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L’Amérique après Trump

De violentes manifestations ont eu lieu au Capitole (Washington) le 6 janvier 2021.

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Jean Duchesne - publié le 12/01/21
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Les excitations que créent et renouvellent sans cesse les réseaux sociaux (dont le président déchu n’est qu’un produit) rendent difficile le partage d’un idéal commun.

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Les images de citoyens envahissant le Capitole à Washington, c’est-à-dire le siège du Congrès (le parlement américain avec ses deux chambres : celle des 435 représentants ou députés et le Sénat avec ses 100 élus) ont fait le tour du monde en suscitant indignation et ricanements. On y a vu une tentative de coup d’État et une preuve de la fragilité de la démocratie en général et en particulier d’un affaiblissement préoccupant des États-Unis. L’événement doit être ramené à une plus modeste mesure, mais peut aiguiser le regard.

Le plus impressionnant est la somme de naïvetés et d’aveuglements qui a engendré ce saccage. Les forces de l’ordre n’étaient pas prêtes à repousser un assaut du Capitole. Mais cette impréparation s’explique en partie par l’absence de stratégie des manifestants. Pour protester contre le résultat annoncé de l’élection présidentielle, ils ont dans leur colère « désacralisé » l’institution chargée de « consacrer » ce résultat. Or une fois le « temple » profané et son clergé disqualifié, il ne serait plus resté aucun lieu ni instance pour légitimer un résultat inversé. Il n’était pas envisagé de renouveler le Congrès et des élections complémentaires en avaient donné la veille le contrôle au parti d’opposition à leur champion.


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La contestation était d’autant plus folle que les législateurs n’avaient de toute façon pas le pouvoir de satisfaire la revendication : ils ne peuvent voter que sur une nouvelle loi ou sur une décision de l’exécutif, et devaient simplement enregistrer au niveau fédéral la certification des résultats dans les différents États de l’Union. Les mises en cause ne pouvaient être faites que devant les tribunaux compétents pour évaluer les accusations d’irrégularités sur le terrain. Et tous les recours avaient déjà échoué au niveau local, sans arguments pour monter jusqu’à la Cour suprême, comme cela avait été le cas en 2000, lorsque George W. Bush a été déclaré vainqueur avec seulement 537 voix d’avance dans l’état décisif de Floride.

Il y a eu plus grave

Cet irréalisme était bien sûr suscité et nourri par le président sortant, qui non seulement refusait de reconnaître sa défaite en maintenant sans preuve qu’il y avait eu des fraudes massives, mais encore excitait ses partisans à piétiner la loi et les valeurs traditionnelles dont il se présentait comme le meilleur si ce n’est le seul défenseur et garant. Cette inconséquence a été manifesté en fin de journée, lorsqu’au lieu de rejoindre les émeutiers comme il l’avait laissé entendre, il leur a fait savoir qu’ils avaient gagné, pouvaient en être fiers et n’avaient plus qu’à rentrer chez eux. Cette insurrection s’est ainsi avérée n’avoir pas de projet, et pas non plus de chef capable d’en tirer profit après l’avoir déclenchée.



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Si l’on jauge cette journée à l’aune de l’Histoire, elle a été bien moins sérieuse que celle du 6 février 1934 à Paris, lorsque des manifestants (de « droite ») traitant de voleurs les parlementaires (majoritairement de « gauche » affairiste) ont tenté de prendre d’assaut l’Assemblée nationale. Il y a eu 37 morts et plus de 2.000 blessés. Si les affrontements n’ont pas été plus graves et si l’émeute n’a pas débouché sur une révolution qui aurait pu dégénérer en guerre civile, c’est parce que les Croix-de-Feu se sont dispersés à la demande du colonel de La Rocque, qui a voulu éviter un carnage. À Washington le 6 janvier 2021 (fête de l’Épiphanie), le 45e président des États-Unis s’est révélé n’avoir pas l’étoffe d’un putschiste : il a lancé un appel analogue à celui du chef des Croix-de-Feu, certes non pas en vertu d’idéaux ni par sens moral, mais pris au piège de ses propres contradictions.

L’empire des nouvelles technologies de communication

Reste à comprendre comment on en est arrivé là et à en tirer les leçons. L’affirmation sans fondement que l’élection avait été truquée s’est répandue sur les réseaux sociaux, comme beaucoup d’autres allégations pour le moins arbitraires du même chef d’État. Mais il n’est pas le seul, et il apparaît comme un produit bien plutôt que le créateur d’un système dangereux. Une caractéristique du XXIe siècle est en effet la facilité de communication et de répercussion d’informations non vérifiées. Dès qu’un message excite un nombre suffisant de destinataires qui le retransmettent, il devient une réalité qui n’a plus besoin d’énoncer une vérité. Il est alors répercuté par les médias classiques, sans que nul n’y échappe, comme un phénomène impossible à ignorer, et il bénéficie du coup d’une audience que, de soi, il ne mérite pas.

D’où les débats actuels sur l’opportunité de contrôles et d’éventuelles censures de ce qui circule sur Twitter, Facebook, Instagram, etc. Les risques d’une surveillance digne de Big Brother sont indéniables. Est de même inquiétante la possibilité de fouiller les « mémoires » des ordinateurs personnels, d’espionner sur les « serveurs » toutes les activités des usagers d’Internet, et aussi de bloquer l’accès à des pans entiers de la « toile », comme c’est le cas déjà en Chine et sous d’autres régimes dictatoriaux comme il n’en manque pas dans le monde. 

L’Amérique est divisée en bien plus de deux factions

Il n’y a en tout cas pas à craindre que l’Amérique reste divisée en deux blocs antagonistes et inconciliables. Les États-Unis sont une nation de quelque 330 millions d’habitants. C’est moins que l’Union européenne (environ 440 millions depuis le Brexit), mais cette population forcément diversifiée est unie par une seule langue. La bipolarisation est imposée par la mécanique démocratique qui réduit périodiquement le choix à une alternative. Or les excités excentriques qui ont envahi le Congrès ne sont pas représentatifs des 74 millions de citoyens qui ont opté pour accorder un second mandat à l’élu de 2016. Beaucoup ont voté pour lui parce qu’il s’est déclaré contre l’avortement et le mariage gay, sans approuver le style abrasif du personnage ni sa volonté de restaurer la grandeur de l’Amérique en la rendant plus égoïste.

Le Parti républicain va devoir se réinventer péniblement après la chute de son chef. Symétriquement, le Parti démocrate désormais au pouvoir va s’avérer tiraillé entre modérés réalistes et radicaux du « politiquement correct ». D’ici peu, la nouvelle administration sera infailliblement critiquée dans son propre camp. Les deux grands partis ne sont jamais que des alliances circonstancielles et malaisées d’intérêts et de passions plus ou moins compatibles.

Le virus et le vaccin

Ce qui, entre autres, empêche un affrontement durable et à mort entre deux moitiés ennemies, c’est précisément la facilité avec laquelle circulent les informations et théories plus ou moins délirantes qui deviennent obsessives et suscitent des violences (pour et contre), mais exigent d’être sans cesse renouvelées. L’excitation permanente sur des sujets ponctuels et changeants interdit tout dessein commun, et le virus le plus à redouter est peut-être aujourd’hui celui de l’éparpillement. Le vaccin est disponible et technologiquement simplissime : c’est de se mettre en présence de Dieu, au minimum matin et soir et le dimanche à la messe, pour l’écouter plutôt que pour s’exprimer, et pour prendre conscience de la vérité de la vie, de ses enjeux et de la liberté qu’elle offre.


REGINA CAELI
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