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Frère Olivier-Thomas Venard : “La fécondité des Écritures demeure inépuisable !”

frère Venard

Le frère Olivier-Thomas Venard.

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Philippe-Emmanuel Krautter - publié le 24/12/20
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Responsable du programme de recherches “La Bible en ses traditions” qui vise à étudier l’évolution de la transmission de la Parole, frère Olivier-Thomas Venard, professeur de nouveau testament à l’école biblique de Jérusalem, revient pour Aleteia sur ce formidable projet.

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Aleteia : À quel stade se trouve le projet de la Bible en ses Traditions (BEST) en cette fin d’année 2020 ?
Frère Olivier-Thomas Venard : J’ai envie de vous répondre qu’on n’a jamais été plus proches du but ! Mais par définition la Bible en ses Traditions n’a pas de fin. En fait, nous cherchons à tirer parti de l’internet pour remettre en interaction les Écritures et le Peuple de Dieu, en invitant chacun à participer, dans la mesure de ses goûts et de ses compétences, au grand’œuvre de leur transmission vivante. Cela signifie que même si par miracle nous pouvions être exhaustifs dans l’inventaire de tous les effets des Écritures dans le passé, leur fécondité au présent, dans les cœurs et dans les œuvres qu’elles inspirent au moment même où je vous parle, demeure inépuisable ! Le fait que cela soit sans fin aurait découragé toute grosse institution laïque comme une université, mais nous avons l’avantage d’être tout petits, membres d’un ordre de mendiants qui dure depuis 800 ans (les Dominicains vivent de dons et de leur travail), et nous nous sommes lancés, tout simplement, avec confiance en la Providence !

Comment s’organise votre travail ?
Concrètement, des biblistes de haut niveau continuent leur travail de fond de retraduction et d’annotation scientifique des Écritures, livre par livre. Tous les deux ans nous imprimons un nouveau livre biblique dans notre belle collection aux éditions Peeters (en ce moment, nous préparons une monumentale Passion selon saint Matthieu, en deux ou trois volumes à paraître début 2021). Parallèlement, nous publions des ouvrages développés dans le rayonnement de notre programme : ainsi du premier volume des “Essais de La Bible en ses Traditions” à Domuni Press, une très belle introduction au contexte juif du Nouveau Testament, paru en avril dernier sous le beau titre de Miroir juif des évangiles, ou du Dictionnaire Jésus, un peu dans l’esprit de Jésus cet inconnu, le Hors-Série du Figaro, que nous espérons publier dans la collection Bouquins au printemps prochain.

Pour le grand public nous mettons au point notre première traduction intégrale de l’ensemble de la Bible, en commençant par la version de notre propre tradition, la tradition latine. Nos équipes sont en train de relire la première traduction en français moderne de la Vulgate à son apogée médiévale, avant les corrections post-tridentines. Nous accompagnons ce texte de milliers de notes multimédia, présentant chapitre par chapitre des échos du texte biblique dans les beaux-arts, y compris la musique, la danse ou le cinéma. Et bien sûr, nous diffusons l’« esprit » de la Bible en ses traditions sous la forme de Prixm, capsule biblique et culturelle hebdomadaire lancée il y a plus de quatre ans avec des collaborateurs parisiens et qui touche près de 100.000 personnes chaque dimanche. Pour que tout cela existe, nous maintenons un rythme soutenu de développement numérique. Outre nos plateformes à entretenir et perfectionner, nous sommes en train d’élaborer Bibleart.com, une application toute simple offrant notre nouvelle traduction et toutes les notes multimédia : vous pouvez déjà en tester les versions de travail sur support mobile.

La Bible en ses traditions est avant tout une proposition, une invitation à l’admiration, à la découverte et à l’étude lancée à toute personne désireuse de puiser la Lumière et la vie dans la Parole révélée.

Mais au-delà de toutes ces “productions”, la Bible en ses traditions est avant tout une proposition, une invitation à l’admiration, à la découverte et à l’étude lancée à toute personne désireuse de puiser la Lumière et la vie dans la Parole révélée. Pour maintenir et développer cette proposition, les défis sont immenses, et tout soutien — y compris financier — est bienvenu !

Quelles réceptions ou réactions du public avez-vous recueillies ces dernières années ?
Nous avons parfois rencontré un certain scepticisme du côté de “sages” installés dans des carrières ou des modèles universitaires qui tendent à réserver le savoir aux savants, ou à “expliquer” le texte biblique en limitant son sens à une interprétation réputée correcte plutôt qu’en soulignant la multiplicité de ses significations. Dans le public, en revanche, nous avons trouvé un vrai enthousiasme pour l’esprit de la BEST. Une certaine surprise aussi chez beaucoup de nos contemporains non religieux pour qui croire signifie renoncer à penser. En annotant aussi amplement la Bible, nous cherchons à allier esprit critique et piété, culture et foi dans un profond œcuménisme de l’intelligence : même les moments de polémique ou d’obscurité, même des auteurs marqués par l’antichristianisme ou l’antijudaïsme doivent trouver leur place, si nous voulons être vrais dans l’image que nous donnons de la fécondité spirituelle et culturelle des Écritures à travers siècles et disciplines. Cela s’est traduit par une certaine facilité à trouver la collaboration active des plus jeunes ; chaque année de brillants normaliens de la rue d’Ulm ou de Lyon nous rejoignent pour un ou deux semestres à Jérusalem. Notre traduction de la Vulgate et son annotation multimédia est assez largement le fruit de leur travail. Plusieurs universitaires de haut niveau nous ont rejoints également, biblistes, historiens de l’art, littéraires…

La plupart des traductions contemporaines, y compris celles de la liturgie, ont fait de la clarté un idéal absolu, en contradiction avec la poésie de la Bible elle-même, qui aime recourir à l’ambiguïté et à l’obscurité.

Cette immensité digitale et dynamique n’en a-t-elle pas effrayé certains ?
Si, bien sûr. Pour les uns, on propose trop de choses en marge du texte biblique et de ses interprétations proprement religieuses, au risque de perdre les lecteurs dans un certain relativisme. Pour les autres on n’en propose pas assez : bien sûr que les spécialistes de tel ou tel domaine touché par notre annotation trouveront toujours plus et mieux à dire que ce qui y figure déjà ! Mais précisément, c’est l’intérêt d’internet, nous les invitons à augmenter, corriger et enrichir notre base de données. Bien conscients de notre petitesse, nous souhaitons transformer la Bible en ses Traditions en une plateforme collaborative totalement ouverte, sur laquelle le travail des spécialistes, publié clairement avec notre aval, serait entouré d’une effervescence de propositions et de corrections venues du public lui-même. D’ailleurs, dès à présent, les utilisateurs de notre “rouleau numériquepeuvent nous envoyer leurs remarques ou leurs questions directement au fil de leur lecture.

Pensez-vous qu’il soit possible de méditer et prier à partir de cette Bible par rapport aux Bibles traditionnelles imprimées ?
C’est l’une de nos espérances ! La plupart des traductions contemporaines, y compris celles de la liturgie, ont fait de la clarté un idéal absolu, en contradiction avec la poésie de la Bible elle-même, qui aime recourir à l’ambiguïté et à l’obscurité. Nous demandons à nos traducteurs de n’être ni plus clairs ni plus obscurs que le texte biblique. Du coup, le texte que nous proposons maintient les tours énigmatiques si nombreux de l’Écriture. La lecture de nombreux passages célèbres en est renouvelée, on est invité à tout relire moins comme un roman ou comme un recueil de préceptes ou d’idées, que comme un poème. Il faut accepter de vivre longuement dans les mots, les laisser résonner sans tout de suite les réduire à une seule idée. Laisser venir les impressions et les significations qu’ils font surgir en nos cœurs… s’ouvrir à l’inspiration — bref, pour parler comme les biblistes du Moyen Âge : unir les techniques de la lectura et la délectation la lectio divina. La présence de milliers d’œuvres d’art, des fresques de Doura Europos aux œuvres de contemporains comme François Xavier de Boissoudy, des pièces de musique magnifiques, depuis le grégorien ou le chant synagogal, jusqu’au rap contemporain, offre des supports nombreux à la méditation, à l’oraison, et à l’action de grâces.


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