La monodie (une seule partie vocale chantée à l’unisson) qui caractérisait jusqu’alors la musique sacrée chrétienne depuis ses débuts jusqu’au chant grégorien va progressivement s’enrichir de plusieurs voix avec les débuts de la polyphonie. Cette transformation radicale aura pour cadre grandiose les immenses cathédrales gothiques de l’Europe du Moyen Âge…Alors que le chant grégorien continuait à lancer à l’unisson ses plus belles mélodies à Dieu, une évolution sensible se produit cependant au sein des cathédrales gothiques, et notamment la plus célèbre d’entre elles, Notre-Dame de Paris. Surgissant du sol de l’île de la Cité entre le XIIe et XIIIe s., tel un étendard dressé à la chrétienté, cette architecture grandiose allait, en effet, inspirer une autre musique sacrée. Au sein de l’école Notre-Dame, des compositeurs vont traduire cet incroyable élan dans leur musique. Ce sera notamment le cas de deux d’entre eux, Léonin avec son Grand Livre d’Organum et Pérotin qui continuera le travail de son prédécesseur. Le maître de musique Léonin peut être considéré, à juste titre, comme l’un des fondateurs les plus importants de la polyphonie occidentale.
L’Organum
Que faut-il comprendre par Organum ? Il ne s’agit nullement à l’époque du célèbre instrument à tuyaux qui enchante aujourd’hui nos églises, mais d’un genre musical nouveau qui va se développer à l’époque de Léonin et qui consistera à ajouter à un chant existant une ou plusieurs voix supplémentaires. Cet enrichissement ira désormais crescendo, la voix principale reprenant la mélodie traditionnellement connue alors qu’une ou plusieurs voix supplémentaires, allant même jusqu’à quatre, l’accompagnent et l’enrichissent par leurs propres développements. À l’image de la révolution gothique quant à l’architecture, ces prémices de la polyphonie sacrée embellissent le chant sacré des liturgies simultanément de mélodies supplémentaires.
L’apparition du Motet
L’Organum a assurément permis concernant la musique sucrée une évolution irréversible. Les compositeurs de cette époque, le XIIIe siècle, vont rapidement ressentir le besoin d’ajouter des rythmes plus rapides pour que la mélodie elle-même soit plus véloce. Afin de mieux indiquer ces changements possibles dans l’exécution de la musique, ces compositeurs prirent dès lors l’habitude de les consigner dans des clausules à part, ces dernières pouvant être changées indépendamment du chant principal.
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Ce sont ces mêmes clausules qui vont donner naissance au Motet lorsque les musiciens se mettront à les chanter à part, en tant que telles. Ces fragments plus brefs de chants détachés de la mélodie traditionnelle vont rencontrer un très vif succès et même devenir la forme polyphonique majeure dans toute l’Europe tout au long du Moyen Âge avec dans certains cas jusqu’à quatre textes différents chantés en même temps.
Si le plain-chant traditionnel continuera, certes, de lancer ses monodies au rythme des prières quotidiennes de l’Église, la richesse et la somptuosité de la polyphonie vont dorénavant déborder le cadre sacré pour embrasser le monde profane lors de banquets et fêtes royales. Le grand compositeur Guillaume de Machaut sera au XIVe siècle l’un des plus illustres représentants de cette évolution.
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