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L’antienne Ô du 22 décembre : “Ô Roi des nations, désiré des peuples”

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Jean-Thomas de Beauregard, op - publié le 21/12/20 - mis à jour le 19/12/22
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Avec les frères étudiants dominicains du couvent de l’Angelicum, à Rome, écoutons les antiennes Ô de l’Avent. La sixième antienne honore la royauté du Christ, le Prince de la Paix, pierre angulaire de l’Église, ce Temple nouveau sur lequel l’homme avisé peut bâtir sa maison et toute sa vie.

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Ô Rex gentium, et desideratus earum, lapisque angularis, qui facis utraque unum : veni, et salva hominem, quem de limo formasti

"Ô Roi des nations, désiré des peuples, pierre angulaire des deux [Israël et les païens] fait en un seul peuple, viens sauver l’homme que tu as fait du limon de la terre."

« Nul n’est comme toi »

La sixième antienne Ô invoque le Christ "roi des nations et désiré des peuples". Le thème de la royauté du Christ a déjà été développé dans les antiennes précédentes, mais on marque ici plus encore l’éminence de cette royauté par rapport à tous les autres rois de la terre, selon la parole du prophète Jérémie :

"Qui ne te craindrait, roi des nations ? C’est bien cela qui te convient ! Car parmi tous les sages des nations et dans tous leurs royaumes, nul n’est comme toi" (Jr 10, 7).

C’est une royauté universelle, fondée sur la sagesse de Celui qui l’exerce. De ce point de vue, la royauté de Jésus est une autorité (auctoritas) plus encore qu’un pouvoir (potestas). En effet, la royauté du Christ ne s’exerce pas par la violence ou la force. La relation qui unit le Christ-Roi à son peuple s’impose par la seule vertu de la raison et de l’amour, qui font reconnaître à chacun la supériorité du Christ et son droit à gouverner les hommes. L’attestation des hauts faits de Dieu, entretenue dans la mémoire d’Israël et transmise à l’Église, fonde sa légitimité comme roi des nations : "Grandes et merveilleuses sont tes œuvres, Seigneur, Dieu Maître-de-tout ; justes et droites sont tes voies, ô Roi des nations" (Ap 15, 3).

Pierre de fondation

Le Christ est invoqué encore comme "pierre angulaire". C’est-à-dire la pierre principale du nouveau Temple qui est son Corps mystique, l’Église, Temple de l’Esprit saint. Il est le rocher solide sur lequel l’homme avisé peut bâtir sa maison, et toute sa vie :

"C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur YHVH : Voici que je vais poser en Sion une pierre, une pierre de granit, pierre angulaire, pierre précieuse, pierre de fondation bien assise : celui qui s’y fie ne sera pas ébranlé" (Is 28, 16).

Mais cet exhaussement du Christ au statut de pierre angulaire passe par la Croix, comme le prophétisait le psalmiste. "La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la tête de l’angle" (Ps 118, 22). Il fallut que le Christ soit d’abord rejeté par les scribes et les pharisiens dont c’était pourtant le rôle d’édifier le Temple. Ensuite seulement la Résurrection a fait du Christ le Temple nouveau, reconstruit en trois jours. Les premiers chrétiens en avaient une conscience très vive. "C’est lui [le Christ] la pierre que vous, les bâtisseurs, avez dédaignée, et qui est devenue la pierre d’angle" (Ac 4, 11). Celui qui bute sur cette pierre de fondation qu’est le Christ est voué à la perdition :

"À vous donc, les croyants, l’honneur, mais pour les incrédules, la pierre qu’ont rejetée les constructeurs, celle-là est devenue la tête de l’angle, une pierre d’achoppement et un rocher qui fait tomber. Ils s’y heurtent parce qu’ils ne croient pas à la Parole ; c’est bien à cela qu’ils ont été destinés" (1 P 2, 7-8).

La pierre angulaire, en architecture, se trouve à la jointure de deux murs, parfois aussi à la jointure d’un mur (dimension verticale) et du plafond (dimension horizontale). De fait, le Christ joint en sa personne, et singulièrement sur la Croix, la divinité et l’humanité, le Ciel et la Terre, mais aussi l’Ancien et le Nouveau Testament. Il est le "carrefour des nations". En Lui qui est la pierre angulaire, le peuple élu d’Israël et le peuple de la gentilité (c’est-à-dire les païens) sont réunis dans l’unique Église du Christ. Ce qui valait en figure dans l’Ancien Testament pour la division du peuple de Dieu en deux royaumes, Juda et Israël, (Ez 37, 22 ) s’applique en réalité aux relations entre le peuple élu et la gentilité, et entre l’Église est les païens.

Le Prince de la Paix

C’est bien le Christ qui "de deux nations, fait un seul peuple". C’est en cela aussi qu’il est le Prince de la Paix. "Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine" (Ep 2, 14). Il est bien le "désiré des nations", car tous désirent naturellement voir Dieu, même inconsciemment, même comme une idée du bien, de la vérité ou de la paix qu’ils poursuivent. Or cette paix ne peut subsister sans le Christ. Et tous nos efforts humains pour la bâtir sont vains si nous ne posons le Christ comme fondation.

L’antienne s’achève par une supplication : "Viens sauver l’homme que tu as fait du limon de la terre." La référence à l’Adam de la Genèse est claire : "Alors YHVH Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant" (Gn 2, 7). Le limon est ici préféré à la glaise, mais cela est cohérent avec le même récit rapporté dans le livre de Tobie tel qu’il est rapporté dans la Vulgate :

"C'est toi qui as créé Adam, c’est toi qui as créé Ève sa femme, pour être son secours et son appui, et la race humaine est née de ces deux-là. C’est toi qui as dit Il ne faut pas que l’homme reste seul, faisons-lui une aide semblable à lui [dans la Vulgate : Tu fecisti Adam de limo terræ dedistique ei adiutorium Evam]" (Tb 8, 6).

Une méditation sur le péché originel

À l’aube de la Nativité du Seigneur, la liturgie nous invite donc à méditer le motif de l’Incarnation, qui est le péché originel. La condition humaine d’Adam avant le péché n’était pas celle que nous connaissons aujourd’hui, marquée non seulement par la faiblesse mais encore par la division : entre l’âme et le corps, entre la raison et les passions, entre l’homme et la femme, entre les hommes et la nature. De ce champ de ruines ne peut que jaillir l’appel au Christ-Sauveur. L’enfant Jésus dans la Crèche est l’image de notre innocence retrouvée. Sa nudité, de la Crèche à la Croix, n’est plus symbole de honte comme celle d’Adam après le péché originel, mais symbole de l’innocence, de la pureté, et de l’abandon confiant à Dieu.

Pour en savoir plus : Angelicum

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