Hasard du calendrier, la campagne de vaccination contre le Covid-19 démarre en France ce dimanche 27 décembre, date anniversaire de la naissance de Louis Pasteur. Aleteia tente d’apporter un éclairage aux nombreuses questions que soulève l’arrivée sur le marché des nouveaux vaccins.
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Certains l’attendaient, d’autres le redoutent. Moins d’un an après l’apparition du Covid-19, une dizaine de laboratoires sont en passe de fournir prochainement un vaccin contre le virus qui paralyse la planète depuis des mois. Les plus avancés sont ceux des laboratoires Pfizer-BioNTech (alliance du géant américain et du laboratoire allemand) et Moderna (laboratoire américain). Suite à l’avis favorable de l’Agence européenne des médicaments (AEM) rendu ce 21 décembre, l’Union Européenne a donné son feu vert pour l’utilisation du vaccin de Pfizer-BioNTech sur son territoire. Si le Royaume-Uni et les Etats-Unis l’ont déjà déployé depuis début décembre, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et la France ont prévu de débuter les vaccinations à partir de ce dimanche 27 décembre – vaccinations destinées en priorité aux résidents des établissements d’hébergement de personnes âgées et au personnel à risque qui y travaille. En France, l’autorisation de la Haute autorité de santé (HAS), dernière étape réglementaire avant le début de la campagne de vaccination, a été donnée ce jeudi 24 décembre, « du fait de l’efficacité et du profil de tolérance satisfaisant » du vaccin développé par Pfizer et BioNTech. Quant au vaccin Moderna, utilisant la même technique que Pfizer-BioNTech, il devrait être autorisé courant janvier.
Qu'est-ce qu'un vaccin à ARN messager ?
Les vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna utilisent une technique génétique appelée ARN messager (pour acide ribonucléique messager), jamais utilisée pour des vaccins jusqu’alors. Deux injections sont nécessaires, avec un intervalle de 21 jours pour celui de Pfizer et quatre semaines pour celui de Moderna. La technique ARN messager consiste à injecter « une partie du matériel génétique du virus, afin de permettre à nos propres cellules de fabriquer elles-mêmes la protéine virale de surface, laquelle déclenchera alors la réaction immunitaire », explique Christian Vélot, généticien moléculaire à l’université Paris-Saclay. Le fragment d’ADN messager va amener les cellules à fabriquer une protéine inactive, placée à la surface du virus. L’organisme va reconnaître cette protéine, appelée “spicule”, qui permettra au virus d’entrer dans les cellules humaines et induire une réponse immunitaire.
Au regard de cette technique se pose la question de la modification du génome humain. En effet, l’ARN messager du vaccin sera-t-il incorporé dans le génome humain ? Rok Čivljak, président de la Croatian Catholic Medical Society (HKLD), elle-même membre de la Fédération Internationale des Associations de Médecins Catholiques, est clair : « L’ARN messager n’entre pas dans l’ADN et il n’y a aucun risque que l’injection d’ARN messager modifie le génome humain. »
Ces vaccins sont-ils efficaces ?
A l’heure actuelle, et se basant sur le dernier stade des essais cliniques, quatre fabricants ont annoncé que leur vaccin était efficace : Pfizer-BioNTech, Moderna, l’alliance britannique AstraZeneca/Université d’Oxford et l’institut d’Etat russe Gamaleïa. Une efficacité mesurée en comparant le nombre de malades dans un groupe de volontaires vaccinés par rapport au nombre de malades dans un groupe ayant reçu un placebo. Le vaccin développé par AstraZeneca, le premier à avoir vu ses résultats d’efficacité validés par une revue scientifique, The Lancet, le 8 décembre, serait efficace à 70%. Le vaccin Pfizer-BioNTECH serait efficace à 95%, selon les dernières publications d’essais cliniques de phase III sur 43.500 volontaires. C’est-à-dire qu’il réduit de 95% le risque de contracter le Covid-19. Moderna a quant à lui annoncé que son vaccin était efficace à 94,1%.
Cependant, une zone d’ombre demeure sur l’efficacité à long terme de ces vaccins, puisque les statistiques ont été calculées une à deux semaines seulement après la dernière injection. On ne sait donc pas combien de temps dure la protection, ni si la mutation du virus, observée notamment au Royaume-Uni, rend les vaccins obsolètes, bien que “pour le moment, il n’existe aucune preuve suggérant” que le vaccin Pfizer/BioNTech “ne soit pas efficace contre le nouveau variant”, a déclaré l’Agence européenne du médicament.
Entraînent-ils des effets secondaires ?
Selon le rapport de la Food and Drug Administration (FDA) sur le vaccin Pfizer-BioNTech, ce dernier provoque souvent des réactions douloureuses au niveau de l’injection dans le bras (de l’ordre de 80%). Peuvent s’ensuivre également des effets secondaires classiques tels que de la fatigue, des maux de tête et des courbatures, et plus rarement de la fièvre. Le rapport note également qu’entre 0 et 4,6% des participants à l’essai ont développé des réactions sévères. Des effets secondaires observés plus fréquemment et plus intensément chez les jeunes, dans la mesure où leur système immunitaire est plus actif que celui des personnes âgées, et réagit donc plus vivement au vaccin. Les effets indésirables très graves que la FDA estime potentiellement causés par l’administration du vaccin sont au nombre de deux : une blessure à l’épaule liée à l’injection et un cas de gonflement des ganglions. Par ailleurs, quelques cas de grave réaction allergique ont également été signalés.
Les experts, néanmoins, estiment les risques très faibles. Ils soulignent que pour les personnes âgées ou fragiles le ratio bénéfices/risques penche largement vers les bénéfices. « Pour les personnes à risque, c’est-à-dire âgées de plus de 60 ans, et/ou avec un facteur de risque de gravité de la maladie, la balance bénéfices/risques est très largement en faveur du vaccin, indiscutablement », résume le Pr Brigitte Autran, professeur émérite à la faculté de médecine de l’université Paris-Sorbonne et membre du Comité scientifique sur les vaccins Covid-19.
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Cependant, ne manque pas de souligner Christian Vélot, « même si la fréquence d’un risque est de 1 sur 10 millions, la probabilité n’est pas nulle dès lors que l’on vaccine des centaines de millions, voire des milliards de personnes. Je pense en particulier au risque de la recombinaison virale, c’est-à-dire d’échanges entre le matériel génétique vaccinant et celui d’un autre virus infectant présent dans les cellules de la personne vaccinée. C’est très courant et cela peut conduire à des virus dits “recombinants” dont on ne maîtrise rien. »
Au-delà de ces divergences de points de vue, les experts sont d’accord sur un point : un suivi médical est nécessaire après l’injection d’un vaccin à double dose. Selon Daniel Floret, vice-président de la Commission Technique des Vaccinations au sein de la Haute Autorité de Santé, « malgré toutes les précautions, les essais cliniques ne permettent pas de dépister des effets indésirables rares. Si aux essais, il y a 30.000 participants, et que l’un des effets indésirables est de l’ordre de 1/100.000, il ne sera révélé qu’au moment où le vaccin va être utilisé en population générale ». Il est donc indispensable de suivre la pharmacovigilance, sachant que des effets secondaires peuvent apparaître jusqu’à plusieurs semaines ou mois après l’acte médical.
Est-on libre de se faire vacciner ?
“Je ne rendrai pas la vaccination obligatoire”, a déclaré Emmanuel Macron lors de son allocution le 24 novembre dernier, jugeant cette méthode contre-productive. Cependant, un projet de loi présenté en Conseil des ministres le 21 décembre par Jean Castex puis reporté dès le lendemain “de plusieurs mois” au vu de la polémique naissante, comporte une disposition qui ouvre la possibilité d’une obligation de fait, sur simple décret : « Le Premier ministre peut […] subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif. » Un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires qui permettrait donc de subordonner certaines libertés à l’administration d’un vaccin. Par ailleurs, la députée UDI, Valérie Six, pharmacienne, propose de mettre en place un « passeport vert » pour toutes les personnes vaccinées : « Nous pourrions prendre exemple sur Israël qui octroie à chaque personne vaccinée un passeport vert, permettant de se rendre dans des lieux de culture, de restaurant… En définitive, de retrouver une vie normale », a-t-elle indiqué.
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Ces vaccins sont-ils éthiques ?
Une question qui se pose à deux niveaux : se faire vacciner est-il moralement bon dans la mesure où c’est une manière de protéger son prochain ? Et l’élaboration des vaccins respecte-t-elle un processus éthique ? Concernant le premier point, une note rédigée par la Congrégation pour la doctrine de la foi, transmise le 21 décembre 2020 par le Bureau de presse du Saint-Siège, permet de se forger une opinion : la « moralité de la vaccination dépend non seulement du devoir de protéger sa propre santé, mais aussi du devoir de poursuivre le bien commun ». Le dicastère invite ceux qui refusent d’utiliser de tels vaccins à « éviter […] de devenir des vecteurs de transmission » du Covid-19.
Quant à l’élaboration des vaccins, il convient de s’informer sur les processus propres à chaque laboratoire. Si les vaccins Pfizer et Moderna ne posent pas de problème éthique, ceux d’AstraZeneca utilisent des cellules embryonnaires cultivées dans une culture tissulaire prélevée sur un fœtus humain volontairement avorté dans les années 1970. Un procédé qui avait soulevé l’inquiétude des évêques australiens. Mgr Suaudeau, médecin, théologien et chercheur, explique que le vaccin AstraZeneca fait entrer dans sa manufacture des cellules HEK 293 qui tirent leur origine de cellules embryonnaires humaines de rein, venu d’un fœtus avorté. “Or, cette lignée HEK 293 a été générée en 1973 à partir de cellules de rein humain fœtal, extraites des restes d’un fœtus avorté volontairement, en Hollande. N’y aurait-il pas là une véritable coopération dans le mal de l’avortement, même si ce mal a été perpétré il y a 40 ans ?”, s’interroge-t-il dans les colonnes de Aleteia.
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Qu’en dit l’Eglise? La Congrégation pour la doctrine de la foi précise que l’utilisation de vaccins conçus à partir de fœtus avortés est « acceptable » en cas de « grave danger ». Le devoir moral d’éviter cette catégorie de médication ne prévaut pas s’il s’agit de la seule façon d’éviter la « propagation de la pandémie ». Le Saint-Siège considère qu’il est « moralement acceptable » de bénéficier de vaccins ayant utilisé des cellules de fœtus avortés, uniquement s’il n’existe pas d’alternative possible.
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