En rattachant les “ministères laïcs” du service de la liturgie au sacerdoce baptismal et non au sacerdoce ministériel, le pape François renoue avec la Tradition de l’Église primitive. Ce faisant, il renforce la différence des ministres ordonnés, non pour représenter les fidèles, mais pour être le signe visible du Christ.
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Par la lettre apostolique “Spiritus Domini” du 11 janvier 2021, le pape François vient d’ouvrir aux femmes le lectorat et l’acolytat. On pourrait se demander ce que cela change, puisque des femmes faisaient la lecture à la messe depuis longtemps, et que les filles étaient déjà admises parmi les enfants de chœur (instruction “Redemptionis sacramentum”, 23 avril 2004, n. 47). Mais il s’agit là de “ministères institués” — ce que l’on appelait autrefois les “ordres mineurs” —, que reçoivent ceux qui se préparent au sacrement de l’Ordre et que Paul VI avait déjà ouvert aux laïcs, en les réservant toutefois aux hommes (Lettre apostolique “Ministeria quædam”, 15 août 1972, n. VII). C’est cette dernière limite que le pape François a supprimée en modifiant pour cela le Code de droit canonique (Can. 230 §1).
Nul doute que certains verrons dans cette ouverture une rupture dans la Tradition et la porte ouverte à l’ordination des femmes. D’autres regretteront au contraire qu’on n’aille pas plus loin dans cette direction. Comme toujours, les extrêmes se rejoignent parce qu’ils partagent la même erreur : celle de concevoir ces ministères de manière cléricale à partir du sacrement de l’Ordre. À l’inverse, le pape François rattache ces ministères institués au sacerdoce baptismal : ils “sont fondés sur la condition commune de baptisé et sur le sacerdoce royal reçu dans le sacrement du baptême ; ils sont essentiellement distincts du ministère ordonné qui se reçoit par le sacrement de l’Ordre”. La différence entre ces deux types de ministères, institués ou ordonnés, correspond donc à celle des deux sacerdoces, baptismal ou ministériel, “qui ont entre eux une différence essentielle et non seulement de degré” (“Lumen gentium” 10).
Une authentique restauration
Ce texte marque ainsi un point d’aboutissement d’un long processus de discernement ecclésial depuis le concile Vatican II qui avait remis à l’honneur le sacerdoce royal des fidèles, attesté dans les Écritures (1 P 2,9) mais qu’on avait un peu perdu de vue, au point de faire de la liturgie l’affaire des clercs. Dans l’Antiquité, l’Église avait institué ces ministères comme des services stables où l’on demeurait à vie, sans être lié de soi à la préparation du sacerdoce. Ce n’est qu’à partir du haut Moyen Âge, sous l’influence néoplatonicienne du Pseudo-Denys, qu’ils furent organisés en cursus par degrés, obligeant à passer successivement par chacun pour aboutir au degré suivant. En furent alors exclus ceux qui ne se destinaient pas au sacerdoce, le diaconat lui-même ayant disparu comme degré permanent. De sorte que le sacrement de l’Ordre se présentait en sept degrés : quatre ordres mineurs et trois ordres majeurs.
On peut espérer dès lors un nouvel élan, ce qui permettrait d’éviter de confier ces services sacrés à n’importe qui, en les réservant plutôt à des personnes dûment appelées et formées pour cela.
Le concile Vatican II a voulu remettre en vigueur le sacerdoce baptismal et rétablir le diaconat permanent, ne retenant pour l’Ordre que trois degrés : épiscopat, presbytérat, diaconat (“Lumen gentium”, 28). Dans la foulée, le pape Paul VI dans “Ministeria quædam” a rouvert aux hommes laïcs les ordres mineurs, désormais appelés “ministères”, non plus “ordonnés” mais “institués”, dissociés de l’état clérical que l’on acquiert désormais au diaconat (Can. 266 §1). À prendre la Tradition sur le long terme, sans s’arrêter à la seule situation précédente, on voit donc que le rattachement des “ministères laïcs” au sacerdoce commun des fidèles procède en réalité moins d’une innovation que d’une authentique restauration.
“Il y a diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur” (1Co 12,5)
Pourtant, la réforme de Paul VI est restée largement lettre morte, bien peu étant appelés à ces ministères en dehors des candidats au sacerdoce. On peut espérer dès lors un nouvel élan, ce qui permettrait d’éviter de confier ces services sacrés à n’importe qui, en les réservant plutôt à des personnes dûment appelées et formées pour cela. Cela aurait aussi pour effet de rendre plus visible dans l’action liturgique l’articulation des deux sacerdoces, chacun participant selon son mode propre à l’unique sacerdoce du Christ, grand-prêtre de la Nouvelle Alliance. Les fidèles laïcs pourront ainsi mieux percevoir leur sacerdoce spirituel par la présence visible dans le sanctuaire de ministres laïcs qui les représentent, hommes et femmes, dans la collaboration directe avec les ministres ordonnés.
Tandis que le ministre ordonné n’est pas là d’abord pour représenter les fidèles mais pour être le signe sacramentel du Christ tête, prêtre et serviteur. Ce n’est qu’en tant qu’il est le signe de la Tête qu’il représente alors le Corps tout entier. Or le Christ étant un homme, il est nécessaire que celui qui en est le signe visible soit lui-même visiblement un homme ; le signe devant avoir une certaine similitude avec ce qu’il signifie. Le Christ étant le “visible” du Père, d’un Dieu qui se révèle comme “Père” et non comme “Mère” (même si c’est un père qui aime avec un cœur et des entrailles de mère), il est aussi nécessaire que celui qui en est le signe sacramentel exprime cette dimension paternelle du sacerdoce — “Qui m’a vu, a vu le Père” (Jn 14,9).
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