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Les années se suivent et se ressemblent au Nigéria où les enlèvements et les massacres perpétrés par Boko Haram dans le nord du pays ne semblent pas prêts de s’éteindre. Mouvement qui associe spiritualité, criminalité et projet politique, Boko Haram demeure la principale menace de la région du lac Tchad, menace à surveiller au cours de cette année 2021.
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Immense pays de 216 millions d’habitants et de plus de 260 ethnies, s’étendant du nord du Sahel au golfe de Guinée, le Nigéria est l’un des pays fragiles de l’Afrique de l’Ouest, notamment à cause de la déstabilisation provoquée par l’organisation Boko Haram. Fondée en 2002, son nom signifie « l’éducation occidentale est un péché » (haram), ce qui témoigne de sa forte opposition à tout ce qui se rapproche de l’Occident, d’où ses attaques répétées contre des écoles et des lycées jugés propagateur de l’éducation occidentale.
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C’est un mouvement complexe, à la fois religieux, politique, social et criminel. Il est essentiellement présent dans le nord du Nigéria, autour du lac Tchad où réside sa base ethnique, avec des incursions au Tchad et au Cameroun. Boko Haram est un parfait exemple du fonctionnement hybride de ces mouvements qui rend complexe leur compréhension. C’est une organisation musulmane qui a fait allégeance à l’État islamique et qui cherche à faire appliquer la charia sur son territoire. Mais c’est aussi un mouvement animiste où les hommes portent des gris-gris et des amulettes autour du cou, pour se protéger et se mettre sous la protection des bons esprits, et où les rites d’initiation et d’intronisation dans le mouvement sont tous dérivés du vaudou : épreuve du feu, viol collectif, appel des esprits. Rien à voir donc avec la pureté de l’islam wahhabite ou avec l’islam tel qu’il est pratiqué en Égypte ou en Syrie.
Une scission et des massacres
Mouvement politique, Boko Haram cherche à asseoir son pouvoir autour du lac Tchad et à contrôler l’espace en limitant au maximum la présence de l’État central. Mais c’est aussi un mouvement criminel qui vit de razzias, de rapines, de rapts de jeunes filles et de ventes d’esclaves aux Touaregs et aux Arabes de Libye. C’est un mouvement très archaïque, qui remet en usage les antiques routes de la traite inter-africaine, qui renoue avec les traditions africaines séculaires et qui est en même temps très moderne, dans l’usage de la terreur et dans sa maîtrise des moyens de communication (vidéos, réseaux sociaux, etc.). Boko Haram est typique de ces mouvements indigénistes qui allient rites locaux et inclusions mondiales, qui seront les matrices des guerres infra-étatiques des années 2020.
En 2018, Boko Haram s’est divisé en deux branches : le canal historique et sa dissidence, nommée État islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO). L’EIAO s’est installé sur le lac Tchad, à la confluence de plusieurs routes criminelles : Tchad, Niger, Cameroun, Nigéria. C’est là une base territoriale essentielle pour contrôler les trafics et en vivre. L’EIAO multiplie les agressions contre l’État central. Il ne cherche pas à le renverser ni à prendre le pouvoir, mais à limiter son intrusion. C’est un mélange de rapine, de razzias et de discours politique. L’EIAO est plus organisé et plus structuré que le canal historique, il organise des prêts d’argent aux populations locales, il anime des associations et des réseaux de solidarité, il apporte une aide matérielle. Ces actions permettent de disposer d’une base de soutien solide chez les populations, ce qui rend beaucoup plus difficile son extirpation. À ces aides sociales, le mouvement ajoute la terreur et la peur, afin d’empêcher toute velléité d’insubordination.
L’armée nigériane est impuissante à éviter ses attaques qui sont rapides, bien organisées et dont les soldats disposent d’armes de qualité.
Ses attaques additionnent razzias et rapines classiques avec des raids organisés contre les bases de l’État. Ainsi en juillet 2019, c’est l’attaque contre la garnison de Jili et en décembre 2019 un assaut sur Baga et l’attaque d’une brigade de 500 hommes. L’armée nigériane est impuissante à éviter ses attaques qui sont rapides, bien organisées et dont les soldats disposent d’armes de qualité. Ne se limitant pas à ces attaques contre des officiels, Boko Haram s’en prend aussi aux villages et à ceux qui ne se soumettent pas à son ordre politique. Les huit dernières années ont vu un grand nombre d’attaques contre des villages, qui font à chaque fois plusieurs centaines de morts. Les hommes de Boko Haram font usage de kalachnikovs et de grenades afin de soumettre les populations et de les terroriser. Parmi ces attaques, les plus meurtrières furent Kano (janvier 2012), 150 morts ; Gamboru Ngala (mai 2014), 336 morts ; Gwoza (août 2014), 600 morts ; Baga (janvier 2015), près de 2 000 morts. De quoi refroidir les oppositions au mouvement.
Le commerce des esclaves
Aux massacres s’ajoutent les rapts et les enlèvements d’enfants, surtout de jeunes filles. Ce peut être des chrétiennes comme des musulmanes. Certaines sont mariées de force aux membres du mouvement, d’autres sont libérées après caution, ce qui est une source de financement, d’autres enfin sont vendues comme esclaves sur les marchés de Libye. On peut ensuite les retrouver en Europe grâce aux routes des migrants et aux connexions avec les mafias italiennes. En avril 2014, 260 lycéennes sont kidnappées à Chibok, la plupart sont chrétiennes. En décembre 2020, plus de 300 collégiennes sont enlevées puis libérées quelques jours plus tard. Certaines ont été relâchées, mais un grand nombre n’a jamais été retrouvé. Boko Haram se livre ici à un commerce traditionnel, antérieur à l’arrivée des Européens en Afrique, mis entre parenthèses durant la période coloniale et qui reprend depuis le début des années 2000. Tout donne à penser que cela ne fera que s’amplifier au cours de la décennie 2020.
Boko Haram s’étend et s’infiltre dans le nord du Cameroun, région qui tente de faire sécession du reste du pays. Le Cameroun manque de moyens pour repousser ces attaques, en dépit de l’aide apportée par la France. Ce qui s’affronte ici et dans plusieurs régions d’Afrique, c’est la tension entre les États institutionnels et les mouvements ethniques, politiques et criminels, qui contrôlent mieux leur territoire et qui s’imposent par la violence et la terreur. Très difficile à repousser et à éradiquer, tout laisse à penser que leurs actions pourraient s’amplifier dans les années à venir.
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