fin des FARC demeure une excellente nouvelle pour la Colombie et peut être un exemple pour les autres pays de la région, dont beaucoup n’arrivent pas à arrêter les violences intérieures.
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