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Le pape François n’a pas fini de nous surprendre. Souvent présenté, dans l’Église comme dans les grands médias internationaux, comme le chantre du progressisme, ne voilà-t-il pas, que ce Pape publie, en la solennité de l’Immaculée conception, une lettre apostolique — Patris corde — « à l’occasion du 150e anniversaire de la déclaration de saint Joseph comme patron de l’Église universelle », mettant à l’honneur une des dévotions les plus « vieillottes » en apparence de la foi catholique, marquée par l’esprit sulpicien fin XIXe !
Avouons-le, depuis le dernier concile du Vatican, on ne peut pas dire que la dévotion à saint Joseph ait été beaucoup illustrée dans le catholicisme français. Le pape François rappelle néanmoins qu’il s’inscrit dans la démarche et la foi de ses prédécesseurs qui « ont approfondi le message contenu dans les quelques données transmises par les Évangiles pour mettre davantage en évidence son rôle central dans l’histoire du salut : le bienheureux Pie IX l’a déclaré Patron de l’Église catholique, le vénérable Pie XII l’a présenté comme Patron des travailleurs, et saint Jean Paul II comme Gardien du Rédempteur. Le peuple l’invoque comme Patron de la bonne mort ».
Le souci des humbles
La réflexion du Saint-Père « a mûri au cours de ces mois de pandémie durant lesquels nous pouvons expérimenter, en pleine crise qui nous frappe, que nos vies sont tissées et soutenues par des personnes ordinaires, souvent oubliées… ». Le pape François souhaite rendre hommage à tous ceux qui, au quotidien, s’engagent au service de leurs frères et de la société, loin des caméras, du cirque politico médiatique. Il a voulu leur faire part de « réflexions personnelles », pour les encourager et les soutenir : « Nous pouvons tous trouver en saint Joseph l’homme qui passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, discrète et cachée, un intercesseur, un soutien et un guide dans les moments de difficultés. Saint Joseph nous rappelle que tous ceux qui, apparemment, sont cachés ou en “deuxième ligne” jouent un rôle inégalé dans l’histoire du Salut. À eux tous, une parole de reconnaissance et de gratitude est adressée ».
Ne serait-ce que pour cela, que notre Pape trouve ici notre gratitude pour son souci des humbles, des cachés de l’histoire officielle, de ceux qui, en vérité par un engagement humain personnel, tissent, malgré tout, les liens dont nos sociétés individualistes ont tant besoin.
Accueillir sa propre faiblesse
Dans un passage d’une grande finesse psychologique et spirituelle, le Saint-Père explique : « Le Malin nous pousse à regarder notre fragilité avec un jugement négatif. Au contraire, l’Esprit la met en lumière avec tendresse. La tendresse est la meilleure manière de toucher ce qui est fragile en nous. Le fait de montrer du doigt et le jugement que nous utilisons à l’encontre des autres sont souvent un signe de l’incapacité à accueillir en nous notre propre faiblesse, notre propre fragilité. Seule la tendresse nous sauvera de l’œuvre de l’Accusateur (cf. Ap 12, 10). C’est pourquoi il est important de rencontrer la Miséricorde de Dieu, notamment dans le Sacrement de la Réconciliation, en faisant une expérience de vérité et de tendresse. »
En quelques lignes, le Pape confond l’esprit du monde — dont nous connaissons le prince —, esprit qui voudrait que la force seule permette de vaincre. L’accueil en nous de nos propres fragilités et faiblesses, sous le tendre regard de Jésus, est condition sine qua non pour la charité envers notre prochain. Cette expérience se vit en particulier dans le sacrement de la pénitence. Évoquer le risque de la tendresse est ainsi d’une particulière intensité.
Transformer un problème en solution
Le pape François entend bien à travers ce texte redonner courage aux simples fidèles que nous sommes : « Une lecture superficielle de ces récits donne toujours l’impression que le monde est à la merci des forts et des puissants. Mais la "bonne nouvelle" de l’Évangile est de montrer comment, malgré l’arrogance et la violence des dominateurs terrestres, Dieu trouve toujours un moyen pour réaliser son plan de Salut. Même notre vie semble parfois à la merci des pouvoirs forts. Mais l’Évangile nous dit que, ce qui compte, Dieu réussit toujours à le sauver à condition que nous ayons le courage créatif du charpentier de Nazareth qui sait transformer un problème en opportunité, faisant toujours confiance à la Providence. » Quelle espérance en ces lignes, pour nous qui, en effet, avons trop souvent le sentiment que nos vies sont désormais à la merci de forces qui nous écrasent. Le Saint-Père nous invite au courage « créatif » (comme les amis du paralytique qui finissent par passer par le toit de la maison !).
Avec ce texte très fort, le pape François se place bien au-dessus des querelles habituelles dans lesquelles, trop souvent, les commentateurs analysent son pontificat, sa politique, ses gestes et ses déclarations. Comme pour tous les papes, c’est bien là que nous l’attendons, comme un Père qui « ouvre toujours tout grand des espaces à l’inédit ».