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Depuis au moins le VIe siècle, la liturgie de l’Église propose, lors des offices qui précèdent Noël, une série d’antiennes, les antiphonæ majores, qu’on traduit en français par "antiennes Ô" ou "grandes Ô". Ces antiennes sont chantées surtout dans les communautés religieuses, mais elles sont destinées à l’ensemble du peuple de Dieu. Tous les baptisés, religieux ou non, peuvent goûter ce trésor de la liturgie.
On ne connaît pas l’auteur — ou les auteurs — de ce recueil, mais cet ensemble d’antiennes qui précèdent le Magnificat aux vêpres du 17 au 23 décembre témoigne d’une remarquable assimilation de la théologie de l’Emmanuel, dont le chant grégorien transfigure la beauté. Les "antiennes Ô" encadrent le Magnificat, comme pour souligner le lien du mystère de Jésus avec le mystère de Marie. Dans ce recueil d’antiennes de l’Avent, la liturgie sert la foi des chrétiens en lui ouvrant les trésors de l’Écriture et de la Tradition.
Pourquoi sept antiennes ?
Le chiffre de sept antiennes n’est pas anodin. La Nativité de Jésus marque le début de la nouvelle Création, selon un degré de perfection nouveau. Dieu avait créé le monde à l’origine en sept jours, et ce monde était très bon. Mais Jésus-Christ vient restaurer cette création abîmée par le péché, et cette nouvelle création qu’est le monde de la grâce est meilleure encore. Le chiffre 7 symbolique de la première création est donc également symbolique de la nouvelle création en Jésus-Christ, d’où les 7 "antiennes Ô" qui visent à nous introduire à la Nativité du Seigneur.
Le péché des liturgistes de toutes les époques étant l’accumulation d’ajouts, on a constaté à différentes époques une inflation du nombre des "antiennes Ô". Mais cette inflation dénotait une incompréhension de la cohérence interne du corpus initial. En introduisant des antiennes mariales dans un corpus exclusivement christologique, l’unité du corpus était affaiblie. Par ailleurs, augmenter le nombre d’antiennes revenait à oublier la symbolique christologique du chiffre 7 qu’on vient d’expliquer. Enfin et surtout, ces liturgistes mal inspirés semblaient n’avoir pas relevé l’acrostiche composé par les sept premières lettres (après le "Ô" introductif) de chaque antienne, qui a l’avantage d’être valable dans les deux sens, à la fois en latin et en grec : ERO CRAS ("Je serai demain")/SARCORE – σαρκοσ ορα ("À l’heure de la chair").
Ainsi donc, la totalité formée par les sept "antiennes Ô" oriente toutes ces invocations vers leur fin : l’avènement du Verbe Incarné, l’Emmanuel, Dieu parmi nous. C’est dans sa forme traditionnelle et initiale qu’Aleteia présentera du 17 au 23 décembre, à l’aide d’une vidéo et d’un texte explicatif, l’antienne Ô du jour.
Le Nouveau Testament éclaire l’Ancien
Dans ce cycle des "antiennes Ô", chaque antienne est construite ainsi : après le "Ô" introductif (que le chant grégorien prolonge dans une tension eschatologique voulue), on trouve un titre christologique. Puis on trouve un développement de ce titre en forme d’explication. Enfin, on trouve une supplication pour que le Christ vienne, en rapport avec le titre et son explication.
Tout cela, comme on le verra, est tissé de références scripturaires, explicites ou implicites. On peut même faire remarquer que la partie "ERO" ("je serai" ; les trois dernières antiennes) contient surtout des citations du Nouveau Testament, tandis que la partie "CRAS" ("demain" ; les quatre premières) contient surtout des citations de l’Ancien Testament, de telle sorte que les promesses de l’Ancien Testament, orientées vers un demain, ne peuvent être lues qu’à la lumière du Nouveau Testament, lorsque le Christ, de fait, sera.
Le désir de Noël
D’un point de vue musical, comme il apparaîtra dans les vidéos où des frères dominicains français en études au couvent de l’Angelicum à Rome chantent chaque antienne dans sa version grégorienne d’abord, puis dans sa traduction française en polyphonie par le fr. André Gouzes o.p., il est intéressant d’entendre à quel point la structure tripartite de l’antienne, quant à la signification, est parfaitement épousée par la partition.
Enfin, il faut noter que si toutes les antiennes portent un titre christologique, aucune ne mentionne le nom de Jésus-Christ. Ainsi, en évoquant Jésus sans jamais le nommer, les "antiennes Ô" font monter le désir d’enfin célébrer Noël.