Avec la loi « confortant les principes républicains », l’intention salutaire de lutter contre l’islam radical se paie par des atteintes inédites aux libertés que la République a pour ambition historique de servir et de défendre.
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Au départ, comme toujours, se trouvait une bonne intention. Le gouvernement annonce cet été un projet de loi pour la rentrée, destiné à combattre l’islam politique. Preuve que le sujet est délicat, son intitulé évolue au fil des jours : la future loi « contre les séparatismes » évoquée par Marlène Schiappa en juillet devient en octobre loi » visant à renforcer la laïcité », puis la loi « confortant les principes républicains » en décembre. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, disait Boileau. Les objectifs de la loi peinent à s’énoncer clairement : nul doute que leur conception reste obscure. D’ailleurs le contenu du projet évolue au même rythme que son intitulé : au départ, il consiste surtout à durcir notre dispositif pénal ; à la fin, il crée de nouveaux pouvoirs de police.
Le diable est dans les détails
En l’état actuel, le projet qui vient d’être adopté par l’Assemblée nationale compte pas moins de 51 articles, et presque autant d’interdictions nouvelles. L’exercice de la liberté d’association est rogné. La liberté de culte connaît de nouvelles limites que la loi de 1905 n’avait pas imaginées. La liberté d’enseignement est sérieusement mise en cause. Au passage, sont aggravés les outils destinés à punir ce péché très contemporain appelé « haine en ligne », et qui est un péché qu’autrefois nous appelions liberté d’expression.
Ces dommages collatéraux infligés à notre vie sociale et personnelle relèvent de la législation de guerre : on bombarde l’islam radical, quitte à faire tomber quelques bombes sur les maisons voisines, qui sont celles de la liberté d’enseigner, la liberté pratiquer son culte, et même, pour finir, la liberté de penser.
Au pays de Voltaire, il devient de plus en plus périlleux de penser contre l’air du temps. Au pays de la liberté d’association, il est de plus en plus demandé de comptes à celui qui s’associe. Et comme d’ordinaire, le diable est dans les détails : dans le « contrat d’engagement républicain » que les associations subventionnées se devront de signer, figure par exemple l’engagement à respecter l’« égalité femme-homme » : imaginons ce que cela implique pour un cercle de lecture composée uniquement de femmes ! Ou encore, comment, avec l’interdiction d’instruire un enfant en famille, faire fonctionner les écoles privées hors-contrat ? Ce sont pourtant les principes de la future loi. Bon courage à ceux qui la mettront en œuvre.
Dommages collatéraux
C’est là que le bât blesse, car l’intention salutaire de lutter contre l’islam radical se paie dans plusieurs dispositions par des atteintes inédites à nos libertés que la République a pour ambition historique de servir et de défendre. Ces dommages collatéraux infligés à notre vie sociale et personnelle relèvent de la législation de guerre : on bombarde l’islam radical, quitte à faire tomber quelques bombes sur les maisons voisines, qui sont celles de la liberté d’enseigner, la liberté pratiquer son culte, et même, pour finir, la liberté de penser. On vise la mosquée radicale et l’obus tombe sur l’église paroissiale. À la guerre comme à la guerre, sans doute.
D’une certaine manière, l’islamisme aura avec cette loi atteint son premier objectif : conduire la France à se renier pour se sauver. Ce n’était pas une fatalité. Il importe en temps de trouble d’être fort sur nos principes, et d’abord sur notre liberté, afin de rester nous-mêmes. Plutôt que d’ouvrir nos frontières et de surveiller nos esprits, nous pourrions imaginer d’ouvrir davantage nos esprits et de mieux surveiller nos frontières. Plutôt qu’une loi de guerre, nous pourrions alors concevoir une loi de paix. L’idéal chrétien de la France, antérieur et supérieur aux « valeurs de la République », est, plus que jamais, la seule réponse aux dangers qui menacent notre civilisation.