Alors que l’Église de Pologne est au cœur de la lutte contre le régime communiste, elle reste pour les Polonais — croyants ou pas — le seul espace d’opposition au système totalitaire. En ce mois de décembre 1963, le nom du prochain archevêque de Cracovie n'est pas encore connu et la nomination d'un prêtre dynamique et charismatique est loin d'être acquise, chaque nomination étant l’objet de négociations très dures entre le régime communiste et l’Église. Pourtant, après avoir fermement rejeté un certain nombre de candidats proposés par le Primat de Pologne de l'époque, le cardinal Stefan Wyszynski, les autorités communistes valident le profil d'un certain Karol Wojtyla.
Connu pour être l’aumônier des artistes, le père Karol Wojtyla ne leur semble pas s’intéresser vraiment à la politique. Surtout, les services secrets du régime pensent qu’ils pourront se servir de lui pour diviser l’Église polonaise. Une erreur historique, car celui qui deviendra pape quinze années plus tard va agir en fin stratège. "Je n’ai pas peur d’eux; ils ont peur de moi", répondra-t-il à un proche qui venait de lui demander s’il craignait les représailles du gouvernement polonais.
Sa consécration comme archevêque de Cracovie lui est annoncée personnellement par le pape Paul VI par téléphone le 30 décembre 1963. Elle sera ensuite annoncée publiquement le 19 janvier 1964 et la cérémonie d'installation à la cathédrale du château royal de Cracovie a lieu le 8 mars. L'imposition cérémonielle du pallium et l'octroi de l'autorité de l'archevêque par le pape Paul VI se passent à Rome quelques mois plus tard, en octobre 1964, pendant la 3e session du Concile Vatican II.
D’ailleurs, l’évêque polonais qui connaît très bien le latin et l’italien, participe de façon très active au travaux du Concile, notamment dans la préparation du texte de la Constitution pastorale Gaudium et Spes "sur l'Église dans le monde de ce temps", l'un des principaux documents issus du Concile. Et c’est à la suite de cette session de travail, dans les murs du Vatican, que Mgr Wojtyla part avec d’autres évêques en pèlerinage en Terre sainte.
De retour à Rome, le 30 novembre il est reçu en audience privée par le pape Paul VI. C’est la première fois que les deux hommes se rencontrent en tête à tête. Une amitié spirituelle profonde naît à ce moment-là. Quand Paul VI s’éteint à l’âge de 81 ans, le 6 août 1978 à Castel Gandolfo, le pape polonais, élu la même année le 16 octobre, mettra ses pas sans hésiter dans ceux de Paul VI.