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Franck Ferrand : “La présence des chrétiens au Liban est un symbole de la vivacité de l’Église d’Orient”

LEBANON BLAST

Des ouvriers portent une porte cassée le 5 août 2020 à l'intérieur d'une église de Beyrouth qui a été fortement endommagée par la puissante explosion de la veille.

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Timothée Dhellemmes - publié le 07/12/20
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Dans une vidéo tournée pour l’Aide à l’Église en Détresse (AED) avec les chanteurs Natasha St Pier et Grégory Turpin, l’historien Franck Ferrand alerte sur la situation libanaise et particulièrement sur le sort de la communauté chrétienne. “Il faut aider les chrétiens à se maintenir au Liban”, confie-t-il à Aleteia.

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La double explosion du 4 août dernier à Beyrouth a plongé le Liban dans une profonde crise sociale, économique, sanitaire et politique. Une dizaine d’églises ont été ravagées, dont la grande cathédrale maronite Saint-Georges. Alors que les chrétiens sont tentés par l’exil, l’historien Franck Ferrand appelle à les soutenir “à la fois sur le plan matériel, mais aussi patrimonial”.

Aleteia : Quatre mois après le drame, quels sont les besoins les plus urgents de la population ? 
Franck Ferrand : Ce sont des besoins de tous ordres. Nous ne pouvons bien sûr pas subvenir à tout. L’AED s’intéresse particulièrement au sort des chrétiens et les aide à parer au plus pressé. C’est un soutien à la fois matériel – il y a des secours à apporter dans tous les domaines -, mais aussi sur un plan plus patrimonial, puisqu’il s’agit de les aider à reconstruire leurs églises, à rendre leurs lieux de cultes à leur destination. Je pense bien entendu tout particulièrement à la cathédrale Saint-Georges de Beyrouth, qui a été soufflée par l’explosion.

Pourquoi la restauration de cette magnifique cathédrale maronite, construite en 1755, est-elle prioritaire ?
Il s’agit d’un côté d’un lieu de culte essentiel, d’un élément majeur de la vie quotidienne des chrétiens libanais. C’est aussi un symbole. En soufflant cette cathédrale, ces vitraux, en emportant ces portes, en la mettant dans l’état dans lequel elle se trouve aujourd’hui, c’est la tête même de l’Église maronite qui se trouve atteinte. Ce symbole est essentiel pour eux et il faut toujours commencer par ce qu’il y a de symbolique. Le symbole, c’est ce qui réunit et ce qui rassemble.

Peut-on craindre un exil des chrétiens du pays ?
A partir du moment où vous êtes dans une situation de très grand péril, où vous n’avez presque plus d’avenir sur place, où vous avez l’impression que votre sécurité est mise en péril chaque jour davantage, et si vous n’avez même plus de lieux de rassemblement, vous avez une forte tendance à vous dire que l’exil serait la solution.

Depuis la première guerre du Liban en 1975, les vagues d’immigration successives ont fait partir beaucoup de chrétiens du Liban. Il faut absolument leur redonner de l’espoir sur place, leur rappeler que leur place est au Liban et qu’il n’y a pas de raison pour qu’ils quittent les lieux. Il faut les aider à s’y maintenir. C’est pour cela que cette aide est absolument essentielle. Il faut que les gens comprennent qu’il y a urgence.

En quoi la présence des chrétiens au Liban est-elle capitale ?
Historiquement, le Liban était composé sur un équilibre très délicat, entre des communautés qui se partageaient le pouvoir. Il était de tradition que le président soit maronite, que le Premier ministre soit musulman sunnite, que le président de la chambre soit musulman chiite, etc.

S’ils ne peuvent pas se maintenir, cela risque d’être une défaite effroyable non seulement pour eux-mêmes, mais pour toute la chrétienté.

Un certain nombre de voisins puissants ont un fort intérêt à détruire cet équilibre et à faire que ce qui était autrefois un des pôles de la chrétienté d’Orient devienne un État entièrement musulman. La présence des chrétiens au Liban est essentielle. Là encore, on peut parler de symbole. Les chrétiens sont présents au Liban depuis toujours, et leur présence est un symbole de la vivacité de l’Église d’Orient. S’ils ne peuvent pas se maintenir, cela risque d’être une défaite effroyable non seulement pour eux-mêmes, mais pour toute la chrétienté.

La chaîne de solidarité internationale est-elle suffisante ?
J’ai parlé de l’exil important de la population libanaise dans les pays occidentaux depuis 1975. Il est évident que cette diaspora libanaise a créé des communautés puissantes dans de nombreux pays occidentaux, qui peuvent apporter un vrai soutien. Les gens qui vivent encore sur place au Liban savent très bien qu’ils peuvent compter sur la solidarité de tous ceux qui se sont expatriés.

Il y a une sympathie de l’Occident et particulièrement de la France envers le Liban.

D’une façon plus générale, il y a une sympathie de l’Occident et particulièrement de la France envers le Liban. Ces liens entre la France et le Liban remontent à Napoléon III. Emmanuel Macron est d’ailleurs allé lui-même sur place pour manifester à quel point cette solidarité était essentielle aux yeux de la France. Il faut que les Libanais sachent que cette solidarité existe. Elle se manifeste déjà et elle est, très efficace, mais elle ne le sera jamais assez. C’est pourquoi l’AED s’emploie à remettre sur pied non seulement les lieux de culte, mais aussi les écoles, les hôpitaux et tout ce qui fait la richesse de ce tissu chrétien au Liban.



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